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Vocation

Quand G. annonça à sa famille et à ses amis qu’il voulait devenir prêtre, c’est comme si le ciel leur était tombé sur la tête. G. prêtre ?!?!?!? Car G. avait vraiment le meilleur de l’avenir devant lui. Fils aîné d’un petit fonctionnaire, les siens, vu ses brillants résultats scolaires puis universitaires (il était en deuxième année à la fac d’ingénierie en télécommunication), étaient prêts à tous les sacrifices. Alors, bien que catholiques pratiquants, ils s’y sont tous mis, parents et amis se sont acharnés contre lui, non pas méchamment, non pas de façon méprisante, mais terriblement déçus par la décision irrévocable d’un enfant promis aux plus belles carrières, et qui, tout à coup, choisissait une voie médiocre à leur yeux. Car, dans une Italie imprégnée de culture catholique même chez les athées, s’il fut un temps où devenir prêtre signifiait acquérir une position, aujourd’hui il n’en est plus rien. D’autre part, si, aujourd’hui, on comprend que quelqu’un entre à la Trappe ou dans un ordre monastique quelconque, on comprend certainement beaucoup moins qu’il décide de devenir... curé. En fait, la seule qui l’ait félicité de ce choix, c’est moi, agnostique convaincue et critique impitoyable ! Il faut savoir que….

 

… G était le meilleur copain de mon cadet, et si mon fils allait chez lui, c’est plus souvent qu’à mon tour que j'ai eu G. chez moi. Quand il s’agissait de dévaler à vélo la descente de mon garage, il n’était plus aussi raisonnable que chez lui, il adoptait toutes les idées polissonnes et les rires éclatants de mon fils, élaborait avec lui les inventions les plus fantaisistes. Ils ont grandi ensemble, comme on dit, de l’école primaire au lycée. Mais au lycée, je m’en souviens, chez lui quelque chose avait changé. Alors que tous ses copains ne rêvaient que de sorties, de fêtes, de musique à haut volume et de plages en été, G. préférait déjà rester chez lui, s’exerçant avec talent pendant des heures et dans le calme sur la guitare qu'il étudiait au conservatoire. Après un bac avec le maximum des points, quand les siens lui ont proposé de l’envoyer à l’Ecole Normale Supérieure de Pise (qui forme l’élite italienne), il est resté indécis, et, pour leur faire plaisir ou peut-être parce qu’il ne savait pas encore bien où il en était, il s’est inscrit à une des facultés d’ici, mais sans conviction malgré ses succès.

 

G. ? Combien de fois ai-je longuement parlé avec lui ? Bien que j’aie élevé mes enfants sans religions, il se sentait libre de m’exposer ses idées, et moi j’étais contente qu’il me parle sans retenue. J’aime ceux qui se posent des questions, ont soif d’un monde meilleur, peu importe le chemin. Peu de temps après avoir pris sa décision, il me parlait de sa foi, de sa joie, de son enthousiasme, de son besoin de s’occuper des autres.

 

Tout cela s’est passé à la fin du règne de Jean-Paul II, juste avant qu’on organise sa fin en un spectacle indécent, avant que ne lui succède un vieillard grimaçant. Depuis lors, j’ai un peu perdu de vue G. , mon fils aussi car il est difficile d’imaginer le nombre d’interdits dont on entoure les jeunes séminaristes. A chaque fois qu’il se manifeste, cependant, tous ses anciens copains arrivent, il n’en manque pas un. Et s’il téléphone à la maison, à la recherche de mon fils, c’est avec moi qu’il parle pendant une demi-heure si ce dernier est absent.

 

Je ne sais pas s’il s’agit d’une impression, mais je trouve que le monde a tellement changé en deux ans. Moi qui étais si enthousiaste, je me surprends parfois en train d’avoir peur pour G. , sa vocation ne me plaît plus autant. Pourvu qu’on ne change pas la chaleur humaine et l’enthousiasme qui étaient les siens, en un sombre dogmatisme, autoritaire et aride, caractéristique de celui qui occupe actuellement le trône de Saint-Pierre, en vacances pour l’instant dans le Val d’Aoste où il aime qu'on le filme en train de jouer, sur son piano, du Beethoven et du Mozart. Puis, j’essaie de me raisonner, de reprendre confiance. Va savoir si ce jeune homme chaleureux et sincère ne sera pas capable de préserver sa flamme généreuse, même au sein d'un clergé plus qu'encadré, plus que dirigé.

