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Potok Chaïm, « Je m’appelle Asher Lev » (1972)

Nous sommes au début des années 50. Asher Lev, un tout petit garçon de la communauté juive hassidique de Brooklyn, a une extraordinaire aptitude pour le dessin. Dans ses mains et déjà dès l’âge de quatre ans, tout devient dessins, images, couleurs : les meubles et les objets de l’appartement dans lequel il habite, sa rue, les gens de son quartier, sa mère, son père, les scènes de leur vie commune. Mais dans une culture comme la sienne, traditionnellement hostile à la représentation figurative, la vocation d’Asher est destinée à créer de durs conflits entre ce don impérieux beaucoup plus fort que lui et l’amour qu’il éprouve pour les siens. « Je déteste ça, c’est perdre son temps. Ça vient du sitra ashra(1). Comme Staline. » (p.61), lui rappelle continuellement son père qui travaille et voyage pour le grand Rèbbe, le chef de la communauté, afin de ramener les juifs à la Torah aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, où il faut casser l’isolement causé par la Shoa et les pogroms et persécutions dans les pays de l’Est.

Grâce à la toute-puissance spirituelle et à la grande intelligence de ce dernier, cependant, l’éducation artistique d’Asher est confiée au célèbre peintre Jakob Kahn qui devient son maître et lui permet d’entrer dans le monde de l’art et par conséquent dans celui des goyim(2). On assiste à l’émergence progressive de son talent, au perfectionnement de sa façon de peindre et à la création de son œuvre. Cela le portera en Europe, à Florence, à Rome, à Paris où il sera confronté aux grands thèmes fondamentaux de l’histoire de la peinture occidentale, comme celui de la crucifixion par exemple, qu'une inspiration irréfrénable transformera en déchirement intime et culturel, puis, quand il rentrera à New York, en ultime cause de rupture avec sa communauté.

 

Il s’agit bien là d’un roman magistral, et par surcroît extrêmement attachant.

D’un côté, il vous plonge dans le monde inconnu des Juifs orthodoxes, dans l’atmosphère d’une famille, d’un milieu aux traditions si fortes, issues directement d’un passé lointain. Un monde qui émane une double sensibilité : une grande chaleur humaine vu de l’intérieur, un communautarisme intransigeant vu de l’extérieur. Ce monde-là semble se suffire à lui-même.

De l’autre, mais en toute légèreté, il nous offre un repassage partiel de l’histoire de l’art occidental, de Michel-Ange à Picasso et Chagall, vu à travers l’œil d’un artiste, ce qui est important.

Et pour finir, il nous jette carrément dans « les affres du génie artistique, bien souvent synonyme de déchirements … »


Quant à Chaïm Potok dont j’ignorais l’existence il y a encore quelques mois, je suis sûre que j’y reviendrai, ne serait-ce que parce que cette histoire a une suite, Le don d’Asher Lev, que j’ai hâte de lire. Mais aussi parce que Je m’appelle Asher Lev est partiellement autobiographique, dans le sens que, élevé dans un milieu juif orthodoxe extrêmement strict et rabbin lui-même, l’auteur a cependant eu, dès sa prime jeunesse, la curiosité et l’ouverture d’esprit nécessaires pour aller dévorer tous les livres séculiers qui lui étaient interdits. C’est ainsi que son protagoniste, Asher Lev, va, en cachette, passer des heures dans les musées parce que lui-même en faisait autant dans les librairies. Ce qui a sans aucun doute eu une grosse influence sur sa carrière d’écrivain.

Sans compter que le thème du contraste intelligent entre l’individu et les différents groupes auxquels il appartient par naissance ou par choix m’a toujours passionnée, et que je suis persuadée qu’il ne peut jamais rien naître de bon des conditions d’enfermement, de cloisonnement.

 

A lire !!!!


(1) Le mal. Cabbalistique
(2) Les non-juifs, les chrétiens.

Mots-clefs : , , , , , , ,

Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 19 Décembre 2010, 14:40 dans la rubrique "J'ai lu".

