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Vocation (2)

Pour comprendre ce qui suit il faut avoir lu ce premier billet, car samedi dernier, justement, après être devenu diacre en septembre dernier, G. a été ordonné prêtre en même temps que trois autres jeunes gens. Entre parents, amis et connaissances, de quoi remplir la cathédrale. G. ayant été le meilleur copain de mon cadet pendant toute leur scolarité et même en début de fac, sa mère était passée, il y a quinze jours, pour nous remettre en main-propre faire-part et invitation à sa première messe.

 

Emue et radieuse à la fois, c’est avec grand bonheur qu’elle avait répondu à toutes nos questions : Oui, G. venait juste d’obtenir le diplôme universitaire du séminaire ; Oui, G. était toujours aussi heureux ; Non, G. n’ira dans aucune paroisse. En septembre, il partira à Rome pour poursuivre ses études pendant trois ans dans une des nombreuses universités pontificales : les questions de dogmes le passionnent.

« Alors il doit se sentir parfaitement à l’aise avec le pape actuel ?!! » n’avais-je pas pu m’empêcher d’exclamer.  « Oui », avait-t-elle répondu, émerveillée. Puis elle nous avait parlé de la fête qu’on lui préparait, de sa première messe suivie d’un petit buffet, etc…

« Alors il faut que ton fils lui fasse un cadeau », m’avait dit une vieille dame à qui je demande parfois conseil en matière d’us et coutumes du pays.

« Alors, là aussi c’est donnant-donnant, comme pour les mariages ?! » avais-je répondu. Ici, la valeur marchande d’un cadeau ne doit jamais être inférieure au montant qu’on dépensera pour vous inviter. Toutefois, s’il est normal de donner un coup de main au démarrage des jeunes mariés, dans le cas d’un prêtre, n’est-il pas déjà complètement pris en charge par le clergé ?! J’aurais parfaitement compris la requête d’une offrande pour une bonne cause, mais un cadeau !?! 

Les plus proches amis de G., y compris mon fils, se sont donc mis d’accord pour lui offrir ….. un crucifix ! J’imagine qu’aujourd’hui G. a de quoi en tapisser un des murs de sa cellule. Un gaspillage inapproprié, à mon avis, mais je ne suis pas Méditerranéenne !

 

Bref, samedi, c’est presque à contrecœur que nous avons pris le chemin de la cathédrale à 18 heures, seulement parce que pour G. et ses parents, nous ne pouvions absolument pas manquer. Un cérémonial de deux heures trente aux rites bien précis, sous la conduite sévère de l’évêque et la participation de tous les curés du diocèse, avec autant de génuflexions, grands mouvements d’aubes, d’étoles, de chasubles, de mitre et de fauteuil, prostrations, processions et onctions, encensements, promesses formelles, litanies, impositions des mains, saluts de tête et embrassades répétés à l’infini. Le rôle essentiel d’un rite n’est-il pas de fasciner, d’envoûter ?

Sans oublier le prêche d’une bonne demi-heure, une admonestation solennelle à l'obéissance : le prêtre dépend en tout et pour tout de son évêque ; qu’il ne se mette surtout aucune idée originale en tête, ou se laisse influencer par des laïques… Pas le moindre devoir d’amour du prochain ou des plus faibles apparemment : le mot « amour », l’évêque ne l’a prononcé que deux fois et à propos d’un Christ-chef. Tout cela pendant que (chose surprenante !) le vieux moine qu’on avait confiné dans un confessionnal tous rideaux ouverts jouait avec un portable entre deux confessions-éclair, que les fidèles serrés sur leurs bancs agitaient des éventails colorés sortis des sacs à main, et que tous les membres du clergé assis dans les stalles, derrière l'autel, s'éventaient avec les minces livrets du cérémonial.

 

Quant à moi, du fond de l’église où nous étions debout, il m'était impossible de perdre de vue G., reconnaissable même de dos grâce au petit balancement, d’un pied sur l’autre, dont il précède depuis toujours ses retours à l’immobilité, comme pour mieux assurer sa stabilité. Un petit reste d’humanité qui me réchauffait le cœur dans cet antre où, plus que le couronnement d’une vocation salué par un énorme applaudissement le rite accompli, on cherchait avant tout à réaffirmer les jalons des devoirs hiérarchiques. Heureusement que les embrassades et congratulations de la fin avec un G. souriant, mais littéralement écrasé par une foule d’amis et connaissances, ont mis un peu de baume sur le vague sentiment d’amertume qui m’avait envahie : ici, ce n’était pas à l’aboutissement d’un acte de foi et d’amour que nous venions d’assister, mais bien à la proclamation, finalement haut et fort, d’un pouvoir temporel mis en sourdine pendant plusieurs décennies. Et G. dans tout cela ? Le G. que nous connaissions si bien, où en était-il ? Car depuis sa décision, ses multiples obligations ne lui avaient plus laissé de temps pour personne.

 

Le lendemain, après avoir assisté à sa première messe, mon fils est rentré assez déçu. Bien sûr, il avait quand même réussi à échanger quelques mots avec un G. souriant ; bien sûr, il comprenait qu’un esprit aussi brillant soit tenté par des études à Rome, mais ce n’était plus le G. spontané dont il avait étroitement partagé l’amitié pendant seize ans. Nous avons essayé de le rassurer : derrière cette nouvelle réserve, G. cachait sans doute une forte émotion, la peur de se tromper, l’aboutissement d’une grande période de stress. « Non », a-t-il répondu, « c’est différent… Maintenant, il porte un masque d’indifférence…. »

 

 

Tous ceux qui ont vécu ou vivent en Italie connaissent l’énorme influence que l’Eglise Catholique y exerce. D’une part, depuis la disparition du parti communiste italien, elle gouverne franchement le pays en sous-mains, avec un statut qui lui permet de se comporter comme un état dans l’Etat italien, non soumis aux lois, surtout dès qu’il s’agit de ses propriétés ou de tout le personnel religieux ou laïc qui dépend de lui, sans compter les nombreux avantages financiers et l'usufruit des services publiques. De l’autre, l’ambigüité que lui donne la souveraineté de l’Etat du Vatican lui permet d’être au centre de la politique mondiale, et même d'y figurer par opposition aux autres religions non chrétiennes comme le représentant de toute la chrétienté. Le message du Christ dans tout cela ? C’est secondaire et pour que le peuple reste à sa place. Depuis la chute du Mur de Berlin, il n’y plus beaucoup d’obstacles à sa reprise du pouvoir, si ce n’est la forte montée de l’Islam. Pour ce, elle a besoin des meilleurs esprits dans toutes ses places fortes. Alors, elle n’allait certainement pas laisser qu’une intelligence aussi brillante que celle de G. finisse dans une paroisse. Il montera vite en grade, j'en suis persuadée.

 

Mais… il n’en reste pas moins que G. est G., avec toutes ses belles qualités, et l’avenir pourrait réserver des surprises. Donc à suivre….

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Mardi 1 Juillet 2008, 13:36 dans la rubrique "Bribes perso".
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