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Afghanistan, Emergency de nouveau sur la ligne de tir (2) : le CREDO d’Emergency

Ceux qui ont lu mon premier billet à propos de cette nouvelle crise, savent de quoi il s'agit. En Afghanistan, le 10 avril dernier, les services de sécurité, avec le concours des forces britanniques de l'OTAN, ont enlevé 9 opérateurs (dont 3 Italiens) de l'hôpital d'Emergency à Lashkar-gah, la capitale de la province de Helmand, et pris possession de la structure... sous le prétexte le plus ridicule qui soit. Pour l'Italie, il s'agit désormais d'une "affaire nationale" qui fait la une des médias, et, de vive voix ou dans l'intimité, il faut choisir son bord. "Io sto con Emergency", "moi, je suis avec Emergency", c'est le seul texte de l'appel que 300.000 personnes ont déjà signé pour faire pression sur un gouvernement .... indigne dès la première heure. C'est la raison pour laquelle Gino Strada, son fondateur en 1999, a jugé nécessaire de réaffirmer dans un grand quotidien le CREDO qu'il défend en Afghanistan et ailleurs depuis 1994. En voici la seconde partie.

 

 

« Monsieur le Directeur,
.............
Pourquoi agresse-t-on, pourquoi déclare-t-on la guerre à un hôpital ? On accuse Emergency et son hôpital
de soigner même les talibans, les ennemis. Mais les hommes politiques de tous bords n’hurlent-ils pas depuis des années que l’Italie est en Afghanistan pour une mission de paix ? Dans une mission de paix, est-ce qu’on peut avoir des ennemis ?

De toute façon, cette accusation est fondée. Je dirais même plus, nous tous d’Emergency, nous passons aux aveux les plus complets. Une confession véritable, rien à voir avec la « confession choc » (1) du personnel d’Emergency finie en titres des journaux nationaux.


Nous, nous soignons tout le monde, même les talibans. Et en cela nous restons fidèles aux principes éthiques de la profession de médecin, et nous respectons les traités et conventions internationaux en matière d’assistance aux blessés. Nous les soignons avant tout au nom de notre conscience morale d’être humains qui refusent de tuer ou de laisser mourir d’autres êtres humains. Nous soignons les talibans comme nous avons soigné les moudjahidines, les policiers et les soldats afghans, les Shiites et les Sunnites, les blancs et les noirs, les hommes et les femmes. Nous soignons surtout des civils afghans qui représentent la grande majorité des victimes de cette guerre. Nous soignons ceux qui en ont besoin, parce nous croyons que ceux qui en ont besoin ont le droit d’être soignés.

Nous croyons que même le plus cruel des terroristes a des droits humains – de ceux qui lui appartiennent par la seul fait d’être nés -, et ces droits-là, il faut les respecter. Etre soigné est un droit fondamental, garanti par les textes les plus importants de la culture sociale, voire « politique », du siècle dernier. Et nous, à Emergency, nous le respectons. C’est avec orgueil que nous plaidons « coupables ».

Nous soignons tout le monde. En Afghanistan nous l’avons fait plusieurs millions de fois. Dans notre hôpital de Laskar-gah nous l’avons fait soixante-six mille fois, sans jamais demander aux blessés qui arrivaient en urgence : « Toi, tu es avec Karzaï ou avec le mullah Omar ? » Encore moins quand il s’agissait des si nombreux enfants que nous avons vus ces dernières années, frappés par des mines et des bombes, par des missiles et des balles. En 2009, 41% des blessés hospitalisés chez nous à Lashkar-gah avait moins de 14 ans ! Des enfants ! Nous en avons raconté l’histoire et montré les visages, les véritables images de la guerre, la vérité nue.


« Emergency fait de la politique » : c’est aussi ce dont nous accusent les hommes politiques, étrangement. En réalité, ils voudraient seulement que nous nous taisions, sans montrer ces visages et ces corps martyrisés. « Soignez-les et basta, abstenez-vous de faire de la politique ». Ceux qui défendent cette idée ont une bien piètre idée de la politique.

