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Pensées : en photo et à propos du pouvoir du langage.

Hier soir, alors que je regardais un film à la télé, une phrase a attiré mon attention. A une jeune fille qui répondait à toutes les questions qu’on lui posait avec un langage extrêmement ordurier, un des protagonistes a fini par poser la question suivante : « Sais-tu que tous ceux qui s’expriment comme toi finissent par avoir une vie de m… ? » Et cela m’a remis en mémoire la réflexion que je m’étais faite quelques jours auparavant à propos du titre du dernier film de Jean-Pierre Thorn,  On n’est pas des marques de vélo. J’avais pensé : « N’importe quoi ! Un film avec un titre pareil, je ne me dérangerai pas pour le voir. »

 

Je dois avouer que je ne savais même pas qui était Jean-Pierre Thorn, et sans le Festival du cinéma en cours ces jours-ci à Venise, j’en serais toujours au même point.  Au Lido (comme la Croisette à Cannes), il est arrivé avec un CD-document sur la lutte des Intermittents en France, et son dernier film est déjà passé sur Arte. Cette circonstance m’a donc permis de découvrir qu’il s’agit d’un réalisateur de succès, enthousiaste de la culture hip-hop, et déjà connu outre Atlantique pour son film Faire kifer les Anges.  Et, toujours suite à ma recherche, je me suis même rendue compte que On n’est pas des marques de vélo, film qui parle du problème de la « double-peine », serait même certainement susceptible de m’intéresser.

 

Alors pourquoi un tel titre et un tel langage, capable de repousser bien des gens ? Cette expression qui signifie en gros qu’on ne peut pas descendre plus bas dans l’échelle sociale n’est pas courante dans tous les milieux, et je dirais même que pour beaucoup de monde, elle est franchement inconnue. Que les protagonistes parlent le langage du contexte du film rien de plus normal, mais mettre cette expression comme titre veut dire soit qu’on est un adolescent attardé, soit qu’on décide implicitement de cantonner sa diffusion dans un certain milieu, avec pour conséquence, toute aussi implicite, d’écarter les autres couches de la société.  

 

Le langage que l’on utilise pour s’exprimer (banal, châtié, agressif, snob, grossier, vulgaire, quelconque, verbeux, recherché, savant, etc…) n’est jamais insignifiant, et c’est une grosse erreur de croire que seul le contenu est important, au-delà des mots. Ce qu’on peut comprendre chez les adolescents et les jeunes qui, depuis la nuit des temps, utilisent un langage qui change d’une époque à l’autre mais qui est propre à chaque génération, il est difficile de l’admettre chez un homme de cinquante ans. La façon de s’exprimer, orale ou écrite, vous isole, vous enferme, qu’on le veuille ou non, dans un certain milieu, dont on ne peut sortir qu’en adaptant son propre langage aux personnes ou au public auxquels on s’adresse. 

 

Les premières impressions sont instinctives, elles s’impriment en nous, et si rien ne vient immédiatement les démentir, elles guident notre conduite, même si on les garde pour soi, même si on ne leur donne aucun poids. Il est évident, que les gens n’ont pas toujours le temps (ni  l’envie) de faire des recherches comme celle que j’ai entreprises au sujet de Jean-Pierre Thorn, afin de confirmer ou de démentir une première impression. Et pourtant, celle-ci est la clef de toutes nos relations. De là à se demander si un langage inapproprié peut être à l’origine d’une vie insatisfaisante, il n’y a qu’un pas.

 

Alors quand tout va de travers, quand le monde nous semble hostile, quand on se sent incompris, quand toutes les portes nous semblent closes, ne faudrait-il pas, tout simplement, commencer par changer de langage ?

