Juin 1953 : Nicolas Bouvier, journaliste de son état, quitte Genève pour aller rejoindre son ami Thierry Vernet quelque part en Yougoslavie où celui-ci s’adonne à sa passion, la peinture (1). « Je devais l’y rejoindre dans les derniers jours de juillet avec le bagage et la vieille Fiat que nous avions retapée, pour continuer vers
Le monde que l’on découvre dans ce livre merveilleux (lire un bref résumé), qui va de
De ce livre, je me suis demandée si j’arriverais à en parler car les sensations que j’ai éprouvées et retrouvées en le lisant étaient trop fortes. Une nostalgie qui vous serre la gorge si vous avez eu la chance d’en savourer les dernières bribes, une impression de plénitude oubliée, ce goût du voyage qui arrivait tout droit du Moyen-âge, avec ses surprises, ses nombreux imprévus et ses inconforts, mais aussi ses rencontres et ses joies authentiques, ses lenteurs et ses temps perdus. Ici, par choix ou par obligation, on chemine presque toujours à vingt ou trente kilomètres à l'heure. Un « usage du monde » perdu à tout jamais ?
Cinquante ans seulement nous séparent de ce voyage, mais on a l’impression que des siècles se sont écoulés. Où retrouver, aujourd’hui, ce goût de la débrouillardise sérieuse et allègre, entre petits moyens et enthousiasmes courageux, mais ô combien jouissive ? D’une part, l’excès de bien-être a fini par tuer l’ingéniosité et la simplicité. Le goût du voyage dont on parle ici n’existe plus, escamoté dès la fin des années 70 par les commodités, les modes, la large diffusion de l’information et des moyens de communication, mais surtout par les changements de mentalités même au sein des populations les plus isolées. Le voyage, aujourd’hui, c’est le tour opérateur même dans le désert ou au fond de la jungle, la croisière sur des navires qui font la queue pour entrer dans les ports, le « tout compris » de quelques jours pour échapper à une vie stressée, … sans lâcher les portables de toutes sortes et sans aucun contact non commercial avec les populations. L’aventure aujourd’hui, ce n’est plus que la course à l’adrénaline, la recherche du risque extrême ou peut-être même jouer à s’éclater. D’autre part, de nouvelles guerres, de nouveaux bouleversements politiques et un regain de fanatisme ont durci les esprits. Les espaces libres, les rencontres non programmées, sans encadrements touristique et technologique, où peut-on encore les trouver ? Est-il encore possible d'échapper aux contrôles hystériques et dictatoriaux qu'a engendré notre Occident, aux effets de son agressivité contagieuse ?
Ce livre-là, - extrêmement bien écrit -, il est absolument impossible de bien le raconter, il faut le lire. Tout le monde n’aime pas forcément les voyages, mais que ceux qui apprécient les bouffées d’air frais et un autre regard sur le monde l'abordent avec confiance, ils ne seront pas déçus. Au contraire, ils en ressortiront certainement amusés car l'humour n'y fait pas défaut, et peut-être même ébahis, libérés pendant quelques instants ou quelques jours... A moins qu’ils ne décident de le transformer en livre-refuge pour les heures difficiles.
(1) Les deux protagonistes.... et d'autres photos de ce voyage
De Nicolas Bouvier, voir aussi mes billets sur Chronique japonaise et Le poisson-scorpion
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