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Roman Ladu, nouvel Europe-trotteur

« Que sont les globe-trotteurs devenus ? » se demande Bertand Le Gendre dans son bel et judicieux article paru le 19 janvier sur Le Monde. La réponse, je la connais aussi bien que lui, et tout comme lui, je suis consciente du vent de replis et d’anti-curiosité qui souffle en ce moment, non seulement à travers l’encouragement à une psychose sécuritaire et par conséquent à une plus grande docilité, non seulement à travers les paquets touristiques d’une tristesse à pleurer, mais sans doute pour un ensemble d’autres raisons à large spectre sur lesquelles je n’ai aucune intention de m’arrêter aujourd’hui. Pour quelqu’un comme moi qui a eu la chance de jouir des voyages précaires, des rencontres non programmées, des difficultés imprévues qui tirent le meilleur de l’homme, cependant, c’est la raison qui fait que je suis toujours attirée par le récit d'un voyage hors des sentiers battus. Celui qui suit ne quitte par l’Union européenne et, hélas, n’a rien de bien gai. Accompli en train du 21 novembre au 1er décembre dernier par le journaliste italien Fabrizio Gatti qui s’est glissé dans la peau d’un immigré roumain laveur de vitre, il est l’emblème de la grande confusion qui règne aujourd'hui.

 

« Mon sac à terre, je sors ma brosse et ma bouteille de plastique avec de l’eau savonneuse. Le trafic au feu entre l’avenue de New-York et le Pont d’Iéna arrive par vagues. Le cœur du Paris des cartes postales pue l’essence. En face de moi le Palais de Chaillot, derrière la Seine, au-dessus le vertige de la Tour Eiffel qui vous coupe le souffle. Des laveurs de vitres, à ce croisement, on n’en a jamais vu. C’est le meilleur endroit pour faire un essai. Sur moi, aucun papier, seul un décret d’expulsion de la Préfecture de Lodi, écrit en deux langues, italien et anglais, au nom de Roman Ladu né à Bucarest le 29 décembre 1970. Un soi-disant Roumain : le nom de Roman, je l’ai choisi dans les noms de famille du bottin de Vicence, Ladu dans ceux de Nuoro. Mais peu importe l’assonance sardo-vénitienne, par ces temps de xénophobie militante contre la Roumanie, il suffit que votre nom de famille finisse pas « u » pour qu’en Italie on vous lance un regard suspect. Alors, vous pensez, ici, dans la France de Sarkozy. La police arrivera tôt ou tard, parce cette France-là, c’est la France à poigne, celle des expulsions, de la rigueur citée en exemple par nos hommes politiques. Le pays qu’il faut imiter, avec l’Allemagne, l’Autriche et l’Espagne. (…) Il faut se glisser dans la peau d’un stéréotype pour voir ce qui se passe sur les trottoirs d’Italie, et essayer de devenir un citoyen européen sans papiers, sans travail, sans résidence ni domicile fixe, nomade et né en Roumanie, c’est-à-dire ce que notre pays de la mafia, de la camorra, de la ‘ndrangheta et du record de la corruption a remplacé comme danger national dans l’imaginaire collectif.


Dix jours à travers l’Europe
, de long en large, entre places, trains et gares. De Milan à Paris, puis à Stuttgart, Ulm, Munich, Kufstein, Innsbruck, Vérone, Milan, Marseille, Montpellier, Barcelone, encore Montpellier, Marseille, Nice, Monte-Carlo. Ensuite le retour en Italie. Du 21 novembre au 1er décembre [2007. NdT]. Cinq contrôles de police : en Allemagne, en Autriche, en France et en Espagne, et toujours avec la même idée en tête : se présenter comme Roman Ladu, montrer l’avis d’expulsion et être rapatrié à Bucarest, ou bien être arrêté pour immigration clandestine, parce que dans les archives centrales de la police de l’espace Schengen ce faux nom roumain est associé à l'alias iraquien de Bilal Ibrahim el Habib. C’est ce qui devrait résulter après le reportage effectué sous couverture dans le centre de rétention de Via Corelli à Milan, en 2000, et à Lampedusa en 2005. Au lieu de cela, le coûteux cerveau européen ne détecte rien. Et, à la fin,  la réponse est toujours la même : « Merci, vous pouvez passer. » Quatre mille kilomètres de liberté qui noient toute possibilité d’expulsions efficaces pour les citoyens européens, comme le veut le paquet-sécurité italien. Parce que la circulation des personnes en Europe est un des principes des Traités. C’est ainsi que l’Italie de la peur reste un cas isolé, et que chaque pays devient une île. En Allemagne, envahie par la ‘ndrangheta et choquée par la tragédie de Duisbourg, ce sont les Italiens que l’on fouille. En Autriche il est suffisant de dire qu’on vient de Vérone pour tranquilliser les agents et passer sans problèmes. Tandis qu’à Barcelone c’est la police qui vous montre comment demander la charité sans indisposer les passants.


