Je viens de finir ce très beau roman. L’histoire se passe dans le canton des Grisons en Suisse aux environs de 1930. Au début, bien que la traduction de l’allemand soit fluide, j’ai avancé sans grand plaisir dans ce dédale un peu sordide de mauvais traitements infligés à sa famille par un mari et père ivrogne et violent jusqu’à l’inceste et jusqu’à estropier et même tuer certains de ses enfants, ayant semé des rejetons un peu partout, sans compter qu’il la laisse souvent sans argent et sans nourriture. Suite aux scandales publiques qu’il ne cesse de causer, « la loi » le condamne à quelques mois de prison, mais reste aveugle face au scandale privé et à l’enfer dans lequel il fait vivre sa femme et ses enfants.

Une des filles cependant, Sylvia, se détache nettement du groupe grâce à un je ne sais quoi d’esprit à la fois saint et libre. Alors qu’elle a un bras semi-paralysé suite aux violences de son père, elle pense qu’à force de patience elle pourra le ramener à la raison. Toute la famille essaie de se défendre et de se protéger des coups comme elle peut. Nicklaus fait travailler la scierie familiale, Sylvia et Anna entrent en service ici et là pour gagner un peu d’argent, les enfants forment un bloc compact d’assistance mutuelle autour de leur mère qui est la plus démunie. Sylvia finit par entrer au service d’un peintre célèbre qui la prend en amitié et lui laisse une petite fortune à sa mort. Mais son père s’arrange pour lui voler l’argent de cet héritage. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, et en l’absence de Sylvia, toute la famille s’unit pour assassiner le père avec l’aide d’un ouvrier qui, lui aussi, a de bonnes raisons pour cela. Et on cache la cadavre. La vie de débauche du père étant de notoriété publique, les enfants laissent courir la rumeur d'un départ et le crime passe inaperçu. Mais Sylvia, incapable de vivre désormais avec sa famille ou de la dénoncer quitte la maison et va travailler dans un ville proche. Là, elle connaît par hasard un juge d’instruction intègre issu d’une famille riche dont elle s’éprend sans vouloir l’épouser, en partie à cause de son secret, mais ce dernier finit par la convaincre à faire le grand pas.

Je ne dévoilerai pas la suite pour ne pas gâcher le plaisir à ceux qui voudraient le lire. Le thème de ce roman est l’éthique du châtiment, l’inadéquation des lois, des juges et des juristes dans les condamnations et l’émission des jugements. « La loi ne devrait pas être uniquement un instrument punitif, car la peur du châtiment empêche rarement les criminels de commettre les crimes qui sont en eux. L’objet de la loi doit être de prévenir le crime, de l’enrayer, de supprimer le criminel dans la communauté »…. Et non pas de l'enfermer après coup, car la société n'a rien à y gagner.

Bref, ce livre de près de 600 pages est passionnant, et si j’ai eu une certaine difficulté à arriver au premier tiers, j’ai dévoré le reste en deux jours. Une belle matière à réflexion dans notre société d’aujourd’hui où le crime est en recrudescence.

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