Voilà un livre tellement important que tout le monde devrait le lire ou l’avoir lu, un livre de chevet, dans lequel Henri Laborit, grand médecin biologiste et grand philosophe, met au grand jour et à la portée de tous les mécanismes des déterminismes biologique et socioculturel et la lutte pour les dominances qui gèrent la vie de l’Homme à son insu, parce que, inconscient de ce qui se passe dans son cerveau, il continue à croire à l’amour, à la liberté, au bonheur, mais surtout au libre-arbitre prôné par la couverture mensongère du langage, du discours.
Il n’est jamais facile de résumer un essai car on a souvent l’impression que tout y est essentiel. C’est bien le cas de celui-ci, qui aborde, un chapitre après l'autre, tout ce qui nous touche comme l’enfance, les autres, le plaisir, la mort, le travail, la politique, la foi, le temps, etc… Un sérieux tour d’horizon à la fin duquel Henri Laborit n’oublie pas de s’arrêter quelques instants sur des notions de choix et de société idéale… Voici la meilleure synthèse que j’en ai trouvée, de la plume d’un lecteur chez Amazon.fr
« Ce livre est une authentique révélation. Il est de ces ouvrages qui surprennent et font jubiler à chaque paragraphe tant l'analyse est profonde. Le Professeur Laborit éclaire le comportement humain avec une grille d'analyse jusqu'ici délaissée par les sciences sociales : la grille biologique. Partant, l'amour ou la liberté sont désacralisés par la puissance des déterminismes biologiques et socioculturels. En l'absence d'une telle connaissance, le langage n'est qu'un alibi, un moyen contre-nature d'empêcher nos pulsions inconscientes et les déterminants socioculturels enregistrés depuis l'enfance grâce au système limbique (le cerveau de la mémoire) d'être associés de façon originale par le cortex associatif (le cerveau particulièrement développé chez l'homme qui le rend doué de créativité). L'inventeur des neuroleptiques démontre de façon implacable que cette méconnaissance débouche sur l'angoisse qui manifeste l'impossibilité de combattre ou de fuir les hiérarchies sociales de domination. Dés lors, une seule issue s'impose à l'être humain : Mobiliser la connaissance de ses déterminismes biologiques et socioculturels pour fuir dans l'imaginaire créateur, à l'abri des jugements de valeur, des préjugés véhiculés par la société. Cette fuite salutaire doit permettre à l'homme de faire triompher de nouvelles structures harmonieuses aux dépens des hiérarchies destructrices. Puisse Henri Laborit être un jour entendu ! »
Le fait est, cependant, que ce type de livre, on le lit le crayon à la main, pour souligner tel ou tel passage qu’on désire pouvoir retrouver facilement par la suite, ou citer comme ont choisi de le faire de nombreux lecteurs sur la Toile plutôt que de se lancer dans une analyse personnelle. J’avoue avoir eu la même idée, mais j’ai arrêté mon recueil dès que je me suis rendue compte que tout ce que j’avais sélectionné avait un rapport étroit avec les évènements politiques de ces derniers mois, comme le consensus aveugle au populisme et à l’obscurantisme, l’uniformité soumise des mass-médias, la montée du racisme, le sabotage intentionnel des structures démocratiques, etc… Est-ce à dire que si je venais d'essuyer un chagrin d’amour, si je traversais des difficultés au travail ou dans l’éducation de mes enfants, ou si j'étais étudiante en biologie ou en médecine j’aurais souligné autre chose ? Sans aucun doute !
Dans le cas présent, sélectionner, c’est amputer, car, dans cet essai, il n’y pas la moindre phrase inutile. Alors, à titre personnel et pour moi-même, je n’annoterai que deux passages que j'espère ne jamais oublier.
« Toute autorité imposée par la force est à combattre. Mais la force, la violence, ne sont pas toujours du côté où l’on croit les voir. La violence institutionnalisée, celle qui prétend s’appuyer sur la volonté du plus grand nombre, plus grand nombre devenu gâteux non sous l’action de la marijuana, mais sous l’intoxication des mass-médias et des automatismes culturels traînant leur sabre sur le sol poussiéreux de l’Histoire, la violence des justes et des bien-pensants, ceux-là même qui envoyèrent le Christ sur la croix, toujours solidement accrochés à leur temple, leurs décorations, leurs marchandises, la violence qui s’ignore ou se croit justifiée, est fondamentalement contraire à l’évolution. (…) Prendre le parti du plus faible est une règle qui permet pratiquement de ne jamais rien regretter. Encore faut-il ne pas se tromper dans le diagnostic permettant de savoir qui est le plus faible. La notion de classe n’est pas toujours suffisante. La logique du discours est encore capable, là aussi, de camoufler le rapport de force. Je serais tenté de dire plutôt qu’il faut éviter d’être du côté d’une majorité triomphante et si par hasard il arrive qu’une minorité devienne une majorité et triomphe, alors il faut trouver autre chose…. » (p. 146)
« Ce n’est pas l’Utopie qui est dangereuse, car elle est indispensable à l’évolution. C’est le dogmatisme, que certains utilisent pour maintenir leur pouvoir, leurs prérogatives et leur dominance. » (p. 165)
Toutefois, entre 1976, année de publication de ce livre, et 2009, on a assisté à l’écroulement du socialisme institutionnalisé en communisme, l’une des deux principales idéologies en opposition, et à la montée sans frein et finalement visible sous ses aspects les plus cruels d’une unique dominance capitaliste pleine de hiérarchisations férocement sélectives, même au sein des minorités et de la culture, sur chaque être humain, sur chaque cm2 de notre planète, en sous-sol et même dans l’espace. Alors, pour échapper à la soumission ou aux maladies générées par l'impossibilité d'agir, par l'inutilité de la révolte, où faut-il fuir ? La fuite en avant dans l’imaginaire de la créativité, chère à Henri Laborit, où faut-il aller la chercher aujourd’hui ? Après l’éclatement d’une crise financière dont les dominances, à l’unisson (sauf peut-être du côté de Barack Obama), se sont empressées de noyer les véritables raisons pour éviter de se remettre en question, faudra-t-il attendre la catastrophe « salutaire » annoncée par Dario Fo ?
Ici, qu'on ne s'attende surtout pas à un livre confortable, qui vous remonte le moral, mais cette "Eloge de la fuite" fait du lecteur une personne plus consciente de sa condition d'Homme et du monde dans lequel il vit. Je ne suis pas prête à le remettre sur son étagère.
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