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Maillart Ella, « Oasis interdites » (1937)
--> De Pékin au Cachemire, une femme à travers l’Asie centrale en 1935

Pour introduire ce livre d'Ella Maillart, je ne pourrais vraiment rien écrire de mieux que ne l’a fait un autre grand voyageur, Nicolas Bouvier, dans sa préface dont je propose un extrait ci-dessous ; car tout comme lui, je suis persuadée « qu’on a souvent plus de profit à lire les voyageurs qui écrivent que les écrivains qui voyagent. » Ce récit d'un périple de huit mois qu'on peut suivre sur une carte de l'époque, je l’ai acheté il y a près d'un an, avant que n’éclate l’actuelle révolte au Tibet. Un concours de circonstances, cependant, qui m’a aidée à mieux comprendre la question. Ici, nous sommes en 1935, la Longue marche a déjà commencé, mais la proclamation de la République populaire de Chine puis la reprise en main par le Gouvernement communiste des territoires autonomes comme le Tibet et le Xinjiang sont encore lointaines. Il faut se le répéter continuellement parce qu'on a tendance à l’oublier tant y est déjà manifeste (depuis 1912 avec la création de la République de Chine de Sun Yat-sen) l'incompatibilité fondamentale et immuable entre les minorités telles que Tibétains et Ouïghours et la majorité des Hans (qui ne seraient que le produit de l'invention idéologique d'une "race" chinoise), aujourd'hui grands niveleurs au nom de la modernité.

 

« En janvier 1935, l’auteur quitte Pékin en direction de l’intérieur avec son compagnon Peter Fleming, correspondant du « Times », avec lequel elle vient de faire le Mandchoukouo…. Fleming est un bon fusil et un homme d’esprit, il sait un peu de chinois et l’art difficile de circonvenir les fonctionnaires provinciaux. Ella Maillart connaît la vie caravanière pour l’avoir vécue en Turkestan soviétique, parle assez bien le russe et peut apprêter sur un feu de broussailles n’importe quel gibier de poil ou de plume. Tous deux sont de fortes têtes, accoutumés à se débrouiller seuls et qui renâclent par moment contre la dépendance réciproque dans laquelle leur association les a placés ; mais le projet qu’ils ont formé a plus de chance d’aboutir à deux. 

« Il s’agit de traverser la Chine d’est en ouest, d’atteindre les oasis « interdites » du Sinkiang, berceau voici mille ans d’une vieille culture d’origine iranienne, et de là gagner le Cachemire, sur l’autre versant du monde, par les cols muletiers du Pamir et du Karakoram. Clandestinement car le Turkestan chinois, dont la population est en majorité musulmane, est en plein soulèvement. Trois ou quatre factions se combattent encouragées par l’URSS, l’Angleterre, voire le Japon. Le Kuomintang chinois les combat toutes, mais certains de ses généraux tournés « Seigneurs de guerre » opèrent pour leur compte et rançonnent leurs administrés. Des Républiques éphémères impriment leur monnaie sur l’écorce du mûrier. Chaque jour la situation change, de fausses nouvelles circulent et à cause de cette incertitude les liaisons caravanières ne se font plus. La mission Citroën de la « Croisière jaune », tombée deux ans plus tôt dans ce guêpier, a passé trois mois prisonnière à Ouroumtchi, capitale de la province. C’est au moins ce qu’on entend dire à Pékin où l’on est d’ailleurs très mal informé. C’est la bouteille à l’encre, mais la Chine ne veut pas d’observateurs étrangers dans ces lointains territoires de l’Ouest où elle ne fait plus la loi. Tous les voyageurs venus de l’Est sont arrêtés à Ouroumtchi. Il faut ruser.

L’auteur et son compagnon demandent donc des permis pour la région de Koukou Nor en Chine centrale sous prétexte d’aller y chasser l’outarde et l’oie cendrée. De là, ils s’éclipsent discrètement vers l’ouest par les hauts plateaux du Tsaïdam, la frange méridionale du désert du Takla-Makane, le bassin du Tarim et atteignent Kachgar. Ce tracé, choisi pour éviter les contrôles militaires et l’autorité des grands gouverneurs, passe entre les embranchements nord et sud de l’ancienne route de la Soie qu’il rejoint au pied du Pamir. L’extrême pauvreté de ces hautes terres, la violence du climat, la difficulté d’y trouver des chameaux, et les bandes de pillards Tangoutes qui s’y cachent, rendent alors cet itinéraire si dangereux et pénible que le gouvernement n’a pas songé à le fermer. A ma connaissance, aucun Occidental ne l’a refait depuis. Huit mois après avoir quitté Pékin, les deux voyageurs atteignent l’Inde (encore britannique), retrouvent les pics himalayens vus d’en bas, le verre à la main, le tub, les majors couperosés et le chagrin d’avoir « tourné le dos à l’inconnu démesuré » dans lequel ils avaient si longtemps et si intensément vécu…. »

 

 

Bonne lecture à tous ceux qui croient à l’aventure au naturel, sans sponsors ou risques provocateurs…. Et pour tous ceux qui, connaissant l'intérêt que je porte à tout ce qui touche les femmes et qui resteront peut-être surpris par le fait qu'ici je ne parle pas d’Ella Maillart, qu'ils aient un peu de patience. L'histoire de cette dame est tellement hors de l'ordinaire et de l'extraordinaire à la fois, que j'ai besoin de tout l'espace d'un autre billet.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Samedi 12 Avril 2008, 13:28 dans la rubrique "J'ai lu".