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Pasolini Pier Paolo, « L’odeur de l’Inde », (1961)
--> Titre original : "L'odore dell'India"

A la fin de l’année 1960, juste avant le Nouvel An, Pier Paolo Pasolini se rend pour la première fois en Inde en compagnie d’Alberto Moravia et d’Elsa Morante. Les émotions, les sensations qu’il éprouve sont si intenses qu’elles le poussent à écrire une sorte de journal de voyage qui raconte la découverte d’un pays mythique mais encore inconnu. Attentif et curieux, il tourne dans la réalité chaotique et fascinante de la péninsule indienne, observant les gestes et les mouvements des gens, suivant les couleurs des paysages, très sensible à « l’odeur » de la vie, non pas métaphorique mais réelle, celle « des pauvres nourritures et des cadavres qui, en Inde, est comme un souffle continu, puissant, qui donne une sorte de fièvre ». Les temples de Bénarès, les nuits de Bombay, les rives du Gange, toute la magie d’une terre enchanteresse, impénétrable, mais aussi l’horreur de l’existence qu’on y conduit, nous sont rendus avec l’originalité extrêmement vivace et versatile d’un artiste qui nous livre ses impressions intimes. Ce qui frappe le plus l’auteur c’est la disponibilité absolue des gens, associée à l’influx d'une spiritualité qu’il qualifie de « pratique ».

L’Inde de Pasolini est monotone et itérative, mais « L’odeur de l’Inde » est une oeuvre d'un lyrisme sobre dont il ne faut absolument pas perdre une seule note, voyageant entre amour et impuissance au milieu d’un vocabulaire très riche, mais sans envolée ni emphase.

 

P.S. Je ne sais pas comment se présentent les éditions françaises, mais l’édition originale ajoute, à la fin de ce petit livre de 110 pages, le texte d’une interview faite par la suite à Alberto Moravia, qui laisse émerger la différence de regards entre ces deux grands écrivains. Moravia, que son compagnon de voyage définit comme « un voyageur à l’anglaise », est attentif aux idées (« Une idée de l’Inde », 1962), tandis que Pasolini  est sensible aux odeurs. Alberto Moravia s’exprime en ces termes : « Entre Pasolini et moi, il y avait une divergence à propos du Tiers-monde. Lui, il soutenait que la révolution industrielle et la société de consommation l’avaient ruiné, moi je pensais et je pense toujours qu’il n’est pas assez industrialisé et qu’il ne consomme pas assez. Désormais, il n’y a plus rien de bon à attendre de la culture paysanne, donc il vaut mieux en finir et faire une véritable révolution industrielle. »


Tout cela dans les années 60...., à l'époque où l'Inde n'était indépendante que depuis treize ans et n'avait encore que (!) 400 millions d'habitants. Et pourtant, en lisant ce livre, je n'ai ressenti aucune impression de déphasage. Au contraire, j'ai éprouvé le sentiment d'entrer, avec douceur mais de façon décisive, dans l'intimité de l'Inde de toujours.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 21 Février 2005, 12:55 dans la rubrique "J'ai lu".

Commentaires et Mises à jour :

PierreDesiles
24-02-05 à 03:17

L'Inde qui se respecte

Merci, ImpasseSud, pour cette envie de lire ce livre que tu m'as donné. Je ne manquerai pas de le commander sur Internet.

J'aime bien le dilemme de l'auteur, qui oppose Pasolini et Moravia, entre tout industrialiser ou tout garder en l'état...


 
ImpasseSud
24-02-05 à 08:09

Re: L'Inde qui se respecte

J'espère que ta connexion t'en donnera vite la possibilité. :-)

En ce qui concerne Paosolini, je ne pense pas qu'il désirait vraiment tout garder en l'état vu qu'il était communiste, mais plutôt qu'il prenait note des effets néfastes d'une industrialisation et d'une société de consommation imposées de force. 

... Comme tout ce qu'on impose par la force da'illeurs....


 
Marco-Bertolini
24-02-05 à 15:13

Bonjour

Bonjour, Impasse Sud,

Une fois de plus tu me donnes envie de lire ce livre de Pasolini que je ne connaissais pas.

Pour ce qui concerne les divergences de vue entre Moravia et lui, elles n'ont rien d'étonnant : rien n'est plus éloigné du communisme ouvert de Pasolini que la bourgeoisie romaine dont est issu Moravia... Mais que ces deux hommes soient devenus (et restés) amis malgré leurs différences est un bel exemple de tolérance et d'intelligence. C'étaient sans nul doute deux des hommes les plus cultivés et les plus intelligents de leur époque. Ils avaient tous les deux une lucidité sans faille sur leur société, un regard aigu que l'on ne trouve plus guère chez les intellectuels européens.