 

Mots-clefs :

Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 5 Septembre 2003, 13:13 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

dirkdiggler
05-09-03 à 13:57

Tu as raison, mais, le problème est que l'on ne se rend pas compte de notre langage...tout comme pour l'accent!
Un bourge ne va pas comprendre ou va se moquer du langage d'un mec de banlieue et vis versa...

 
nclucie
05-09-03 à 15:48

pouvoir du langage : oui, pouvoir de la liberté c + difficile

bonjour impasse sud,

Je ne pense pas qu'un langage inadapté soit la source majeure d'une vie insatisfaisante. La capacité à s'adapter rapidement à un langage et mieux, d'en maîtriser plusieurs, à commencer par le français est certainement un atout, mais ce n'est pas à mon avis la clé maîtresse d'une vie réussie et satisfaisante ... Je pense que les réponses se trouvent  plutôt vers le manque de liberté que notre société nous laisse ou du moins la difficulté que l'on rencontre à être libres et égaux dans le langage et dans la vie en général.


 
ImpasseSud
05-09-03 à 16:43

Re:

Dirkdiggler, tout le monde se rend parfaitement compte du langage qu'il utilise. Tous les gens, meme les plus simples, dès qu'ils parlent, savent si leur langage est franc, adulateur, réservé, furieux, protestataire, in dans leur milieu ou grossier. Quand je pense aux tons et au langage que l'on est obligé d'adopter aujourd'hui pour la recherche d'un emploi, avec des phrases stéréotypées.....

Ici je ne me référais en aucune manière à l'accent ou à la gouaille parisienne qui se moque des provinciaux. Quand tu entends les Français parler depuis l'étranger, leur accent est uniforme, suivant les gouvernants au pouvoir. Il y a eu l'accent Giscard, l'accent Mitterrand et maintenant il y a l'accent Chirac. Si, par hasard, tu à l'occasion de voir de vieux films, tu te rendras compte de la différence.


 
ImpasseSud
05-09-03 à 17:01

Re: pouvoir du langage : oui, pouvoir de la liberté c + difficile

Nclucie, je pense que tu t'es complètement méprise sur le sens de mon article. Je n'ai jamais donné le moindre sens politique au mot "pouvoir", mais bien et seulement un sens pragmatique.
Dans les relations que les gens ont entre eux, le choix des mots que l'on emploie a souvent un poids que l'on ne soupçonne pas, qu'on décide sciemment d'ignorer à cause d'un sentiment quelconque qui prend les commandes de notre volonté, ou bien qu'on choisit dans un but bien précis.
Je prendrai un exemple tout bête : le conflit entre parents et enfants adolescents naît bien souvent, non pas d’une absence de sentiments d’affection, mais d'une différence de langage. Celui des parents est mi-doctoral mi-doucereux, celui de l'adolescent est agressif, douloureux et parfois grossier.

Il en est bien souvent de même entre un employé d’une administration quelconque qui fournit un service et le protestataire qui n’est pas content de ce service. L’un et l’autre parlent souvent deux langages différents. L’un est agressif et l’autre se sent dans son bon droit. Puis il y a parfois une inversion, alors que la seule issue possible est la compréhension et l’écoute de part et d’autre.

 

Et tous ces conflits finissent par nous empoisonner l’existence et rendre la qualité de notre vie absolument insatisfaisante, quand on n’en arrive pas à l’enfer.

 


 
PierreDesiles
05-09-03 à 20:08

Juste un point de vue

Intéressant ce débat sur le langage, chacun y va de ses sources et de son éducation. Pour moi le langage parlé est plus basé sur l'attitude que les mots employés, car chacun n'a pas le même capital, selon sa provenance et son milieu, mais l'attitude et l'intonation pour employer les mots qu'il connait est déterminant pour celui qui les reçoit. Et toute la difficulté réside en la manière de percevoir le sens réel et le but fixé par l'émetteur. Par écrit le langage est plus réfléchi donc forcément corrigé, mais ne donne pas une idée instantanée de la pensée.

Enfin, c'est juste un point de vue que je voulais partager. Bravo encore pour l'article, qui fera, je l'espère, couler beaucoup d'encre.