Commentaires et Mises à jour :

monde-de-sally
20-12-10 à 06:15

Chaïm Potok

 

 
ImpasseSud
20-12-10 à 08:28

Re: Chaïm Potok

Bon retour par ici, Sally ! Il semble que ton commentaire se soit perdu en cours de route :-))

 
trebessos
20-12-10 à 17:47

Re: Chaïm Potok

Je viens de terminer le livre je m'appelle Asher Lev de Chaïm Potok. J'ai envie de poursuivre et suis rassurée d'apprendre qu'il y a une suite à cette histoire, ce que j'ignorais. Tout a été dit semble-t-il sur ce premier livre et le monde n'est pas joli (1) comme dit Ascher, enfant, à sa mère. Au-delà de ce qui prime au titre des indicateurs de la morale dans l'observance d'une règle stricte de vie, hors religion ou hassidique, c'est-à-dire ce qui est évoqué : la situation de chacun des protagonistes, leur position sociale, leur place au sein de la communauté religieuse, leur place dans la famille, nonobstant, il réside et préside, pour moi, le mystère de la naissance, le  mystère de toute naissance, le tragique de l'enfance : sa faiblesse sa dépendance sa solitude. A quel Dieu se réfère l'enfant (si ce n'est à ses parents) ; quel est ce pouvoir tragique et magique de l'enfance ; est-il , un temps, l'éternel sacrifié (l'Eternel sanctifié) pour ensuite advenir un adulte et sacrifier à son tour (son talent, ses vues personnelles, sa personnalité féconde, sa faconde, son verbe).

Je vois dans l'éducation de Asher qu'il est aimé en tant que fils et que le lien qui l'unit à ses parents est un lien qui ne peut fructifier dans la vraie vie, dans la réalité, qu'en désacralisant ce qui est (donné) comme sacré (la descendance la transmission, la filiation). Je pense, et c'est moi qui pense, que la personnalité de Asher est proche du divin de l'extrême solitude de l'abandon et que son expérience humaine fût-elle idéelle ne peut être communiquée ni dans un ordre générationnel ni dans une logique de création sauf à se déclarer fils de personne. Asher est un bon fils qui respecte ses parents in fine il se pose à chaque fois la question du respect alors même qu'il n'en a pas l'obligation.

(1) je dirai, moi lectrice, le monde n'est pas fini.


 
ImpasseSud
21-12-10 à 08:59

Re: désolée! joueb ne marche pas avec moi!

Quel dommage, Sally ! Le pire, c'est que comme ça marchait avant, je ne sais pas quoi te suggérer. Vu que récemment je suis passé à Windows 7, y aurait-il des cookies qui t'en empêchent ? Je vais en parler à mon .... informaticien :-)

Entre temps. si tu veux, tu peux toujours m'envoyer ton commentaire via e-mail, car il m'intéresse vraiment, et je le rajouterai ici.


 
ImpasseSud
21-12-10 à 10:58

Pour Sally

Mon informaticien vient de faire différents tests en partant de l'anonymat, via Internet Explorer 8, et via les dernières versions de Firefox et de Chrome, et il n'a rencontré aucune difficulté pour poster des commentaires. Toi-même, aurais-tu changé quelque chose dernièrement dans la configuration de ton navigateur ?

Je viens d'appuyer ta demande d'aide :-) Espérons que quelqu'un nous fournisse bien vite une réponse.


 
sarah-k
21-12-10 à 11:46

Chaïm Potok

Bonjour Impasse
Je suis contente que tu découvres Chaïm Potok.
Chaïm Potok fut un "accompagnant" sur mon chemin pour "comprendre" (entendre) la religion juive.
C'est un long chemin et c'est difficile.
Je crois que le don d'Asher Lev est un des livres les plus difficile à comprendre. (humainement )
Je te laisse le découvrir.

 
ImpasseSud
21-12-10 à 17:32

Pour Trebessos

Voilà un commentaire... assez élaboré, et je vous en remercie.