Mais revenons en arrière, au départ
. Stazione Centrale, Milan. Au dehors, il y a un grand nombre de voitures de police : une trentaine d’agents contrôle tous ceux qui ont un faciès différent de celui de la plaine du Pô. On en emmène un. Deux Italiens, au coin, regardent la scène et proposent aux passants des cigarettes de contrebande. Sur le TGV pour Paris, la police réapparaît à la frontière. Les agents de Bardonecchia sont montés à l’avant. La PAF, la Police aux frontières, arrive de l’arrière. Ils se rencontrent dans le wagon n° 5. Mais ils ne contrôlent que les passagers à la peau sombre. On fait descendre un Pakistanais parce qu’il n’a qu’un visa pour l’Italie, puis quatre noirs. Un inspecteur négocie avec son collègue français la restitution d’un Sénégalais : « Nous l’avons arrêté ce matin ». Le Français n’est pas convaincu. « Regarde », dit l’inspecteur « sur son passeport il y a le timbre d’entrée de l’aéroport de Paris. Il est à vous ». Le gradé en trekking bleu de la PAF observe le timbre : « Oui, bon. Il est à nous ». Il faut qu’ils en prennent au moins un. Le match se termine par 5 à 1 pour la France. Roman Ladu passe sans problème, malgré sa barbe en désordre, ses vêtements débraillés, habituellement la police n’arrête pas les blancs.

 

Des laveurs de vitres, à Paris, j’en ai peu vu, seulement à la Porte de la Chapelle il y a quelques mois, dans la périphérie nord, à la bifurcation face au Stade de France. C’était des nomades du camp de Saint-Denis. Maintenant, ils ont laissé tomber. Deux femmes s’approchent dans leurs grandes jupes colorées. Aux pieds, l’une d’elle n’a qu’une paire de chaussettes en coton déchirées. Elles tendent la main aux touristes sous les arches de la Tour Eiffel et le long des allées du Champ de Mars. Elles disent qu’elles ont quitté la Roumanie : « il y a deux ans, quand on a aboli les visas d’entrée », explique la fille sans chaussures, « on est parti avec toute la famille ». Des agents patrouillent en voiture. Ils regardent autour d’eux, ils reprennent leur tour. Encore quelques pas, et au-delà du Pont d’Iéna sur la Seine, voilà un croisement idéal pour le lavage des pare-brises. Les scènes typiques des automobilistes. Un coup d’accélérateur pour aller plus loin, un coup de frein pour rester en arrière, un non gentil du doigt. Un seul, un homme dans une monospace, détache sa ceinture de sécurité et menace de sortir. Un grand nombre me laisse nettoyer ses vitres, mais personne ne lâche un centime. De temps en temps, une voiture de police repasse, des gendarmes en moto. Peut-être qu’ils voient ou peut-être pas, de toute façon ils continuent leur route. Il vaut mieux changer d’endroit. Dès qu’il fait nuit, le trafic sur le Pont de l’Alma s’allonge en une queue de phares et de fumées de pots d’échappement. C’est le croisement qui va vers les Champs-Elysées. Les agents en voiture arrivent, s’arrêtent au feu, repartent. Ils ne font aucun cas de l’intrus qui s’approche de leurs vitres. Même scène qu’avant. Les automobilistes refusent gentiment. Les Parisiens n’ont pas besoin que leur maire prenne des mesures. Ils voient cette question comme une mauvaise exploitation au détriment de l’immigration. C’est pourquoi ils ne font aucun cadeau. Pourquoi, également, les pionniers des pare-brises face au Stade de France ont tout de suite disparu. Mais deux jeunes dans une voiture blanche se fâchent. C’est le moment d’inventer une excuse. « Souriez, c’est pour la télé. On est en train de tourner une pub. » Maintenant ils rient et saluent au hasard en cherchant le caméraman.