 
ImpasseSud
06-09-03 à 07:34

Re: Juste un point de vue

Pierre, il est vrai que l'attitude compte dans le langage parlé. Mais il y a les timides qui ont un comportement gauche et les comédiens qui sont habiles à mimer n'importe quelle attitude, même avec le regard. Et cela n'enlève pas grand chose au poids des mots.
Par exemple, si un inconnu nous dit : "j'ai une piaule à Paris" plutôt que "j'ai une chambre à Paris", l’image automatique qui naît dans notre esprit est différente. Pour nous qui ne connaissons pas cette personne, une chambre est certainement mieux qu’une piaule, et, en plus, le terme de « piaule », insinue l’idée de désordre, et si notre interlocuteur est jeune, celle d’étudiant, etc, etc.…
Tout comme pour Jean-Pierre Thorn et la jeune fille au langage ordurier,  le langage que l’on utilise est souvent, qu'on le veuille ou non, notre première carte de visite.


 
linkback
06-09-03 à 23:14

Lien croisé

Convaincre son enfant : du lat convincerer : " Je me souviens bien du sketch de Jean Yanne. S'il était arrivé un peu plus tot, je crois que j'aurais mieux aimé le latin.Latin, mots, langage : "les lettres" nous travaillent ces jours-ci, moi aussi je viens de m'en occuper. "

 
sarah-k
07-09-03 à 18:54

En vrac...!

Intéressant, Impasse ce que tu as dit à propos du titre de J-P Thorne (je ne connaissais pas du tout l'expression ).
 En contre-point, je me souviens d'un titre que ma prof de philo a prononcé, il y a longtemps maintenant : "Les contes de la lune vague après la pluie".
la succession de ces simples mots ont permis de m'ouvrir un univers totalement inconnu.
J'ai toujours pensé, que le langage exprime plus que la pensée, il permet sa réalisation, il contribue à la construction de notre espace mental.
C'est pourquoi, avec mes enfants ( et d'autres), j'ai toujours été attentive au langage, je ne me suis jamais contentée de réponses, comme "ça me fait chier" ou "c'est relou", j'ai toujours essayé avec eux de mettre ,les mots sur les révoltes, les lassitudes, les non-envies et les dégoûts.
Le langage peut-être violent, mais s'il exprime la violence des choses, les violences faîtes à autrui et non pas pour se plaindre d'un quelquonque inconvénient, refus ou obstacles.
On ne peut penser et dire le monde avec un "fait-chier"
Je pense aussi au langage et pouvoir (je me souviens de "Ce que parler veut dire" de Bourdieu") mais c'est un autre sujet, à venir peut-être....


 
ImpasseSud
07-09-03 à 22:29

Re: En vrac...!

Sarah, je vois que nos avis concordent. Même en ce qui concerne la phrase de ta prof de philo. Le rôle d’un prof de philo, c’est de faire réfléchir, donc il n’y a aucun problème s’il propose une phrase énigmatique.  Mais dans la vie de tous les jours, c’est une autre affaire.

A propos de Pierre Bourdieu, je viens  de trouver l’article que tu cites sur Internet, et je le lirai demain… car il est tard. :-)

 


 
Lucanus
08-09-03 à 08:26

Très bel article, superbe réflexion sur le langage.

Je compare le langage aux habits que l'on porte, sophistiqués, débraillés, négligés, BCBG . . . Nous employons souvent un langage adapté à notre pensée du moment, à certaines circonstances, à l'entourage, selon notre humeur, etc. Avec l'âge nous savons très bien utiliser toutes les facettes par jeu, par provocation ou par mépris, mais pas par innocence ! Et nous recevons toujours une réponse de la même veine.


