« I had crossed the line. I was free; but there was no one to welcome me to the land of freedom. I was a stranger in a strange land. (Harriet Tubman) » [J’ai franchi la ligne. J’étais libre mais, sur la terre de la liberté, il n’y avait personne pour me souhaiter la bienvenue. J’étais une étrangère sur une terre étrange ( ?), étrangère ( ?), inconnue (?)],  peut-on lire sur The Genderchangers.org, site d’un groupe de femmes éprises de technologie et d’information libre. Un site, un groupe réjouissant, à vrai dire. Cela se passe à Amsterdam et sur la côte ouest des Etats-Unis, mais en Italie aussi, entre femmes et technologie, il y a quelque chose qui bouge…. Comme la création d’un nouveau moteur de recherche inventé par des femmes et pour les femmes. Son nom ? La Cercatrice (la chercheuse) et même s'il porte un nom italien, il vous amènera aussi bien sur des sites en français, en anglais, en….

La Cercatrice est un moteur de recherche comme tant d’autres, mais il essaie d’entrer dans la tête de ses utilisaTRICES. Ses choix ne sont donc pas neutres, il sélectionne les réponses dans une optique du genre. Selon l’Associazione Orlando de Bologne qui l’a inventé, il est très utile : « Sur la Toile, on revit ce que nous, nous appelons le paradoxe de la démocratie » explique Marzia Vaccari, responsable du centre de calcul de la Faculté d’Economie de Bologne et informaticienne de l’association. « Tout le monde a les mêmes possibilités de participer et de faire entendre sa voix. Mais si les conditions de départ sont différentes, la parité reste une théorie ». C’est ce qui se passe sur la Toile. Google représente tout le monde, essaie de rester neutre, mais cette vision globale fait qu’il est souvent difficile de trouver ce dont on a besoin. Sur la Toile, hommes et femmes peuvent s’informer, entrer des contenus, discuter, mais ceux qui projettent architectures et logiciels sont à 99 % des hommes.

« C’est de là qu’est partie notre réflexion politique à propos de la Toile », continue Madame Vaccari. « Où se trouve le pouvoir ? Là où on produit de la technologie. Si les femmes veulent vraiment faire entendre leur voix, il faut donc qu’elles mettent « la main à la pâte » : programmer, monter et démonter des ordinateurs, travailler sans barrières sur les disques durs et les logiciels ». Cela ne signifie pas uniquement qu’il faut augmenter le nombre d’informaticiennes, mais qu’il faut leur donner la possibilité de faire un réseau et de mettre en évidence leur point de vue sur la technologie.

Voilà donc la Cercatrice du réseau, un moteur de recherche non pas neutre, mais expressément féminin. Un exemple ? Si vous cherchez « violence » sur Google, vous trouvez une série de résultats dans des domaines différents : la chronique, sa définition sur Wikipédia, un site sur Gandhi, des sites sur la violence contre les femmes et les violences dans les écoles. Si vous entrez le même mot dans la Cercatrice, des suggestions comparaissent telles que centres contre la violence, sexisme, mouvement féminin. Si vous poussez votre recherche encore plus loin, les résultats que vous obtenez expriment un point de vue féminin. C’est-à-dire  qu’ils vous fournissent, entre autres, des sites d’aide et d’information sur la violence contre les femmes et les viols. La différence devient encore plus évidente quand on entre des mots relatifs à la sexualité, parce que la Cercatrice est en mesure de trouver des informations sur ce thème tout en excluant l’énorme masse de la pornographie.

L’idée d’un moteur de recherche au féminin de la part de l’Associazione Orlando de Bologne remonte à la fin des années 90, mais elle est restée en veilleuse jusqu’à ce que, il y a trois ans, grâce au programme de la Commission européenne EQUAL pour l’égalité des chances pour tous, elle trouve les financements nécessaires à son démarrage. Ce n’est qu’à ce moment-là, que la Cercatrice a eu son serveur et cinq personnes qui ont travaillé pendant deux ans pour la peupler. Du point de vue technologique, le moteur se base sur un logiciel open source, Mnogo, qui ensuite a été personnalisé et instruit comme il se doit : la Cercatrice interroge Google, mais interpose entre l’utilisateur/trice et les résultats un double filtre : celui de la sélection en amont (aujourd’hui, il compte 2 millions de pages indexées), et celui des suggestions. «  Les conseils que donne la Cercatrice sont extraits de LinguaggioDonna, un répertoire linguistique mis au point en 1991 par les centres de documentation pour femmes, quand le problème consistait à devenir visibles dans les catalogues des bibliothèques et dans les archives, dans lesquels rechercher des thématiques féminines par sujet est une entreprise impossible », explique encore Marzia Vaccari. Un travail fait dans des temps complètement différents, qui devient actuel au moment où le concept de catalogue est élargi et ultérieurement déstructuré par Internet, la grande librairie où on existe seulement si on vous y trouve.

« Nous n’avons pas la prétention de substituer la Cercatrice à Google » ajoute Federica Fabbbiani de l’Associazione Orlando, «  mais nous sommes persuadées qu’on a besoin des deux. Nous croyons que la vision féminine et la multidisciplinarité sont des facteurs fondamentaux pour améliorer la qualité des logiciels et des sites web. » 

(Sources « Cherchez la femme nel web », Francesca Martino, 1l Manifesto, le 18.10.2007)