Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

La crise : de la fausse rhétorique européenne comme solution

Dans un débat où s'affrontent deux avis contraires, il arrive que la partie que vous considérez adverse l’emporte simplement parce que son raisonnement, hors de tout syllogisme, ne fait pas un pli, parce tout y est logique, parce qu’il sonne tellement juste qu’elle ne peut pas avoir tort. Et pourtant, alors que vos convictions vacillent et sans que vous sachiez exactement pourquoi, rien ne réussit à faire taire, tout au fond de vous, cette petite voix, instinctive, tenace, qui continue à répéter que ce raisonnement est fallacieux, déviant. Ici, je me réfère à deux faits actuels qui vont bien au-delà des pays concernés et qui sont plus que significatifs dans le cadre européen. Et si vos journaux n'en parlent pas, raison de plus pour vous y intéresser, car il s'agit d'un premier signe qui pourrait bien faire tache d'huile. Voici donc de quoi il s'agit :


1)  Des grèves que des travailleurs britanniques de différents secteurs ont déclenchés pour protester contre la préférence donnée par la multinationale française Total à une entreprise italienne avec ses 200 personnels italiens et portugais hautement spécialisés pour effectuer des travaux dans sa raffinerie de Grimsby au nord de la Grande-Bretagne.
2)     Des protestations contre la énième aide financière réclamée par la FIAT une fois de plus en difficulté, mais cette fois-ci à cause de la chute des ventes. D’une part, ses dirigeants annoncent la possibilité de 60.000 mises au chômage technique, qui seraient suivi, par effet de cascade, par le chômage réel de 300.000 travailleurs ; mais, de l’autre et en même temps, ils confirment la délocalisation de la fabrication de la Punto en Serbie à partir de mars 2009. En somme, et si j’ai bien compris, les familles italiennes, déjà aux prises avec la vie chère, des fins de mois difficiles, leurs dettes et l’augmentation des risques du chômage, devraient accepter que les finances bien malades d’un Etat proche de la faillite, servent à renflouer à leurs frais les caisses d’une entreprise qui continue à délocaliser malgré la crise !!!!

 

Dans toutes les discussions que ces deux faits ont provoquées, entre partisans (tous bien nantis, est-il nécessaire de le préciser ?) et détracteurs, j’ai vraiment entendu de tout :


1)    
tout d’abord les gens de mauvaise foi (dont certains aux plus hautes charges de l'Etat !?) qui se sont empressés de crier au racisme, à la xénophobie et au retour des nationalismes. Dans le cas présent, c’est tellement déplacé et séditieux que je ne m’y attarderai pas.

 

2)     Les partisans : ils s’en sont tout de suite appelés au principe de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, appuyant leurs prises de position sur les arguments suivants :

  -          dans le cas de Total, si cette multinationale a donné la préférence à une entreprise de Syracuse, c’est sans aucun doute à cause de ses hautes performances et pour ne pas perdre de temps à former du personnel sur place.

  -    grâce à ce principe, rien n'empêche les chômeurs britanniques d'aller chercher un emploi dans un autre pays de l'UE.

  -          si on a cru bon d’avoir recours pour quelques mois à une entreprise italienne très spécialisée, c’est que la Grande-Bretagne n’a probablement pas l’équivalent. Idem pour les Britanniques qu’on fait venir en Italie.

  -          pour un simple moment de crise, l’Union européenne ne peut pas renoncer à tous ses progrès sans se mettre à risques.

Ensuite, ils ont porté leurs argumentations sur la globalisation :

  -          qu’on imagine un peu ce qui se passerait si les quelque 3 millions d’Italiens partis à l’étranger devaient rentrer au pays parce qu'il faut qu'ils laissent la place aux autochtones.

  -          quand la FIAT a ouvert une usine au Brésil, c’était dans le but d’élargir son marché au Brésil, et si aujourd’hui elle va en Serbie, c’est de nouveau pour élargir son marché à la Serbie et aux pays limitrophes, ceci pour sauvegarder la maison mère et, par conséquent, sa main d’œuvre en Italie.