 

A suivre donc, dans dix, vingt ou trente ans. 


 

Mise à jour du 01.07.2008 : G. a été ordonné prêtre le 28 juin 2008. Pour en savoir plus, lire ici.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 28 Juillet 2006, 19:17 dans la rubrique "Récits".
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Commentaires et Mises à jour :

gilda
28-07-06 à 21:01

Comme cette histoire ressemble à celle de notre ami X. que nous avons ici et dont nous avons fêté en juin les 10 ans de sacerdoce !

Sa vocation était venue je crois dés le lycée. Pression parentale ou des prêtres qui le conseillaient, je ne sais, mais il avait bouclé des études d'ingénieur puis travaillé deux ans sur chantier (c'était ce qui correspondait à sa spécialité). Il est seulement ensuite entré au séminaire.

Moi aussi, mécréante comme pas possible mais sans doute déjà sensible aux professions de vocation, j'avais été l'une des seules je crois, à le comprendre. Autour, beaucoup de doutes et d'incrédulité. Ces parents, déçus et qui n'étaient pas venus à l'ordination. Mais aux 10 ans, pour la première fois ils ont assisté à une messe dite par leur fils. Je ne sais pas qui d'eux ou lui étaient les plus émus.

Nous ne partageons pas les mêmes opinions et surtout face aux régressions actuelles dont tu parles mieux que je ne saurais le faire, son engagement n'est pas sans m'inquiéter. Cependant je persiste à trouver bon qu'il ait suivi son chemin, difficile, et de renoncements qui était le sien. C'était ce qu'il ressentait qui lui correspondait.

Si ça peut vous rassurer, il était chaleureux et non sans humour ; il l'est resté.


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ImpasseSud
28-07-06 à 22:02

Re:

Cela me rassure un peu, en effet. Je crois qu'aujourd'hui, pour faire ce choix, il faut quand même avoir un caractère bien trempé. Ton histoire en est autre exemple.

Les professions de vocation, - et il y en a de toutes sortes -, voilà bien ce qui manque aujourd'hui. Il faut dire que la société actuelle est loin de les encourager et c'est bien dommage.


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sarah-k
29-07-06 à 15:58

la foi

Un caractère bien trempé ne suffit peut-être pas, il faut avoir la foi.
La foi, je me suis toujours demandé sincèrement ce que c'était (la patience??)
Le tout-puissant a peut-être envoyé une épreuve à ce jeune homme (le pontificat de Benoît XVI)

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ImpasseSud
29-07-06 à 17:15

Re: la foi

La foi est implicite vu que c'est elle qui déclanche la vocation, indique la direction. Par contre le caractère bien trempé, je crois que c'est une des caractéristiques de tous ceux qui choisissent cette orientation, car le chemin est ardu, plein d'obstacles et de renonciations.
Quand à savoir ce qu'est la foi...  Je crois que les réponses sont innombrables, différentes pour chacun de ceux qui disent croire. Pour ma part, c'est une question que je ne me pose plus. Désormais, je me contente de croire aux hommes de bonne volonté, quelle que soit leur foi, à condition qu'ils la tiennent dans l'ombre et ne viennent pas poser une étiquette sur tout ce qu'ils font.

J'adore ta dernière phrase :-), l'épreuve est grosse en effet... et c'est bien pour cela que je suis inquiète, car ce jeune homme est vraiment quelqu'un de rare.


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nicole
29-07-06 à 22:41

Re: Re: la foi

Boa noite.

Je ne suis pas agnostique, je suis athée.

Pour moi, l'existence d'un dieu est absurde,  irrationelle.

Sans parler du voeu de chasteté...

J'habite à 40 km de Fatima, et ce n'est pas ce qui s'y passe qui me fera changer d'avis.

La plupart des conflits actuels résultent du déisme, ce qui fait l'affaire du commerce des armes et du pétrole.

Bien sûr je préfère les idéalistes aux cyniques, mais j'aime encore mieux les sceptiques altruistes.

Um abraço de Portugal


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ImpasseSud
30-07-06 à 07:22

Re: Re: Re: la foi

Bonjour Nicole,
Bien contente de te revoir par ici.

Ce que je voulais dire dans mon billet, en fait, c'est que la générosité n'a pas besoin de religion, mais que les religions, quand elles se font sectaires, dogmatiques et manquent d'altruisme, risquent d'étouffer la générosité, la bonté spontanée, de déformer la notion de l'amour du prochain. 
La première fois que j'ai demandé à G. le pourquoi de son choix, il ne m'a pas répondu "parce que je crois en Dieu" ou "c'est Dieu qui m'appelle", mais "j'éprouve le besoin d'aider les gens, de m'occuper des autres". Elevé dans une Italie imprégnée de catholicisme et qui plus est dans une famille croyante et pratiquante, doué en math mais passionné de philosophie, son choix a une certaine logique, que je n'approuve pas forcément en tant qu'agnostique, mais que je peux comprendre quand, justement, il part d'un sentiment généreux, et dont je ne peux que me réjouir si cela le rend heureux.

Un'abbraccio dall'Italia e buona domenica ! :-)


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Éric Verneuil
05-08-06 à 20:59

Re: Re: Re: Re: la foi

“Les jeunes fauves”

Un titre. Un livre.

Une vie qui bascule.

L’entrée au séminaire.

Un itinéraire parmi bien d’autres.

Unique. Comme l’appel.

 

La mission

Hier. Aujourd’hui.

Urgente. Passionnante. Brûlante.

On n’entre pas au séminaire pour y rester.

Faire demain carrière.

Couler une existence tranquille.

Cela ne fut jamais.

Cela n’est toujours pas d’actualité.

Pourquoi alors?

Pour dire le sens _ celui de la vie, celui de la mort.

Dieu. Un Dieu proche des hommes.

Un Dieu qui libère.

Un Dieu qui aime.

Un Dieu qui prend tous les risques.

Un Dieu vulnérable. Infiniment.

Mort. Descendu aux enfers.

Ressuscité. Vivant.

Qui envoie.

Aux limites. Aux marges. Aux frontières.

A ceux qui ne savent pas.

A ceux qui croient savoir.

Un Dieu qui sauve.

Du non sens.

De l’absurde.

De la mort.

 

On entre au séminaire

Pour dire la vie.

Vivre l’amour;

Oser l’espérance.

Se donner ...

A Dieu.

Aux hommes.

A tous les hommes.

Aux “chrétiens du dimanche”

Aux “jeunes fauves”.

J'ai aimé cette page ... mais en même temps, pour moi qui connais un peu, assez , ce monde étrange (pas tant que cela, en fait) des séminaires, tout au moins en France, je suis fort étonné de la façon dont vous le percevez de l'extérieur. J'ai trouvé un édito de l'écho d'un séminaire de France (juin 2006).

Aux autres, à tous les autres."
Je suis heureux de voir que vous connaissez un jeune que vous appréciez entrer au séminaire. Beaucoup sont comme lui. Le séminaire n'est pas un carcan (ceux que je connais en tout cas !) mais un espace de confrontation et de liberté.
Eric


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Éric Verneuil
05-08-06 à 21:04

Re: Re: Re: Re: Re: la foi

Excusez. J'ai fait une erreur en mettant un copier-collé et en essayant de le reprendre en enlevant le tire trop énigmatique (en fait le titre d'un livre qui a amené un jeune à entrer au séminaire!)
Mais l'édito se retrouve deux fois.
Eric

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ImpasseSud
06-08-06 à 15:11

Re: Re: Re: Re: Re: Re: la foi

Eric, Merci pour ce commentaire dont j'ai éliminé les doublons.

A propos de cet article, qui, avant tout, raconte une histoire personnelle dont j'ai retardé le récit pendant longtemps, j'ai beaucoup hésité entre autoriser et vérouiller les commentaires. Car il s'agit d'une histoire que je trouve belle, malgré mes convictions, et je redoutais, comme cela se passe souvent aujourd'hui dès qu'on parle de religion, d'attirer immédiatement les intégristes, les prosélytes et même les intégristes anti-religion qui ne valent pas mieux dans leur acharnement. Je ne voulais pas voir mon article transformé en champ de bataille.

Je remercie donc ceux qui ont su exprimer leurs opinions personnelles avec mesure, et je clos les commentaires.


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Miguel
15-08-06 à 13:40

Vocation de G.

