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« Le sourire de Mona Lisa », Mike Newell (2002) et... réflexions sur l’importance d’une solide instruction de base

A la rentrée scolaire 1953, Katherine Watson, jeune professeur d’histoire de l’art émoulue d’une université californienne, arrive à la prestigieuse école (« college ») pour jeunes filles de Wellesley, un des pilastres de la bonne société traditionaliste du Massachusetts, dans le but de « faire la différence ». D'un caractère doux et réservé mais esprit libre, elle ne tarde pas à entrer en conflit avec les « règles » non dites, car, plus que de former de futures élites féminines, cette école semble surtout avoir pour rôle d’inculquer à ses élèves une solide culture générale de base et une kyrielle de bonnes manières, afin que les élites masculines WASP* puissent trouver en elles de parfaites épouses. 

 

Un gentil petit film tourné autour de Julia Roberts et inspiré par le passage d’Hillary Clinton dans cette école (paraît-il, mais plus tard), et dont je n’aurais certainement jamais parlé si, dans mon esprit, il ne s’était pas immédiatement associé à « L’esquive », vu il y a quelques jours. 
Mais il s'agit de deux milieux incomparables ! s'exclamera-t-on. Incomparables ? Jusqu'à un certain point, car même si, dans cette histoire, on se retrouve dans un milieu plus qu’aisé, avec une bonne instruction, où tout semble permis, où toutes les portes semblent ouvertes, tout comme dans L'esquive, il n'en s'agit pas moins d'un milieu-carcan, tout aussi étroit, tout aussi contraignant et tout aussi féroce. Les jeunes filles qui fréquentent cette école ne doivent nourrir qu'une seule ambition : un bon mariage, qui leur donnera une belle maison à elle, une famille avec des enfants au côté d’un homme prestigieux qui leur assurera une position dans la société ; « devenir et rester ce pourquoi nous sommes nées » écrit Betty dans le journal de l’école. Hors de ce sentier étroitement balisé, point de salut. C’est ainsi que dans ce cadre à la dorure apparemment inaltérable, au lendemain d’une guerre aux plaies encore ouvertes et en plein maccarthysme, l’enseignement de l’art contemporain, tout comme les conseils de contraception distillés par l'infirmière, prennent vite une couleur subversive.

 

Comme l'admirable professeur de français de L'esquive, Kathrine Watson réussit à faire une petite brèche dans ce carcan, même si c’est au prix de son poste. Du strict point de vue de l'enseignement, cependant,  c'est là que les deux cas commencent à diverger. Grâce à l'instruction et à l'éducation solides qu'elles ont reçues et continuent à recevoir, les élèves de Kathrine Watson auront de toute façon le bagage nécessaire pour sortir de l’état de torpeur mentale qui est le leur si un jour elles en ont l'envie ou la nécessité. Mais les laissés-pour-compte du milieu social de L’esquive, privés pour un bon nombre d’un entourage culturel minimum, qui ne s’expriment qu’à travers un langage pauvre et incompréhensible et, à 14 ou 15 ans, ne connaissent pas le rôle de la virgule, quelles possibilités ont-ils, même si l’Etat professe le droit à l'instruction gratuite pour tous et met un système de bourses à la disposition des meilleurs ? Ici, il ne s'agit donc pas d'une question d'argent, mais du non respect et d'une application partielle, limitée à l'infrasturture, des lois Jules Ferry dont la Troisième et la Quatrième Républiques avaient compris l'importance. Dans une démocratie comme la nôtre, il est inadmissible qu'à 16 ans on puisse sortir de l'Ecole obligatoire sans connaître la langue de son propre pays, c'est-à-dire sa propre langue.

Je  ne sais pas où ni quand (par contre, je crois savoir pourquoi) ont commencé, entre  stigmatisation et idéalisation, les dérives du concept d'identité  d'une part, et l’élargissement tous azimuts des activités scolaires au dépend de l’instruction de base d'autre part. Pourquoi magnifier des singularités qui, au contraire, vous isolent toujours plus si personne n'est là pour vous ramener à la réalité ? Un groupe isolé malgré lui ne finit-il pas par se rebeller ? Même si on cherche à l'amuser pour le distraire ? Même si on lui fait croire que sa singularité est une culture qui suffit à remplacer tout le reste ?
Je continue à être convaincue que le premier pas vers une véritable intégration dans la société dans laquelle on vit, repose sur l'apprentissage solide et approfondi, oral et écrit, de la langue qu’on y parle et qui l’a façonnée. «Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne», écrivait Victor Hugo dans un de ses poèmes; la dernière strophe, on dirait même qu'il l'a écrite à notre intention. Je me demande si les candidats aux prochaines élections présidentielles ont finalement en tête un autre remède que le ghetto ou la répression...

 

Pour en revenir à ce film, s'il passe à la télé, regardez-le, vous ne passerez pas une mauvaise soirée.

 

* Acronyme de White Anglo-Saxon Protestant

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 22 Février 2007, 14:28 dans la rubrique "Actualité".