Non, nous refusons de nous taire, nous refusons de cacher ces images. Il y a longtemps que l’OTAN accomplit ce qu’elle appelle «  la campagne militaire la plus importante depuis des décennies » : la première victime a été l’information. Les journalistes qui informent les citoyens du monde sur ce qui se passe dans la province de Helmand sont extrêmement rares. Les vrais journalistes sont incommodes, comme l’hôpital d’Emergency, longtemps l’unique « témoin » occidental qui fasse voir « les horreurs de la guerre ». Non, nous ne tairons pas !

Emergency a une haute idée de la politique, elle la voit comme la tentative de trouver une façon d’être ensemble, de former une communauté ; trouver le moyen d’habiter ensemble tout en restant différents, en évitant de se tuer l’un l’autre. Emergency appartient à cette tentative. Nous, nous croyons que l’utilisation de la violence génère de par soi une autre violence, nous croyons que seuls les cerveaux gravement déficients peuvent aimer, désirer, inciter à la guerre. Nous ne croyons pas à la guerre comme moyen, et il est horrible et monstrueusement stupide de penser qu’elle puisse fonctionner. Il suffit de se souvenir de « la guerre pour finir toutes les guerres » du président américain Wilson. C’était en 1916. Et comment est-il possible de penser d’en finir avec les guerres si on continue à les faire ? La dernière des guerres, tout au plus, ce pourrait être une guerre terminée, mais pas une guerre encore en cours.

La réponse d’Emergency est simple. Nous avons appris d’Albert Einstein que la guerre, on ne peut ni l’embellir, ni la rendre moins brutale : « On ne peut pas humaniser la guerre, on peut seulement l’abolir ». Dans l’idée que nous nous faisons de la politique et dans notre conscience de citoyens, il n’y a pas de place pour la guerre. Nous l’avons exclue de notre horizon mental. Nous répudions la guerre et nous voudrions qu’on l’abolisse, de la même façon qu’on a aboli l’esclavage.

Utopie ? Non, nous sommes convaincus que l’abolition de la guerre est un projet politique à réaliser, et en toute urgence. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous taire face à la guerre, à n’importe quelle guerre. Ce dont nous sommes coupables, c’est de proposer ce projet.


Voilà, nous vous avons fourni des réponses. Et maintenant ? Un habitant de Pistoia a défini Emergency comme « une branche d’olivier dans la bouche et un piment dans le cul ». Maintenant, c’est le moment que « qui de droit » travaille de cette façon-là, et sorte « nos gars » de là. Ils ont la possibilité de le faire, bien et rapidement. Et nous, nous le leur rappellerons samedi après
[17.04, NdT], à partir de piazza Navona San Giovanni à Rome. »

Gino Strada,Curiamo tutti, non taceremo mai di fronte agli orrori della guerra ” publié sur La Repubblica du 15 avril 2010.

(Traduction de l'italien par ImpasseSud)


En Italie ou ailleurs dans le monde, chaque société, chaque époque a sa part du lion qui détermine deux bords. Aujourd'hui, sur le bord de la part du lion, on trouve le capitalisme sauvage, les multinationales, les banques, et les "Missions de paix". Emergency est sans aucun doute sur l'autre bord, celui de la justice et des laissés-pour-compte.

Et vous ?

Suite et fin de cette sale affaire ici : 3 - 4

1. En un premier temps, un journaliste du Times avait diffusé la nouvelle que les trois Italiens avaient avoué les méfaits dont les accusait le porte-parole du gouverneur de la province d'Helmand.

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Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 15 Avril 2010, 17:25 dans la rubrique "Les hommes de bonne volonté".

Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
18-04-10 à 17:14

18.04.2010  16h. Après 9 jours de détention, LES TROIS ITALIENS SONT LIBRES !! détails ici

A suivre du coté des 6 Afghans


 
ImpasseSud
18-04-10 à 20:20

Re:

5 des opérateurs afghans ont également été libérés. Pour le 6ème, on ne connait pas encore le chef d'accusation, mais Emergency lui fournira une assistance légale.