Il y a quelques semaines de cela, dans Libération, j’ai lu un article qui parlait de l’Allemagne comme du pays des sans-enfants. La description de ces éternels adolescents dont le nombre est en forte augmentation, qui refusent de grandir, craignent le moindre engagement, refusent le sens de la vie et même le bruit que font les enfants dans les écoles est totalement navrante, désespérante, d'une tristesse sans fond. Ils me font presque pitié. Je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à une histoire, entendue il y a très longtemps, de l'habitude du peuple des rennes, qui faute d’envie de vivre pour une raison que je ne connais pas, va de temps à autre se jeter à la mer. Ici, bien sûr il ne s’agit que d’une histoire sans référence précise, mais n’est-ce pas ce qui se passe chez bien des animaux ou même dans certaines sociétés primitives quand les conditions de vie deviennent inacceptables ?
En ce qui me concerne, je pense qu’un couple sans enfants n’a aucun sens, et le fait de ne pas désirer au moins un enfant de la personne qu'on aime me semble bien restrictif vu que nous sommes conçus pour cela. Qu’on se tranquillise, cependant, car connaissant assez bien la question avec tous les cas particuliers, toutes les affres et les difficultés qu'elle comporte parfois, je n'ai aucune intention de jeter la pierre à qui que ce soit. Ici il s'agit d’une opinion personnelle dont, toutefois, aucune excuse de temps, de carrière, de moyens ou de capacité ne me fera démordre. Qui a inventé l’imbécillité que les parents doivent être parfaits, ou qu'un enfant doive grandir sans problèmes ? Aujourd'hui on se heurte tout simplement au fait qu’une partie de notre société en âge d’avoir des enfants n’a pas envie d'en faire, mais on assiste aussi au phénomène inverse qui veut que ceux qui ne peuvent pas en concevoir, physiquement ou légalement, revendiquent ce droit à grands cris. Bien entendu, le fait de dédaigner ce que l’on a et de désirer ce qu’on ne peut pas avoir est vieux comme le monde et n’émeut que ceux qui ont envie de s’émouvoir, mais il n’en reste pas moins qu’une société qui n’a pas envie de faire des enfants est une société malade, suicidaire, - et l’article évoqué plus haut le souligne quand il parle d’une échéance fatale d’ici quarante ans. Bref, nous sommes face à une société qui devrait se poser des questions et se réveiller pour corriger ses erreurs avant qu’il ne soit trop tard.
J’ai la chance, depuis quelques temps, de passer de très bons dimanches. Même si hier nous étions mardi, après avoir arpenté la belle plage de S. où on se baignait encore dans une mer turquoise, son gros écueil, son petit port et son village escarpé, nous sommes retournés manger la soupe de poisson dans notre excellent petit restaurant-crevaison. Petit restaurant, façon de parler parce qu'on peut y servir une centaine de couverts et qu'il est toujours plein. Ce qui m’a frappée, cependant, c’est que plus du tiers de la clientèle était représenté par des enfants, et pas envahissants de surcroît, ce que j’ai trouvé plutôt agréable, mais surtout, très rassurant.
Au sud de l'Europe, tout n'est pas rose, loin de là. Tout y est même plus difficile qu'au nord car le travail y est bien moindre et même souvent au noir, mais avoir des enfants est encore considéré, ressenti, comme un besoin naturel et légitime. On n'en a plus autant qu'avant parce que la femme au travail et la contraception sont arrivés ici comme ailleurs, mais on n'a pas encore oublié l'essence de la vie. Et bien souvent, moi qui n’ai rien d’une mère-poule et qui prône le libre-arbitre, je m'en réjouis.
Mots-clefs : Société, Méditerranée, Femmes, Immigration, Occident
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Ysengrin, merci pour ce lien qui dit bien la vérité, mais le peu d'enfants que font encore les Italiens se fait surtout au sud de Rome, là où "la famille" est encore conçue au sens large. (A ne pas confondre avec les familles élargies!)
On sait que dans ces statistiques entrent également en ligne de compte les naissances des enfants des immigrés. En Italie, l'immigration est récente et elle comprend plus de célibataires que de familles.
Re:
Alberto, il est bien triste qu'on puisse considérer comme asocial le fait d'avoir quatre enfants. Et pourtant, quand il s'agit d'enfants voulus et dont les parents s'occupent, ces enfants-là sont tellement plus heureux que les fils uniques!
Une réaction par rapport au passé de ce pays ? En Italie, le fascisme avait la même optique des trois K. Il s'est quand même écoulé près de trois générations, et je ne pense pas que la baisse des naissances soit toujours dûe à ce type de réaction, mais plutôt à l'égoisme dans lequel la génération qui a fait mai 68 a élevé ses enfants, en leur répétant, croyant bien faire, que tout leur était dû et qu'ils avaient tous les droits, sapant toutes les autorités qu'ils rencontraient sur leur route, piétinant toutes les règles, sans distinction. En fait, aujourd'hui, ces enfants-là ont plus ou moins trente ans, mais ils continent à tout vouloir pour eux, sans aucun inconvénient ni engagement "définitif". La seule chose qui les ramène un peu à la réalité, hélas, c'est l'avidité du libéralisme quand ils en sont les victimes. Mais pensent-ils à l'ensemble des difficultés que leur génération doit affronter ou bien continuent-ils à pleurer sur eux-mêmes en accusant la génération précédente d'égoïsme ?