 
ImpasseSud
24-02-05 à 16:11

Re: Bonjour

Bonjour Marco, quel plaisir de te revoir passer! Il est vraiment dommage que toi, tu ne nous fasses plus cadeau de tes compte-rendus.

En ce qui concerne ce livre, je vais attendre encore un peu avant de le remettre à sa place car il n'est pas exclu que je le relise une deuxième fois, mais plus lentement, pour mieux le comprendre et le savourer.

 
Frédéric Delorca
14-08-05 à 19:22

Re: Bonjour

Sur l'intelligence de Moravia et de Pasolini il faudrait être plus précis, je crois.

Le meilleur de Moravia est dans ses romans, et de Pasolini dans ses films. Par contre j'ai quelques doutes sur la pertinence de leurs analyses théoriques. Quand on regarde Comizi d'Amore par exemple, où Moravia apparaît comme caution universitaire et morale du film, on découvre justement un Moravia assez lours, assez enfermé dans la rhétorique académique de son époque. Pasolini s'en tire mieux, se montre plus vif, plus imprévisible, et cependant lui aussi reste prisonnier  d'artéfacts théoriques mal dégrossis qui gâchent un peu les interviews qu'il réalise...

J'espère que les comptes rendus de  Pasolini sur l'Inde évitent cet écueil...


 
ImpasseSud
15-08-05 à 08:03

Re: Re: Bonjour

Bonjour à vous !:-)

Le jugement que vous émettez se trouve sur un tout autre plan que le miien. En ce qui me concerne, - et c'est absolument voulu -, ici je n'analyse aucun des livres dont je parle. Ce qui m'intéresse avant tout, c'est de mettre noir sur blanc les impressions, les sentiments que j'ai éprouvés en lisant tel ou tel livre, tenant compte aussi bien du contenu, de sa construction, du degré de sensibilité qu'il révèle que de son style. Je n'ai aucune envie d'aller au-delà, parce qu'au-là on entre dans le domaine des professionnels de la littérature, de ceux qui, en général, éloignent plus de gens de la lecture qu'ils n'en attirent. Moi, au contraire, je désire attirer des gens vers certains livres, ou éventuellement, si je les trouve médiocres ou mauvais, égratigner un mythe que je trouve parfaitement injustifié. Rien d'objectif dans tout cela, je vous le concède, mais le plaisir de lire ne connaît pas l'objectivité.

Pour en revenir au fond de votre commentaire, je ne partage pas votre opinion sur Pasolini. J'imagine que, de votre côté, vous l'avez lu dans la traduction française. Je dois avouer que je suis loin d'avoir lu tout ce qu'il a écrit, mais s'il y a un cas où on peut employer l'expression "traduttore, traditore", c'est bien celui-ci. La traduction écarte, refoule, annule une bonne partie de la sensibilité extrême, fine et profonde de Pasolini. Rien de tel pour Moravia qui était un personnage nettement plus pragmatique.

En tout cas, merci d'être passé. Je suis sûre que votre précision sera utile à quelqu'un. :-)


 
Frédéric Delorca
16-08-05 à 12:03

Re: Re: Re: Bonjour

Bonjour, :-)

Toutes mes excuses si mon commentaire a pu paraître trop âpre ou trop analytique. Je ne cherchais nullement à détourner les lecteurs de la lecture de Pasolini et de Moravia, au contraire. Je pensais pouvoir m'autoriser cette petite réserve sur les postures théoriques de l'un et de l'autre (et surtout sur le style de leurs essais théoriques) précisément parce que je voue par ailleurs une admiration sans limite à leur oeuvre artistique (les films de Pasolini, les romans de Moravia).

D'ailleurs j'émettais cette réserve aussi sous la forme d'une question, d'une interrogation générale que j'ai envie d'adresser à la forme du discours politique et social qui dominait dans les années 1960, une forme liée au statut sociologique de l'intellectuel critique dans le champ universitaire de l'époque, et qui était peut-être parfois un peu stérilisante. Mais bon je comprends tout à fait que ce genre d'interrogation n'ait pas sa place dans l'espace de votre site.

Et puis il est possible en effet que la traduction trahisse comme vous dites. En tout cas j'encourage volontiers moi aussi vos lecteurs à découvrir tout ce que ces auteurs ont écrit, y compris dans le genre de l'Essai. :-)