 
ImpasseSud
08-09-03 à 11:48

Re:

Lucanus, si on exclut les gens qui n'ont pas les moyens de choisir (pour une question d'argent ou d'éducation), je suis tout à fait d'accord avec toi. L'aspect physique compte, et, tout comme le langage qu'on utilise, il n'est jamais complètement innocent.
Mais à l'époque de la communication virtuelle et de la provocation vestimentaire d'une certaine classe aisée, il me semble que le langage reste, avant tout, notre première carte de visite.


 
Lucanus
10-09-03 à 23:16

Re: Re:

A mon sens, notre première carte de visite est notre apparence générale, celle que l'on "expose" au regard des autres avant d'avoir prononcé le moindre mot. Ne dit-on pas que, lors d'une rencontre, c'est l'impression laissée par les premières secondes qui est déterminante !

 
weinmann
02-10-03 à 09:36

Re: Re: Re:

ImpasseSud, je ne puis dire qu'une chose: quel bel aticle!

 
linkback
03-12-03 à 15:45

Lien croisé

Le Mural du Web - Barbarismes syndicaux : " Avant, il y avait le français correct, les expressions régionales ou nationales des différents pays francophones et l'argot, bien distincts l'un de l'autre et chacun à sa place.Maintenant on parle et on écrit de plus en plus mal, en un "mauvais français" qui est un amalgame du tout. J'y ai déjà consacré deux articles : ici et là. Et de cela, on ne peut accuser ni les adolescents (qui n'a pas eu son langage d'adolecent?) ni les classes les plus défavorisées culturellement, mais une certaine "élite" de la télévision et du théâtre qui, pour avoir l'air bran"

 
Francine
15-08-04 à 04:25

Que veut dire le mot 'kifer'?

Je suis Américaine- prof de français et j'ai entendu DIam's chanter et utiliser le mot 'kifer' - est-ce du verlan? Et qu'est-ce que ça veut dire? Je sais que mes élèves vont me le demander.
Merci de me répondre.
A bientôt,
Francine

 
ImpasseSud
15-08-04 à 15:13

Re: Que veut dire le mot 'kifer'?

Bonjour Francine,
Le but de mon article était justement de mettre en évidence le fait qu'un certain vocabulaire, certaines expressions, certains mots (et "kifer" en est un) ne sont pas toujours compris par l'ensemble de la population des pays de langue française, dont moi. Donc, je suis un peu mal placée pour vous répondre.

De toute façon je ne pense pas que ce soit du verlan, mais plutôt une mot d'origine maghrébine employé plus spécialement dans les "cités" suburbaines où sont concentrés un grand nombre d'immigrés. Il me semble avoir compris qu'il signifierait "jouir" dans le sens large du terme, et le site
Nos kifs peut vous donner un aperçu de toutes ses nuances.

J'espère vous avoir été utile et bonne chance avec vos élèves :-)! 


 
Incognito
27-10-04 à 15:29

Lien croisé

Le Mural du Web - Barbarismes syndicaux : " Avant, il y avait le français correct, les expressions régionales ou nationales des différents pays francophones et l'argot, bien distincts l'un de l'autre et chacun à sa place.Maintenant on parle et on écrit de plus en plus mal, en un "mauvais français" qui est un amalgame du tout. J'y ai déjà consacré deux articles : ici et là. Et de cela, on ne peut accuser ni les adolescents (qui n'a pas eu son langage d'adolecent?) ni les classes les plus défavorisées culturellement, mais une certaine "élite" de la télévision et du théâtre qui, pour avoir l'air bran"

 
darvey
30-11-04 à 20:48

Re: Que veut dire le mot 'kifer'?

kiffer vient du "kif" c'est le cannabis à fumer en arabe,c'est un flic qui me l'as appris un jour lors d'un contrôle.Comme quoi,certains flics sont cultivés...Ils était d'ailleurs trés énervé d'entendre les jeunes se dirent entre eux j'te kiffe pour se dire qu'ils s'aiment.Le sens qu'à pris ce mot est celui d'appprécier quelque chose,d'aimer quelque chose.