 

Ainsi va le monde. Mais il n’y a pas de quoi rire. La campagne contre les Roumains en Italie, dont la mèche a été l’assassinat de Giovanna Reggiani à Rome, a eu des retombées jusqu’ici. Un cas parmi tant d’autres. Nicu B., 22 ans, avait quitté Craiova à l’ouest de Bucarest il y a deux ans pour venir travailler à Pavie. Maçon au noir : « Parce que », raconte-t-il, « mon patron disait que s’il me mettait en règle, il paierait trop d’impôts. Le contremaître lombard lui versait 7,00 euros de l’heure et gardait pour lui les charges pour l’assurance maladie et la retraite. Nicu vivait avec sa femme et leur petite fille de 9 mois. Quelques jours après la présentation du paquet-sécurité, la Guardia di Finanza s’est présentée au chantier : « Mon patron a chopé un amende », explique le jeune homme, « mais moi, j’ai perdu mon boulot ». C’est l’effet du serrage de vis quand il s’abat sur les gens au hasard. C’est ainsi qu’il y a trois semaines, Nicu a laissé sa femme et sa fille chez une de ses sœurs à Pavie, et a commencé son second voyage d’émigrant : « J’ai pris le train à Milan, j’ai un passeport roumain. Les Français m’ont laissé passer. Nous sommes dans l’Union Européenne, non ? » Maintenant, il habite avec ses parents en plein centre de Paris, boulevard Hausmann, derrière le théâtre de l’Opéra, devant les Galeries Lafayette. Un beau quartier. Une grande baie vitrée comme paroi. Seulement que Nicu, son papa Paulin, 54 ans, sa maman, 48 ans et son frère, cette grande baie, ils la voient du dehors. Le seuil de C&A est leur chambre à coucher, leur matelas est une couche de mousse étendue sur un grabat de cartons. Si cela se passait devant la Rinascente de Milan, on les aurait chassés. « Nous sommes plus de trois cents » admet Nicu « ici, autour des Galeries Lafayette et du Printemps, nous venons tous de Craiova ». Et la police ne vous a jamais obligé à vous éloigner ? « Non, mes parents sont ici depuis deux mois et ça ne s’est jamais produit. C’est pas comme en Italie. Si tu te tiens tranquille, en France, la police ne t’arrête pas. C’est une société multiethnique, comment peuvent-ils savoir si tu es Français ou étranger? » Et le travail ? « J’ai déjà travaillé à Paris, au noir pour un Roumain. J’attends qu’il m’appelle ».

 

Ici, c’est plus difficile qu’en Italie, parce que les Français, quand ils t’engagent, ils font tout en règle. « Pas comme chez nous ». Où ça, chez nous ? « Chez nous, en Italie ». Leur souper, c’est une écuelle de pain trempé dans de la soupe, assis sur le macadam. Leur nuit c’est un repos tourmenté sous des couches de couvertures sales. On n’éteint jamais les lumières. Surtout maintenant que les façades des Galeries et du Printemps brillent des étoiles de Noël et des effets lumineux. Et la musique que diffusent les vitrines continue. La ville aussi ranime vite son vacarme. Boulevard Hausmann, de 3 heures à 5 heures, les fourgons distribuent les journaux. Puis on décharge les approvisionnements pour les grands magasins. Les camions de la voirie y mettent du leur. Les adeptes poussent des charriots pleins de déchets, attentifs à ne pas marcher sur les grilles d’air chaud. Sur ces grilles, au milieu du trottoir, les trois cents habitants des portiques des Galeries Lafayette ont mis leur linge à sécher. T-shirt et socquettes lavés hier soir à la fontaine du parc. La nouvelle journée commence peu après six heures. Nicu et sa famille la passent accroupis devant les vitrines. A son père, Paulin, la Roumanie verse une rente d’invalidité. Mais 100 euros par mois sont insuffisants, et, depuis que les frontières de l’UE se sont élargies, de nombreuses personnes âgées ont découvert qu’elles peuvent arrondir ce subside en tendant la main à l’Europe riche : « Quand on peut, on rentre à la maison pour Noël. Puis on revient au printemps. » Une transhumance de mains tendues. Avec une couverture de couleur sur la tête, une pancarte qui remercie en français et un verre pour la monnaie. Vus comme ça, même les hommes ressemblent à des madones. « Les gens sont plus gentils avec les femmes », révèle Nicu : « Faut que j’men fasse une raison. Hier, durant toute la journée, j’ai récolté que 12 euros. Je sais pas comment je vais faire pour retourner à Pavie ».