Formidable que G. comprenne qu'il a une vocation et qu'il veuille fortement la suivre. Au fond nous avons tous une vocation, c. à d. qu'il y a en nous une "voix" qui nous dit que nous devons faire quelque chose de bien, de constructif, avec tout ce que nous sommes. Nous sommes si nombreux à faire comme si la vie ne servait à rien: métro, boulot, dodo y se la passer sns peine ni trop de mal.

Pourquoi voyez- vous en négatif? Benoît XVI un "vieillard grimaçant" ! N'empêche que sa première lettre encyclique (=pour tout le monde) c'est pour nous parler d'amour et nous dire d'aimer pour de bon, beaucoup et bien..."Nombre d' interdit" ? Vous me faites penser à un pays que je connais bien. Quand on a commencé à parler de liberté aux citoyens qui n'avaient jamais connu que des dictatures, les voleurs et les assassins se sont déchaînés: vive la liberté! Résultat: les honnêtes gens ne se sentent même pas libres de sortir de chez eux. Il faut bien s' interdire certaines choses mauvaises ou qui encombrent la vie si on veut faire librement beaucoup de bien..." Sombre dogmatisme, autoritaire et aride" ! C' est drôle comme on est conditionné par les façons de voir du milieu où l'on vit. Continuez à parler avec G. et demandez-lui ce qu'il pense et ce qu'on enseigne au séminaire. Relisez les réflexions de la correspondante qui dit qu'elle connaît un cas pareil: elle était "étonnée" ou "surprise"( je ne sais plus le mot qu'elle emploie) de retrouver son ami sortant du séminaire aussi libre et gentil qu'elle l'avait connu avant. Ses préjugés lui avait fait croire qu'il sortirait "sombre et aride". Soyez heureuse !


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ImpasseSud
16-08-06 à 09:16

Re: Vocation de G.

Apparemment, j'avais dû oublier de vérouiller les commentaires.

Miguel,
Si la première partie de votre commentaire m'a réjouie, la seconde m'énerve franchement, même si le ton sur lequel vous vous exprimez est des plus sympathiques (et je vous en remercie).
Ce qui m'énerve, c'est qu'aujourd'hui on ne peut ouvrir la bouche, non pas en matière de religion, mais à propos de quoi que soit... si la religion y entre pour quelque chose, et encore moins exprimer son opinion, sans que fondent sur vous des partisans de toutes sortes et de tous bords pour défendre leurs croyances, passant même parfois à un prosélytisme arrogant. Peu de temps après avoir écrit ce billet, j'ai dû effacer un commentaire qui me disait qu'au lieu de me préoccuper du cas de G. , je ferais bien mieux de m'occuper de la montée de l'intégrisme catholique en Italie, et voilà que vous, vous venez défendre Benoît XVI et parler du conditionnement de mes opinions. Ah Non ! Là n'est pas mon propos!!!

Comme je l'ai déjà écrit et répété : ici, il s'agit d'une histoire personnelle, non pas d'un lieu de débat à propos des religions. N'en ai-je pas déjà dit bien assez sur les changements largement perceptibles en Italie ? N'oublions pas que ce sont eux qui motive mon inquiétude.

Ce dont le monde a besoin, actuellement, c'est d'une redécouverte du sens de l'éthique, du "sens de l'autre, du prochain", et dire que pour cela on a besoin de religions avec des dogmes soi-diant détenteurs de vérités, c'est de la fausse rhétorique. 
Chacun de nous possède une conscience. La seule question est de savoir si on veut l'écouter ou non et, si oui, d'élever les enfants avec cette prise de conscience-là. Ensuite que chacun croit ce qu'il veut. Moi, je n'oblige personne à être d'accord avec moi, alors que les autres en fassent autant. Le monde ne deviendra pas parfait, je vous le concède, il y aura toujours des voleurs et des assassins, mais au moins, on pourrait finalement se libérer des guerres de religions, grandes et petites. Si G. et mon fils sont encore amis, c'est parce que G. n'essaie, en aucune manière, de convertir mon fils, et que mon fils n'essaie, en aucune manière, de détourner G. de sa vocation. 
J'ai presque envie d'écrire un autre billet, non pas sur les difficultés de la tolérance cette fois-ci, mais sur la généralisation de l'intolérance.
Soyez heureux vous aussi ! :-)

Cette fois-ci, je vérouille réellement les commentaires.


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