Le narrateur, un Autrichien en partance pour l'Argentine à bord d’un paquebot qui fait route de New-York à Buenos-Aires, apprend que l’homme que les photographes braquent avant le départ est le champion du monde d’échecs, Mirko Czentovic. Le récit de l’ascension incroyablement rapide de ce héro démontre cependant qu’il ne s’agit que d’un rustre, étroitement limité, ignorant et vénal, ne jouant que contre argent comptant. Désireux d’approcher ce « singulier génie », la narrateur réussit, grâce à un stratagème assez classique, à mettre sur pied une partie entre notre champion et un riche « selfmade man ». Bien entendu, ce dernier perd mais se piquant au jeu, il demande sa revanche au champion. Au cours de cette partie, alors que, écoulé le temps limite, il se résout à pousser un pion à l’aveuglette, son geste est arrêté par un passager énigmatique dont les précieux conseils lui permettent d’arracher une partie nulle. Le Dr. B., - c’est son nom -, affirme pourtant qu’il y a plus de vingt-cinq ans qu’il n’a vu d’échiquier. Prié de toute part, ce dernier finit cependant par accepter d’affronter le champion au cours d’une seule partie, bien qu’il ne sache pas, dit-il d’un air pensif, s’il est « capable de jouer une partie d’échecs selon toutes les règles ». Face à l’incrédulité du narrateur, il se décide à lui faire le long récit des terribles circonstances dans lesquelles, sous le régime nazi, il a acquis cette science.
Ce petit livre de 95 pages est magistralement écrit et vous tient en haleine. C’est, non seulement la nouvelle idéale pour une journée libre ou un après-midi de pluie, mais surtout un hymne aux capacités et aux ressources du cerveau humain, sans en oublier les limites et les risques. Toutefois, plus de soixante ans après sa sortie, à l’ère de l’informatique et avec ce que l’on sait aujourd’hui en matière de neurologie, d’une part je n’ai pas pu m’empêcher de faire un rapprochement avec « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau » d’Oliver Sacks, et de l’autre, il m’a semblé que dans ce livre, plus que d’encenser le jeu d’échecs, Stefan Zweig, au contraire, en détrône passablement la « noblesse » qu’on a l’habitude de lui attribuer.
Un petit livre captivant qui vous fera passer un excellent moment.
Commentaires et Mises à jour :
Lien croisé
j'ai commencé par le joueur d'échec et j'en ai lu beaucoup d'autres...
a consommer sans modération!
Re:
De Stefan Zweig, j'avais déjà lu "La pitié dangereuse", mais il y a si longtemps que je ne m'en souviens plus. Il faudrait que je le relise.
Re: Re:
en fait au hasard de mes pérégrinations sur le web (je dois rendre un devoir sur "la crise de l'école républicaine"), je suis tombé sur votre blog!
je n'ai pas encore tout visité dessus mais j'apprécie votre prose et puis quelqu'un qui aime "le joueur d'échec" ne peut pas être foncièrement mauvais :-)
je plaisante, je n'aime pas ranger les personnes dans des cases!
en tous les cas, dès que mon week end studieux sera terminé, je prendrais un peu plus de temps pour visiter votre univers.
a une prochaine fois...