Par contre..., par contre..., il va un peu à l’encontre du « style  » que j’ai décidé d’imprimer à ce blog à propos des livres dont je parle.
Car à mon avis, il y a deux façons de parler d’un livre qu’on a lu, peu importe qu’il s’agisse d’un roman, récit, essaie, poésie, théâtre, etc. : en partant des impressions qu’il vous inspire et qu’il vous laisse, ou alors en le désossant froidement, comme on nous obligeait, hélas, à le faire au lycée.

« Hélas », disais-je, parce qu’il y a rien de tel pour dégoûter un adolescent de la lecture. Et comme moi j’aime beaucoup lire car j’ai eu la chance d’être initiée par une personne cultivée mais non érudite, eh bien à chaque fois que j’ouvre un livre, je défends mon droit à me laisser porter. Ce qui fait que « tout n’est jamais dit », car chaque lecteur l’aborde avec son sexe, son âge, son milieu, sa propre sensibilité, ses propres goûts, son propre bagage culturel, la vie qui est la sienne, etc. Bien plus passionnant qu’un désossage fouineur, ne croyez-vous pas, qui, j’en suis convaincue, trahit toujours peu ou prou la pensée originale de l’auteur ?

Pour en revenir à notre petit garçon, en tant que goy, j’ai trouvé tout à fait normal qu’à travers les yeux de sa mère en pleine dépression, il ait trouvé que le monde n’est pas joli. Que ce soit vrai ou non n’a aucune importance. Et bien que cette histoire m’ait permis de découvrir plus en détail un monde que je connaissais somme toute superficiellement, j’en suis ressortie avec l’impression d’avoir eu accès, pendant quelques instants, à une chaleur humaine qui explique bien des débordements. C'est ce que j'ai essayé d'exprimer dans mon billet.


En tous cas, encore merci d’avoir laissé une trace de votre passage car vous êtes la bienvenue par ici.

Bien amicalement.


 
ImpasseSud
21-12-10 à 17:46

Pour Sarah-k

Bonsoir Sarah,
Aurais-tu oublié que c'est toi justement, qui m'as conseillé ce livre? Je t'en sais vraiment gré ! :-) 
Car, comme tu le dis et même sans que personnellement je sois à la recherche de la religion juive, j'ai eu, comme jamais jusqu'à présent, l'impression d'en approcher l'essence. Il semble que Chaïm Potok avait un don exceptionnel pour la communication.
Donc j'ai non seulement l'intention de lire la suite, mais je crois que je vais m'arranger pour lire d'autres titres.


 
sarah-k
22-12-10 à 20:16

Non ! Je n'ai pas oublié.
Mais je ne savais pas quand tu le ferais :-)))))!
Tu as tout à fait raison Chaïm Potok a un don particulier pour faire comprendre et faire partager.
Il est toujours resté fidèle à sa foi et son engagement mais s'est aussi colleté à la culture du monde moderne, ça n'a pas du être facile, il a quelque chose d'Asher Lev.
J'ai ses livres avec une couverture jaunâtre, comme la couleur de tes commentaires, ça m'a fait bizarre de découvrir la nouvelle couverture d'Asher Lev.

 
ImpasseSud
24-12-10 à 11:41

Re:

La couverture d'aujourd'hui, à mon avis, n'est pas très bien choisie : ce regard.....  


 

 

Par contre, j'aime bien la couverture italienne.

 

 

 


 
monde-de-sally
28-12-10 à 00:39

Re: Chaïm Potok

J'ai découvert Chaïm Potok de façon exceptionnelle et j'ai envie de le raconter:
27 avril 1975, j'étais évacuée avec ma famille au Clarke Air Base, aux Philippines. 30 avril, jour officiel de la chute de Saïgon, comme le camp de réfugiés de Guam fut trop plein, nous sommes transférés à Wake Island, resté inhabité depuis la fin de la Seconde Guerre dans le Pacifique.
3 mai, je me suis aventurée loin du coin des baraques jusqu'au bord de la mer aux récifs sauvages. Non loin de là j'ai découvert une petite maison en ruine. Dans un ancien salon au toit défoncé, il y avait une bibliothèque écroulée avec des livres poussiéreux. J'en ai ramassé un seul et je l'ai gardé jusqu'à maintenant. C'est The Chosen de Chaïm Potok.
Merci, ImpasseSud pour l'assistance technique. Je vous écris d'un autre ordinateur. Mais je crois que c'est le curseur qui ne clignote pas sur la zone Texte qui m'a mystifiée.