Re: Re:
Mais pour en revenir aux politiques allemands qui ont dépassé largement la trentaine, pourquoi ne leur vient-il pas à l’esprit, ne serait-ce qu’une seconde, l’idée de lancer une politique familiale ? (comme en France, depuis 50 ans je crois) ? Au lieu de miser que sur les émigrés.
Re: Re: Re:
Cohn-Bendit, mais aussi tous ceux de cette génération-là, dont les idées n'étaient pas étriquées mais généreuses. Mais comme l'a si bien dit Honoré de Balsac : " La liberté enfante l'anarchie, l'anarchie conduit au despotisme et le despotisme ramène la liberté.
En Italie, l'Etat est loin d'encourager les gens à avoir des enfants, au contraire. Mais, en ce qui me concerne, je crois bien plus aux droits à l'emploi, à un salaire décent et à un logement qu'à une potitique familiale. Ne vaut-il pas mieux encourager le "désir de faire" plutôt que l'assistentialisme?
ImpasseSud (depuis quelques temps, ma connexion à Internet est très capricieuse!)Différentiel
Re: Re: Re: Re:
Le droit à l’emploi, le salaire décent, le logement... représentent des souhaits qui s’expriment sûrement dans tous les coeurs. Comme le monde ne date pas d’hier, on sait que pour beaucoup, ces souhaits ne resteront que des rêves. Une partie y arrive, une autre partie n’y arrive pas. Mais contre l’assistentialisme et ses abus, “le désir de faire” est certainement à encourager. Comment ? Par quelle méthode ? Par quelle politique ?
Est-ce consubstantiel au confort, à l'instruction, à l'émancipation des femmes ?
L'Europe devra rapidement ouvrir les vannes de l'imigration pour survivre.
Finalement, les enfants ou les imigrants, c'est vu de la même façon par nos compatriotes : des bouches à nourrir. Mais ils sont aussi notre avenir...
Re: Différentiel
Re: Re: Re: Re: Re:
Re:
Coldbear, je partage tout à fait ta réflexion et les questions que tu te poses.
L'émancipation des femmes est probablement pour quelque chose dans la baisse des natalités, mais il y a un autre facteur qui entre certainement en ligne ce compte. Le but de tous les parents a toujours été de donner à leurs enfants une vie meilleure que la leur. Et que peuvent-ils leur offrir "de mieux" aujourd'hui ? En fait, je crois que c'est une des raisons des énormes boom des naissances qui suivent toutes les guerres. Les conditions de vie sont très difficiles et parfois même prohibitives, mais tout le monde retrouve l'espoir, l'envie de reconstruire un monde meilleur.
Au fond, c'est l'espoir qui donne envie d'avoir des enfants. Et les immigrés qui permettent à nos statistiques de "tricher" le portent tous en eux, même dans les conditions de vie les plus difficiles. Mais pour nous, où faut-il aller le chercher ?
Impassesud, je te laisse volontiers appuyer ton idée d’une liberté qui s’effrite. En effet, il faudrait être aveugle pour ne pas voir autour de nous un despotisme écoeurant mais bien réel sous ses bonnes apparences, un despotisme à grande et à petite échelle !
Et il suffit de traverser une ville pour s’apercevoir des multiples emplois que chacun d’entre nous, s’il était maire, pourraient créer.
Pour répondre un peu à Différentiel, oui, la réunification rapide des deux Allemagnes a été la douche froide pour l’Allemagne de l’ouest ! Elle l’est encore. On se souvient que Mitterand était pour une réunification lente, mais cette décision n’appartient qu’aux allemands. Maintenant, pourquoi ce peuple avide de prospérité n’aime pas les enfants ? cela reste pour moi quand même un mystère… Est-ce que seul le manque d’espoir en est la cause ? je ne crois pas, surtout dans ce pays qui a vu naître Luther.Re: Re: Re: Re: Re: Re:
Plutôt n'importe quel machine automatique qu'un employé, plutôt ailleurs qu'ici, plutôt une activité à fort besoin en capital, qu'une activité avec trop de main d'oeuvre, plutôt une usine type process chimique ( 10 000 m², 3 employés) qu'un atelier de montage !
J'ai pas la solution, mais dire que le gouvernement organise le chômage me paraît particulièrement faux. La phobie incroyable qu'a developpée l'industrie envers le salarié et la conception que les salariés se font du travail salarié me parait beaucoup plus en cause.
Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re:
En tous cas, si la mentalité actuelle qui étouffe le monde du travail ne change pas, les choses ne peuvent que continuer à empirer.... et comme tu le disais plus haut, heureusement qu'il y aura les immigrés pour faire des enfants, mais à la longue, cela finira par déclancher des modifications sociologiques et sociales assez imposantes, voire radicales. Il m'arrive souvent de penser que nous sommes en train de revivre les grands courants migratoires du premier millénaire.