  -          un retour aux protectionnismes nationaux (et ici on s’en prend à la politique que voudrait relancer Obama aux USA pour contrer le chômage) verrait la chute radicale de l’économie italienne basée en grande partie sur l’exportation. Au lieu de se replier sur soi, chaque pays doit au contraire s’ouvrir aux autres. Et, pour preuve, on cite volontiers la nette augmentation en 2008 de l’ouverture, en Chine, de nouvelles entreprises italiennes, et ceci malgré l’invasion du marché italien par les produits chinois.

  -     A tout cela est venu s’ajouter la surprise de tous les étrangers qualifiés (Anglais, Américains, Norvégiens) qui, en Italie, travaillent au coude à coude avec des Italiens pour Exxon Mobil sur une plateforme au large de Rovigo, près de Venise, (les Italiens gagnent-ils autant que les étrangers dont certains déclarent un salaire de 11.000 U$ par mois ?), qui ne comprennent pas ce qui se passe en Angleterre. Si les Anglais expulsent nos compatriotes, nous expulserons les étrangers d’ici, a menacé la Ligue du Nord.

 

3) Les détracteurs : leurs arguments se réduisent au fait qu’au sein de l’Union européenne, il est tout à fait anormal d’aller fournir du travail ailleurs quand on en manque chez soi, ou d’amener ses propres travailleurs étrangers au mépris du chômage de la main-d’œuvre locale.

 

Comme on peut le voir, tout le monde semble avoir raison. Et pourtant…

Il est plus qu’évident qu’il est impossible que la Grande-Bretagne manque de personnel hautement spécialisé. Ce qui a décidé Total, c’est sans aucun doute l’offre la plus basse à qualité égale.

Adopté en d'autres temps de vaches plus grasses et mis à dure épreuve depuis son élargissement, il est évident que le système de la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE favorise surtout une minorité d’élites, sans apporter aucune solution au problème du chômage de masse dont le déplacement est impensable ou enrayer le phénomène du travail au noir qui toucherait de 4 à 8 millions de personnes.

Il est évident que la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE favorise également les multinationales et les gros capitalistes qui peuvent ainsi éviter de devoir composer avec les lois salariales et sociales qui protègent les mains-d’œuvre locales. Et, personnellement, j’aimerais bien savoir jusqu’à quel point Total (tout comme Exxon Mobil à Rovigo ou autre multinationale ailleurs) respecte les égalités de salaires et les Directives services.

Il est également évident qu’une Union Européenne qui n’a rien fait et continue à ne rien faire pour endiguer le chômage de ses citoyens ou pour sauvegarder leurs niveaux de bien-être est en nette régression, non seulement sur les Trente glorieuses, mais sur les idéaux démocratiques qui l’ont fait naître et progresser après la Seconde guerre mondiale.

Et, pour finir, je doute fort, en pleine récession et compte tenu de tous les désastres sociaux causés depuis vingt ans en Occident par les délocalisations, qu’une ultérieure délocalisation remette sur pied le marché de la FIAT au moment où c’est l’ensemble de l’industrie automobile mondiale qui est dans le pétrin.

 


Le fait est que depuis quelques temps, je n’arrive plus à suivre jusqu’au bout le moindre débat sur la crise économique (présente bien avant la crise financière déclenchée par Wall Street) sans que ma colère explose, car si on discute, ce n’est pas pour mieux comprendre, mieux communiquer, pour remonter aux origines et aux causes, ou pour faire ensemble le tour de toutes les solutions possibles, mais simplement pour faire de la rhétorique, pour rester sur la scène politique, et ceci qu'on soit de droite ou de gauche. Comme si, pour nos gouvernements, mais aussi pour l’Union Européenne, l’important consistait, au-delà d'une magnanimité envers les banques et quelques placebos et petits emplâtres ici et là, à attendre qu'elle passe. Ne rien changer au libéralisme, pour que le capitalisme puisse continuer sans entrave, plus que jamais au service d’une élite et des multinationales qui y font carrément la loi. Alors que les populations en rêvent, c’est avec inquiétude que tous nos dirigeants regardent au sens de la justice et de l’éthique qu’Obama veut réintroduire aux USA, aux « grossièretés » qui sont les siennes. Personnellement, j’ai l’impression que si, au milieu des restrictions progressives de toutes nos libertés, on laisse qu’un grand nombre de débats se fassent en public, c’est exclusivement et alors qu'il n'en est rien, pour nous donner l’illusion qu’on cherche âprement à nous sortir de là.