 
ImpasseSud
28-12-10 à 07:39

Re: Chaïm Potok

Sally, merci d'avoir insisté parce que l'histoire de votre "rencontre" méritait vraiment d'être racontée. Les hasards de la vie... Ces toutes petites choses apparemment sans importance qui vous marquent de façon indélébile...
En plus, votre histoire me touche tout particulièrement. Dans une région aux risques sismiques particulièrement élevés, j'habite dans un immeuble relativement récent et, à ce qu'il semble, construit selon les normes. Cependant, depuis le tremblement de terre de L'Aquila qui a vu l'écroulement d'immeubles anti-sismiques récents comme des châteaux de sable, je ne me sens plus aussi tranquille qu'avant et, - vous allez rire -, je me dis souvent que si je devais y perdre tous mes biens matériels, ce qui me manquerait le plus, ce serait mes livres justement... ceux qu'on est contraints à abandonner dans les désastres, comme dans cette maison au toit éventré.

Vous ne dîtes pas si vous avez lu le livre dont je parle. Si non, je vous le conseille vivement. Quant à The Chosen, L'Elu en français, je l'ai inclus dans la liste de mes prochains achats.


 
monde-de-sally
28-12-10 à 23:32

Re: Chaïm Potok

Non, je n'ai pas encore lu celui-là mais je l'ajoute à ma liste assez longue de ce que je lirai ... un jour. Je ne sais pas pour vous, mais ma liste des livres à lire est plus impressionnante que celle déjà lue. Quand je passe à Paris c'est pire encore puisque je réalise qu'il y en a une tonne qui n'est même pas distribuée au Québec. Aussi, il faut compter les envies subites de relecture ... Enfin, c'est le nouvel an bientôt, saison des regains de bonne volonté!
Dîtes-moi, je crois que votre courriel n'est pas accessible parce que j'avais essayé avant d'envoyer des notes par le titre des commentaires. J'espère que c'est moi qui me trompe encore ...

 
monde-de-sally
28-12-10 à 23:35

Re: Chaïm Potok

Pardon, c'est encore moi qui n'a pas bien cherché. Pour vous écrire, il faut cliquer sur la petite cabane à l'extrême droite de l'en-tête, et non sur le mot «m'écrire» ... 

 
ImpasseSud
30-12-10 à 07:25

Re: Chaïm Potok

En effet, ma cabane est peut-être moins évidente que je ne le croyais :-))) Merci de me l'avoir signalé.
Pour revenir aux livres, il est vrai que la France, somme toute, est assez repliée sur elle-même, aussi bien dans le sens de la publication des livres de la sphère francophone, que de l'exportation des siens à l'étranger ou encore de celui de la traduction en français des grands titres en langues étrangères. Je l'ai constaté à plusieurs reprises. Les sommets de la francophonie continuent à le confirmer. En ce qui me concerne, pour les oeuvres en langue française, j'ai fini par me rabattre sur Amazon. Ça ne vaut ni la FNAC ni Gibert Jeune (ce dernier surtout pour le renouvellement permanent des livres d'occasion), mais le choix est aussi vaste si ce n'est plus, et même si c'est un peu plus coûteux, les envois vers l'Italie sont assez rapides.
Chère Sally, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une très bonne année 2011, en bonne santé si possible, et pleine de satisfactions et ... de très bons livres. :-)
Bien amicalement

 
Jean-Marc
21-12-13 à 04:35

Merci

Je viens tout juste de voir la pièce de théâtre "Je m'appelle Asher Lev" tirée du roman éponyme de Chaïm Potok, dont vous faites l'éloge.

J'ai adoré le propos et je crois que le drame de l'enfant est toujours celui d'affirmer son identité en créant des déchirures autour de lui.

Et un grand merci pour la qualité de votre billet. Il traduit à merveille l'intention de l'auteur, tout en donnant quelques clés bien utiles pour en comprendre la portée.