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Zweig Stefan,« Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » (1927)

Dans une pension de ce qu'on appelait la Riviera au début du siècle dernier, Mme Henriette, âgée de trente-trois ans, épouse d’un industriel lyonnais et mère de deux fillettes, vient d'abandonner sa famille pour s’enfuir avec un aimable jeune homme arrivé la veille et qu’elle n’avait probablement jamais vu auparavant. Contre le verdict de conduite scandaleuse exprimé par la totalité des clients qui partageaient la même table qu’eux, le narrateur prend sa défense, persuadé qu’ « une femme peut, sans l’avoir voulu, être précipitée dans une aventure », sans appartenir pour autant au genre « facile à séduire » ou avoir une « nature de gourgandine », et que dans ce cas précis « sa conduite n’a rien de vil ni de bas ». Les esprits s’échauffent à un tel point que sans l’intervention lénitive de Mrs. C., une vieille Anglaise aux cheveux blancs, aimable avec tout le monde, pleine de distinction, d’une grande discrétion mais « sans conteste la présidente d’honneur de notre table », on en serait certainement arrivé aux coups. Cependant, on découvre très vite que sous son apparente sagesse, Mrs. C. cache non seulement une curiosité dubitative face à la réaction du narrateur, mais un vieux secret qu’elle ne va pas tarder à lui livrer.

 

La confidence-confession : voilà un procédé narratif que Stefan Zweig semble aimer puisqu'il le réutilisera plus tard dans « Le joueur d’échecs ». Si je l'avais trouvé intéressant lors de cette lecture précédente, je l'ai beaucoup moins apprécié ici, d’autant plus que ce « secret » voit son début dans une salle de jeu du Casino de Monte-Carlo, genre d'endroit qui ne me plaît pas particulièrement.

Bien que l’écriture y soit excellente comme d’habitude, malgré quelques longueurs dans la description du jeu des mains sur le tapis vert, bien que l’étude psychologique dénote une fois de plus la profonde connaissance de l’être humain de l'auteur, j’ai trouvé ce récit, pourtant court, ennuyeux et interminable. Sans compter que j’ai éprouvé une sorte de malaise face à l’étalage de ce « secret ». Comment cette vielle dame pleine de dignité et de réserve jusque-là peut-elle se déclarer « soulagée » après avoir mis à nu ses sentiments les plus intimes devant un parfait inconnu ? Se trouve-t-on face à un autre comportement « incompréhensible » ?


Je ne comprendrai jamais ce goût du déballage (si répandu aujourd’hui). Dans quel but ? Pour démontrer aux autres qu’on n’a pas toujours été celui ou celle qu’on est aujourd’hui ? Mais rien de plus évident, tout le monde change, la vie vous change ! Ce genre de souvenir, il faut au contraire le conserver pour soi, le chérir, le reparcourir mentalement quand la vie se fait trop plate. Le raconter, c’est le trahir, l’amoindrir, le déformer, car un récit, le plus complet soit-il, ne l’est jamais complètement, et celui ou ceux à qui on s’adresse ne peuvent le recevoir, le comprendre. l'interpréter qu’à leur propre façon, selon leurs propres connaissances de la vie et leurs possibilités.

Puisque ici c’est de cela qu’il s’agit, moi aussi, tout comme le narrateur de ce récit, je crois au « coup de foudre », non seulement quand on est jeune, mais quels que soient le type de personne, l’âge ou le milieu. Rien de tel qu’une vie trop régulière, trop monotone ou trop frustrée pour l’attirer. Quant à son accomplissement ou à son refoulement, il me semble qu’il dépend en effet beaucoup plus du concours de circonstances qui lui a permis de se déchaîner que de la volonté réelle et consciente de celui ou celle qui en a été frappé.

 

Bref, j’aurais préféré que Mrs. C. se souvienne… au lieu de raconter. Quant au sort de Mme Henriette, eh bien il faut rester sur sa faim, car les vingt-quatre heures décrites ici ne sont pas les siennes.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 16 Août 2007, 13:17 dans la rubrique "J'ai lu".