 

Les deux raisons primordiales qui poussent les masses à émigrer ce sont la faim et la guerre, et ceci depuis la nuit des temps. Le drame des sans-papiers ne nous le rappelle-t-il pas tous les jours ? En ce qui concerne la faim, il a fallu des siècles pour que l’ensemble des citoyens européens sorte de cette dépendance. Y aurait-il donc un quelconque progrès dans le fait d’y replonger une bonne partie d’entre eux ? Au-delà de ces points fixes, tout n’est que circonstanciel, et la vérité en vigueur ces vingt dernières années n’est pas forcément celle d’aujourd’hui.

 

Licenciements, licenciements... Mais comment peut-on supporter ce leitmotiv journalier, ce lavage de cerveau, et laisser faire ?! Si on ne change rien à rien, la crise continuera à faucher des tas de postes, par la force des choses ou par opportunisme. Alors moi, je suis avec les travailleurs britanniques qui protestaient à Grimsby : ils viennent d’ailleurs d’obtenir gain de cause car Total, sans débaucher l’entreprise italienne qu'il aurait fallu indemniser richement, vient de signer un accord pour l’engagement de 102 Britanniques sur 198 personnes pour le prochain contrat. Je suis avec les ouvriers de chez FIAT à Turin, et j’aimerais bien qu’eux aussi réussissent à avoir gain de cause. Et je suis même tout à fait favorable à l'ouverture d'une usine FIAT en Serbie, si cela peut donner du travail sur place sans en ôter en Italie.

Ici, il ne s’agit ni de racisme, ni de nationalismes, ni de protectionnismes, mais d’une question d'urgence, de chômage de masses, de masses de chômeurs qui ne peuvent pas tous émigrer, de millions de bouches à nourrir aux frais de l'Etat et de plusieurs centaines de millions de personnes à continuer à faire vivre décemment. Laisser, en Occident, quel que soit le motif ou le subterfuge, qu'on continue à acculer des tranches tout entière de population au chômage, c'est parfaitement immoral.

Moi, à l’Union européenne, j’y tiens, malgré tous ses défauts. Alors il est temps de rejeter les faux-semblants, les altruismes trop commodes en faveur des mieux nantis, et de remballer les invectives faciles. C’est sa tournure récente envers les plus pauvres, - qu'ils soient citoyens ou clandestins -, qui est à revoir ! En 2005 la France et la Hollande ont dit « non » au projet de Traité constitutionnel qui favorisait un libéralisme sans grands freins. Ils avaient vu juste et on le voit aujourd'hui. Mais on a passé outre et on l’a déguisé en Traité de Lisbonne que l’Irlande, presque en faillite elle aussi mais parmi les derniers pays membres résistants, pourrait bien se décider à ratifier sous le poids des pressions, après y avoir tout d'abord dit "non". 


En juin prochain, le Parlement Européen fera peau neuve. Quand vous irez voter pour élire vos représentants, faites donc bien attention à votre choix et n'oubliez pas que le dieu économie nous a trahis. Ne vous laissez pas berner par les raisonnements logiques de la rhétorique, examinez-les à fond avant de vous laisser convaincre, avant de vous décider, écoutez la petite voix instinctive qui, tout au fond de vous, dit et répète ce qui est juste et dénonce ce qui ne l’est pas. Il faut absolument que l'Union Européenne récupère ses idéaux de justice, sauvegarde ce qui reste de ses progrès sociaux, il faut que la politique reprenne ses droits sur l'économie. Mais dites-vous bien que ce ne sera pas facile, parce que parmi ceux qui brigueront un siège, il y aura encore un bon nombre de ceux-là même qui nous ont enfoncés et qui n’auront de cesse que lorsqu’ils nous auront coulés.

 

Mots-clefs : , , , , , , ,

Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 5 Février 2009, 15:55 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :