Si je poste ce billet aujourd’hui, un peu en retard sur la date officielle, c’est que les lieux communs ne sont toujours pas morts et qu’ils m’irritent grandement. Malgré le « Jamais Plus » affirmé haut et fort ce 27 janvier dans toute l’Europe, 60 ans après l’arrivée des Russes à Auschwitz, désormais emblème de
N’ayant perdu ni parents ni amis durant la seconde guerre mondiale, pour moi, ce 27 janvier s’est transformé en une semaine de réflexion. J’ai vu deux films « Jakob le menteur » et « Le pianiste », parce que j’ai voulu les voir et non pas parce qu’ils passaient à la télé. Et les nuits suivantes, j’ai très mal dormi parce que l’idée que des hommes puissent contraindre leurs semblables à vivre dans des conditions d'horreur indicible m’est absolument insupportable. Je ne pleure jamais en regardant ce genre de film, mais j’en sors transie, n’arrêtant pas de me demander si j’aurais été capable de supporter de telles souffrances, d’en être la complice muette ou, encore pire, de les infliger. D’autre part, le hasard veut que je sois en train de lire « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen. Ce livre décrit tellement bien le mécanisme sournois employé à tous les niveaux pour insinuer dans l’esprit des gens qu’en période de récession économique, ce sont les minorités indésirables, mais surtout les Juifs, qui sont la cause de tous les maux.
AUJOURD’HUI, j’éprouve exactement les mêmes sentiments d’horreur et de terreur quand je regarde l’actualité ou que je lis des récits sur les abus, les souffrances, les tortures qui ont été et sont infligés au peuple iraquien, sous Saddam mais aussi après Saddam, au peuple Afghan, au peuple Tchétchène qu’on voudrait éliminer lui aussi, aux Kurdes qui n'arrivent pas à avoir leur propre pays, aux haines raciales aux USA et celles qu’on encourage dans de nombreux pays d’Afrique, en Indonésie, au Sri Lanka, au Kosovo, au Tibet, en Bolivie, au Pérou, au Guatemala…. (dites-moi quand je dois m’arrêter ?) sans oublier les souffrances du peuple Palestinien, celles des émigrés musulmans en Occident ou celles des Juifs d’Europe qu’on continue à persécuter à l’école ou sur leur lieux de travail, dont on continue à profaner les tombes et les synagogues et à qui on ne donne pas volontiers le droit à la parole.
Alors, je remercie la chance qui m’a permis de ne jamais m’être trouvée dans une situation aussi terrible et ni même dans la condition de devoir choisir entre la souffrance, la mort ou la trahison. Je remercie la chance qui m’a fait naître, non pas au sein d’une minorité facile à transformer en bouc émissaire quand les choses vont mal, mais dans une majorité qui n’a pas grand-chose à craindre, car je tremble à l’idée de ce que la vie et les circonstances vous contraignent parfois à faire. Ceux qui lancent la pierre, s’en lavent les mains ou trouvent des excuses de toutes sortes se sont-ils déjà demandé une seule fois ce qu’eux-mêmes auraient fait s’ils s’étaient trouvés dans des circonstances analogues ? Seraient-ils devenus des victimes, des tortionnaires ou des héros ?
On oublie si vite… Il n’y a qu’à voir le nombre de « monuments aux morts » existants dans toutes nos villes et sur toute la planète. Ne portent-ils pas, en lettres d’or, la liste des morts inutiles sacrifiés à l’avidité et à la soif de pouvoir de quelques-uns ? Cela a-t-il empêché les guerres suivantes, les guerres interposées, la cruauté humaine ? Au contraire, ces morts ont souvent été les prémices de la suivante, par revanche ou par vengeance. Il semble cependant que la seconde guerre mondiale ait enseigné quelque chose à l’Europe vu que ses pays ont ressenti la nécessité d’une Union Européenne (l’Allemagne en tout premier, avec la France : ce que peut faire l'amitié réelle entre deux hommes de bonne volonté!), qu’un mouvement pacifiste parcourt la planète depuis quelques années et que, finalement, on a instauré une « journée de la mémoire ».
Pour moi, « la journée de la mémoire », cela signifie qu’au moins un jour par an il est bon de se rappeler de quoi les hommes sont capables s’ils sont acculés à choisir entre deux types d’horreurs. Car c’est là, - il faut s'en convaincre -, que se trouve la clef du mécanisme infernal qui finit par faire croire aux gens que les choses iraient bien mieux si telle ou telle minorité n’était pas là pour leur enlever le pain de la bouche. Ensuite, ça consiste à prendre conscience qu’il est important de rester vigilant, même dans son langage personnel, celui de tous les jours et de toutes les heures, rejetant les plaisanteries douteuses ou même les mots caricaturaux, comprenant qu’il est temps d’arrêter de raconter les mêmes sornettes, celles des excuses, des « on n’était pas au courant », du « ils n’ont qu’à aller ailleurs », qui finissent par faire boule de neige. Ceci afin d’empêcher que ce type de circonstances préalables reprenne pied.
A mon avis, vivre le « jour de la mémoire », ça consiste à ne pas oublier qu’un chrétien, un musulman, un juif, un bouddhiste, un indien de l’Amazonie, un émigré quel qu'il soit, etc... est, avant tout, un être humain et que ce que tous les êtres humains ont en commun, quelle que soit l’époque ou la modernité dans laquelle ils vivent, c’est qu’au moindre danger, ils pensent avant tout à se refermer sur eux-mêmes, afin de se protéger, eux-mêmes mais aussi leur famille, leur communauté, leurs traditions, leur appartenance, leur identité, etc… en un mot, tout ce qui tient chaud au cœur dans la condition de solitude qui est la nôtre.
Alors pourquoi répète-t-on toujours les mêmes histoires ? Pourquoi accepte-t-on les yeux fermés tous les faux « exorcismes » qui ont pour seul but de nous cacher la réalité en acquérant notre consentement ? Pourquoi invoque-t-on toujours les mêmes "nécessités" pour le recours à la violence et à la cruauté ? Pourquoi persiste-t-on à juger les hommes d’après leur appartenance communautaire, leur religion, continuant ainsi à les acculer, bien avant d'arriver au ghetto réel, dans un ghetto moral qui les incite puis les contraint à des réactions d’autodéfense ?
Aujourd'hui encore, avoir de la mémoire, c’est lutter contre l’avidité et la soif du pouvoir qui sont les éternelles étincelles qui mettent le feu aux poudres de la guerre, des pogroms et des purifications ethniques, qui nourrissent la vengeance des morts, des blessés ou des frustrés, car les puissants d'aujourd'hui recourent exactement aux mêmes systèmes que ceux d'hier, entraînant l'humanité en enfer. Guantanamo, Abu Ghraib, nous sommes tous au courant, non?
(Photo : Peacereporter)
Mots-clefs : Société, Sujets brûlants, Question israélo-palestinienne, Immigration, Union Européenne
Commentaires et Mises à jour :
Re: Mémoire Mémoire Mémoire
caverne
Supprimer le mot « race » de l'article premier de la Constitution de la Ve République
C'est ce à quoi vise une proposition faite par un certain nombre de députés socialistes, parce que
"Le mot « race » a toujours servi de support au discours qui prélude à l'extermination des peuples.
Supprimer le support ne supprime pas le discours mais la légitimité qu'il pourrait puiser dans la loi fondamentale. En effet, lorsque la Constitution interdit à la loi d'établir une distinction selon « la race », elle légitime paradoxalement et donc en creux l'opinion selon laquelle il existe des « races distinctes ».
Voir le texte entier : http://www.assemblee-nat.fr/12/propositions/pion1918.asp
Via : Tgtg info
Re: caverne
Le mythe de la caverne? Tu crois ? :-))) Le but de mon article était plus pragmatique que philosophique. Pour ma part, je pense que les mêmes maux ont toujours les mêmes origines : dans le cas présent, il s'agit de la soif du pouvoir et de l'avidité, avec tous les nuances et les degrés de servilité que s'en suivent. On peut également se rapporter au fameux mécanisme de la "servitude volontaire" (cf. La Boétie)
En ce qui concerne l'Afrique, je suis tout à fait d'accord avec toi. Mais qui donc, pour l'instant, a le pouvoir de repenser la politique que les grands y exercent par avidité, directement, par guerre interposée ou par l'intermédiaire du FMI ? Quand on voit que Ghedaffi, le plus rebelle de tous les dirigeants africains, vient de faire tout le nécessaire pour rentrer dans les bonnes grâces des USA qui auront désormais le droit d'exploiter le pétrole libyien.... Sans parler du principe de démocratie, pratiquement inexistant ou fort maltraité sur l'ensemble du continent.
!!!