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Afghanistan, Emergency de nouveau sur la ligne de tir (3) : tout se termine assez bien

Ceux qui suivent cette histoire dès son début (1-2), y compris les mises à jour, sont déjà au courant de la bonne nouvelle. Sur les 9 opérateurs de l'hôpital d’Emergency à Lashkar-gah (province de Helmand) arrêtés arbitrairement le 10 avril dernier par les Services de sécurité afghans avec l’aide des soldats britanniques de la FIAS/OTAN sur la base de ce qui, dès le départ, ressemblait déjà à un coup monté, les 3 Italiens ont été libérés hier dans la journée, les rumeurs-accusations ayant été déclarées dénuées de fondement par le Conseil de sécurité afghan, et 5 des 6 opérateurs afghans ont également été remis en liberté quelques heures plus tard. Compte-tenu du fait qu'au cours de la semaine, 3 autres opérateurs avaient été arrêtés, il reste encore 4 opérateurs au secret, auxquels Emergency fournira des avocats, afin de leur garantir une défense équitable et le respect de leurs droits.

 

Voilà donc une histoire presque terminée, assez bien et assez rapidement, mais il faut dire que les pressions ont été énormes : 

aussi bien en Italie où Gino Strada, le fondateur d’Emergency en 1999, a réussi à faire pression sur le gouvernement italien en mettant cette affaire à la une des médias (ce qui n'est pas chose facile dans le monopole médiatique de Berlusconi), où un certain nombre de personnalités politiques et autres se sont prononcées publiquement en faveur Emergency, où en 4 jours presque 400.000 personnes ont signé la pétition « Io sto con Emergency », et où 50.000 personnes (sans signes politiques distinctifs) ont participé à la manifestation du samedi 17 à Rome ;

qu'en Afghanistan où Steffan De Mistura, le représentant de l'ONU sur place, a immédiatement et par deux fois pris officiellement position contre « le malentendu » qui a frappé Emergency, « nécessaire au pays » ; où la population elle-même, s'est mobilisée pour aller signer la pétition dans les hôpitaux d'Emergency (environ 10.000 signatures ou empreintes du pouce rien qu'à Anabah, dans la région montagneuse du Panchir où Emergency a un hôpital et la seule maternité de toute la région !) ; et où, heureusement, Emergency qui a déjà vu passer tous les régimes, a de sérieux alliés au sein du gouvernement de Karzaï, comme le vice-président afghan, les ministres de l'Intérieur et de la Défense.


« Tout est bien qui finit bien » dit le proverbe. A mon avis, cependant, ceci démontre une fois de plus que dans tous les cas similaires et au-delà de l'innocence ou de la culpabilité, malheur à ceux qui n'ont aucun soutien massif. 

 

Il reste cependant de grosses questions en suspens : "Qui a organisé cette provocation" se demande Gino Strada, "vu qu'à Kaboulon dit, - y compris le chef du Service de sécurité -, qu'on n'en savait rien ? Qui l'a décidée ? Le gouverneur de Lashkar-gah ? Provoquer la fermeture de l'unique hôpital fonctionnel de la région qu'il gouverne serait une manoeuvre plutôt impopulaire pour un gouverneur. Qui a décidé de faire annuler le vol de la ligne aérienne Pamir qui le matin du 10 avril, quatre heures avant son arrestation, devait ramener Marco Garatti de Lashkar-gah à Kaboul ? Et les Anglais, qu'est-ce qu'ils faisaient, le fusil à la main dans l'hôpital d'Emergency ? Nous attendons des réponses, de l'intérieur mais aussi de l'extérieur de l'Afghanistan."
Emergency veut absolument en avoir le cœur net, car elle va devoir prendre une décision sur la réouverture ou non de son hôpital à Lashkar-gah, seul pôle chirurgical civil compétent et bien équipé sur ce front de l’opération Mushtarak des forces multinationales de l’OTAN. Ce qu’on y perçoit au quotidien ? Rien de tel que les sens pour vous en donner un bref aperçu. On peut le lire sur le numéro d’avril 2010 de la version papier de Peacereporter, page 9. En voici ma traduction :

 

L’ouïe

Les pleurs des enfants blessés, hospitalisés dans le “D ward” de l’hôpital. Durant les deux semaines de l’opération Mushtarak, il en est arrivé des dizaines, blessés par des projectibles, éclats de bombes, et mines antipersonnel.

Le gazouillement des hirondelles, couvert par le vrombissement des avions et par le bruit des hélicoptères militaires qui, depuis la base militaire de Kandahar et en route vers Marjah et Nadali, survolent la ville à basse altitude.

Les appels entre les « faucons », code du personnel d’Emergency en Afghanistan pour les communications via radio à l’intérieur de l’hôpital, pour informer l’équipe de l’arrivée de nouveaux blessés ou pour demander l’intervention d’un chirurgien aux urgences ou en thérapie intensive.

 

La vue

L’image incroyable d’un homme qui vient juste d’arriver de Marjah, vivant, avec un missile intact d’un mètre de long planté dans le dos. A son arrivée à l’hôpital, les infirmiers n’arrivent pas à croire qu’il puisse encore être vivant. En effet, il mourra quelques jours plus tard d’une méningite fulminante causée par la blessure.

Une toute petite fille d’à peine un an qui pleure désespérément au réveil, après l’opération durant laquelle les médecins ont ouvert son tout petit ventre pour en extraire un éclat de bombe. Elle était dans les bras d’un de ses grands frères en train de manier un missile inexplosé.

 

Le goût

La soupe de pois chiches en bouillon et le riz avec de la viande en daube : les deux plats fixes servis dans la salle-restaurant du personnel hospitalier où se retrouvent médecins, infirmiers/ères, techniciens et adeptes au nettoyage, chauffeurs et gardiens.

Les biscuits et les jus de fruit très doux, de production iranienne ou pakistanaise, que les familles en visite apportent à leurs parents hospitalisés. En particulier aux plus petits qui les préfèrent de loin à l’œuf dur quotidien que les infirmiers leur donne à manger, comme partie essentielle de leur diète reconstituante, mais dont les enfants préfèrent faire cadeaux aux autres patients plutôt que de les manger.

 

L’odorat

Le parfum des fleurs blanches et roses des arbres qui bordent l’allée qui porte à l’entrée de l’hôpital. Le printemps arrive tôt dans la province de Helmand : fin février le jardin de l’hôpital se remplit de fleurs colorées vrombissantes d’abeilles.

L’odeur des produits de nettoyage et des désinfectants dans les services et les couloirs de l’hôpital, toujours d’une scrupuleuse propreté. Le nettoyage et l’hygiène sont les caractéristiques des structures d’Emergency : un autre monde par rapport aux hôpitaux locaux, sales et nauséabonds.

 

Le toucher

La peau lisse des enfants agressés par les signes de la guerre : les brûlures, les coupures et les blessures des éclats de bombes, missiles et mines antipersonnel.

La tiédeur du soleil de mars qui réchauffe l’air de Lashkar-gak après un hiver bref et doux, mais qui en l’espace de quelques semaines laisse la place à la canicule étouffante, typique des longs étés chauds de la province de Helmand.

 


Les idées plus claires maintenant ? Il y a deux jours de cela, j'ai reçu un message où on me disait, entre autre : "plus les gens sont informés, plus la démocratie avance". Sans aucun doute théoriquement, mais actuellement, en Italie par exemple, nous sommes face à une situation paradoxale où il y a de plus en plus de gens qui ne veulent ni voir ni savoir, même ce qu’ils ont sous les yeux, allant même jusqu'à s'en prendre ouvertement, sur l'exemple du petit chef, à tous ceux qui, comme Emergency dans le cas présent, sont incontestablement emblèmes et porteurs de démocratie.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 19 Avril 2010, 14:05 dans la rubrique "Les hommes de bonne volonté".