 

Nouveau départ de la Gare de l’Est. Roman Ladu va en Allemagne. A Stuttgart, l’ICE pour Munich, le train à grande vitesse, part en retard : « Fahrkarte, bitte », demande la contrôleuse. Il faut trouver une idée. Il suffit de ne pas donner le bon billet : « Passport », ordonne-t-elle au bout d’un moment. Elle regarde, surprise, le décret d’expulsion. « D’où venez-vous ? » « De Paris. » On dirait qu’elle est en train de lire les phrases en anglais et en italien : « Ah, ça, c’est écrit en français », bafouille-t-elle, confuse. « Il faut que j’appelle la police ». Il y a un policier à bord. Un homme avec l'écusson de la Polizei cousu sur le bras de son pull. Il lit le décret d’expulsion. « Donc, vous, vous êtes Roumain, mais vous n’avez pas de passeport », commente-t-il en français. Il confabule avec la contrôleuse. Il lui dit à voix basse de me faire descendre à Ulm, le premier arrêt, à 85 kilomètres, et il s’en va. « Mais moi, j’ai pas d’argent, je connais personne à Ulm. Vous pouvez pas me laisser aller jusqu’à Munich ? » « C’est impossible » répond la femme qui, pour ne pas perdre de vue Roman Ladu s’est assise dans la file d’à côté : « Votre billet n’est pas valable pour ce train. Et puis, l’agent a déjà téléphoné à la police. A Ulm, on vous attend. Je n’y peux plus rien. ». Le train s’arrête. La contrôleuse me guide vers la sortie. La scène a quelque chose des stades de foot. Elle extrait un carton rouge de son uniforme, et descend. Elle se place devant les marches, remonte, agite son carton rouge et laisse que la porte se ferme. Le train repart. La police va peut-être arriver comme on l’en a menacé, et, finalement, ce sera l’expulsion. Mais personne n’arrive. Il fait froid et il pleut sur la ville du Danube et d’Albert Einstein. Le train suivant entre à Munich avant qu’il fasse nuit. Juste le temps de laver quelques pare-brises entre la Arnulfstrasse et le Paul Heyse Hunterfuehrung, le passage souterrain de la gare. En 30 minutes, 4 euros 60. Deux euros d’un couple de fiancés allemands, le reste d’une famille de réfugiés iraniens, d’un arabe et d’un immigré italien. Quatre fois plus que ce que paient de nombreux agriculteurs des Pouilles pour la récolte des tomates. La majeure partie des automobilistes, toutefois, refuse le nettoyage de ses vitres. Maintenant, sous l’averse, leurs essuie-glaces sont en marche. Fin de l’expérience. La nuit, nous nous retrouvons à trente-neuf pour essayer de dormir dans la gare, dans la boîte de verre de la salle d’attente. A 4 heures 20, deux policiers entrent en uniforme et parka : Polizeikontrolle », annoncent-ils à voix haute. Ils lisent la partie anglaise de mon décret d’expulsion. « Roman Ladu, c’est vous ? » demandent-ils. Ils relisent le nom qui se trouve sur le décret. « Où devez-vous aller ? ». « En Autriche ». Ils appellent la centrale via radio : « 99, un contrôle : Roman ». La réponse arrive en une minute. « Rien ? Bon », dit l’agent. Et il rend le décret. Comment ça « rien » ? Ils auraient dû découvrir que le nom de Roman Ladu est associé à son alias iraquien Bilal Ibrahim el Habib. Peut-être que les deux agents n’ont pas compris. « Pardon, il faut que j’attende ? Je vous ai montré un décret d’expulsion. » Un contrôle bis dont personne ne prendrait le risque. « Oui, j’ai lu que vous avez un décret d’expulsion de l’Italie », dit le policier, « mais maintenant la Roumanie fait partie de l’Union. Vous pouvez rester en Allemagne pendant trois mois ». Un jeune tend sa carte d’identité. C’est un Italien. « Sortez les mains de vos poches », lui reproche l’agent. « 99 », dit son collègue à la radio et il épelle son nom pour un contrôle. Puis, ils perquisitionnent son sac.

 

L’inspection la plus méticuleuse. La publicité d’une agence de voyage invite à passer quatre jours dans la ville du Colisée pour 280 Euros  : « Rom » peut-on lire sur un grand poster. Ironie des langues. Le matin suivant, sur l’Eurocity Munich-Vérone, un homme et une jeune fille réveillent Roman Ladu. Ce sont les agents autrichiens. Ils demandent la carte d’identité, scrutent le décret d’expulsion. Le rôle de l’Autriche est fondamental dans le paquet-sécurité [italien, Nd.T] pour empêcher le retour des Roumains chassés d’Italie. L’homme vérifie le nom au téléphone avec la centrale. Tandis qu’il attend la réponse, la fille vide le sac à dos. Son regard est attiré par la brosse du laveur de vitres. Elle remet tout à l’intérieur, sans poser de question. La réponse de la centrale est négative. Le policier restitue le décret. « Vous allez en Roumanie ?, demande-t-il. « Italia, Verona ». « Faites-moi voir votre billet ? » Les deux se regardent. « Merci, bon voyage », dit-il et ils descendent à Kufstein. Le décret d’expulsion de Roman Ladu et de son alter ego iraquien ne figure pas non plus en Autriche. Au Brenner, aucun contrôle. Idem à Vintimille et ainsi de suite jusqu’à Barcelone, comme il est normal entre les pays dans la zone du Traité de Schengen. Une matinée à nettoyer les pare-brises sous le Mirador de Colon, la statue de Christophe Colomb à la base de la Rambla ne peut pas passer inaperçue. A Barcelone, une ordonnance punit les laveurs de vitre, mais une loi prévoit des cours de catalan même pour les personnes âgées dans les camps des Rom, l’obligation de fréquenter l’école pour les enfants, l’accès au travail et l’assignation d’appartements. Roman Ladu ramasse 2 euros 50, une cigarette et une offre qui pourrait lui amener un tas d’ennuie. « Fumas porros » lui demande une femme de la voiture du service de voirie. « Porros ? ». Elle, elle ouvre le tableau de bord et en tire une cartouche de haschich. La première voiture de police avec deux agents s’arrête une demi-heure plus tard. « Ehi, ehi, chico », crie par la fenêtre la fille en uniforme « no limpiar, le lavage est interdit. D’où viens-tu ? » « Roumanie ». Elle ne veut même pas voir ses papiers. « Comme ça, tu as le droit », dit-elle pour finir et elle mime le geste de tendre la main. « Limpiar no », répète-t-elle en indiquant le pare-brise. « Claro ? ». Ils n’ont aucune envie de descendre, et pas plus que de se gâcher la journée avec une procédure bureaucratique ennuyeuse, mais surtout coûteuse.

 

Un retour en train sans ennuis jusqu’à Milan. Le dernier arrêt, c’est Monte-Carlo. Une nuit de bivouac dans la Principauté des casinos, des milliardaires et des gardes du corps. Et pourtant on peut dormir sur le trottoir de la gare sans que personne ne vous dérange, sous les voûtes de marbre, les lumières et les caméras. Juste au dessus de l’église de Sainte Dévote et le premier tournant du Grand Prix. Juste pour voir l’effet que ça fait. »

Fabrizio Gatti « Io, romeno no limits » publié dans L’espresso

Traduction de l'italien par ImpasseSud
Les photos du voyage

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 21 Janvier 2008, 17:33 dans la rubrique "Récits".

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