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Ce chaos islandais qui m’inspire de drôles de pensées

L'Eyjafjöll en 2010 : éruption du 17 avril 2010Une catastrophe naturelle est une catastrophe naturelle. Pour ma part, je les classe en deux catégories : celles dont on peut prévenir les plus gros méfaits, comme les tremblements de terre, les inondations, les ouragans, les raz-de-marée, les coulées de boue, les éruptions volcaniques, etc., et les autres, celles qu’il faut subir, comme l’impact de l’éruption du volcan Eyjafjöll sur le transport aérien.


Vu que j’ai eu la chance de ne pas faire partie des quelque 8.000.000 de personnes qui se sont retrouvées bloquées quelque part dans le plus grand désarroi, j’ai presque poussé un soupir. Non pas de ceux qui vous échappent quand on vient juste d’échapper à un danger, mais un soupir de calme, presque de bien-être, la même sensation que j’ai éprouvée au lendemain du crack financier de 2008. Voilà enfin quelque chose qui va arrêter le temps, obliger les hommes à réfléchir sur l’emballement de la planète, ne puis-je m’empêcher d’espérer à chaque fois. On me rétorquera que je rêve, qu’il n’en sera rien, et on a bien des chances d’avoir raison.


Parce qu’au fond, derrière ce chaos bien terrestre et non pas aérien comme titrait Le Monde ce weekend vu que le ciel s’était vidé, qu’y a-t-il ? Apparemment, il semble qu'il s'agisse une fois de plus d'une histoire de gros sous. Des Etats pris de cours qui se sont tout de suite demandé combien cela allait leur coûter, des agences de voyage qui se demandent combien cela va leur coûter, des entreprises qui se demandent combien cela va leur coûter, des compagnies d’assurance qui se demandent combien cela va leur coûter, des particuliers qui se demandent si on va les rembourser, combien on va leur rembourser, des sociétés ferroviaires et routières qui se demandent combien ça va leur rapporter, des taxis et des loueurs de véhicules qui se félicitent de ce que ça leur rapporte. C’est ce qu'ont répété les médias, ce qu’on répète dans les débats, à longueur de journée, jusqu’à la nausée, en prenant soin d’ajouter que, ce qui compte, « c’est la sécurité des passagers ».


Il s’agit d’une première, on ne peut le nier, mais qui met une fois de plus en évidence le haut degré de fragilité, de vénalité et d’arrogance sur lequel repose notre société. Une première qui pose des tas de questions auxquelles on n’a que de très maigres réponses théoriques. Et c’est là, justement, qu’arrivent mes drôles de pensées.


Ces espaces aériens qu’on a fermés presque partout en Europe, toute cette prudence que beaucoup ont jugé excessive et sans réels fondements, ont-ils vraiment eu pour origine la sécurité des passagers… ou plutôt la peur du lobby des compagnies d’assurances ? De ces compagnies d’assurances qui aiment couvrir les risques que vous ne courrez pas ou si peu, mais dont les tarifs deviennent prohibitifs ou qui vous rejettent volontiers dès que les risques deviennent réels ou récurrents ? De ces compagnies d’assurances qui ont réussi à focaliser toutes nos peurs ? De ces compagnies d’assurance qui nous ont convaincus petit à petit que tout est monnayable ? De ces compagnies d’assurance qui finissent par paralyser la spontanéité des gestes et des réactions les plus sensées ?   

Car face à cette première, la seule et unique réponse a été la paralysie, - cela non plus on ne peut pas le nier -. Non pas une pause de réflexion, mais la paralysie ! Car, à l'ère d'Internet et des simulateurs de vol, on n'était pas préparés à cette éventualité : il a fallu 5 jours pour que les membres de l’IATA réussissent à se réunir… en vidéoconférence, et il a fallu 5 jours pour qu’on se décide à faire des vols d’essai à vide. Une fois de plus, l’Union Européenne, dépourvue de tout unité de crise mais bardée de chefs sans pouvoirs et de 170.000 fonctionnaires, a dû céder le pas aux clochers nationaux, discordants comme d’habitude, dont les gouvernements individuels se comportent de plus en plus souvent en chefs d’entreprise concurrents en butte aux lobbys que représentent les banques, leurs annexes et les multinationales. Le problème du remboursement des voyages sera l’affaire des agences de voyage et des compagnies aériennes, mais je ne peux pas m’empêcher de me demander si la paralysie des Etats n’a pas d’abord été motivée par la peur de prendre le risque de bouleverser un ordre établi.

 

Alors, le bien des passagers dans tout cela ? Une infime portion de ce capital humain-instrument à qui il suffit désormais de dorer la pilule avec le mot « sécurité » pour qu’il avalise toutes les décisions du « marché ». Et les catastrophes naturelles dans tout cela ? Des empêcheuses de tourner en rond qu’il faut amplifier pendant quelques jours pour donner l’illusion de l’« information », mais mettre sous le tapis dès qu'on ne peut plus en tirer partie. Qui, d’ici quelques jours, se souviendra encore de ces éditoriaux qui n’ont pas manqué de fleurir ici et là dans la presse écrite, de ces appels à la pause, à la réflexion, qui invitent les lecteurs à reprendre possession de leur temps, de leur vie, à commencer à ramer à contre-courant contre un système qui non seulement ne produit plus aucun de ces progrès apportés par les grands élans de l’Histoire, mais vous renvoie aux peurs ancestrales et solitaires des époques obscures où seuls les riches faisaient la loi, avec, en plus, la sensation d’être pris au piège ?

 

Dans l’imaginaire occidental, l’instruction est la clef de voûte de la prise de conscience, de soi-même et du milieu dans lequel on vit, qui nous a portés à une société plus juste. Une condition sine qua non pour former des citoyens responsables, capables de discernement dans le choix des hommes politiques qu'ils portent au pouvoir, en défense de la démocratie et du bien-être du pays, répète-t-on avec conviction aux pays en voie de développement, de ceux où l’analphabétisme fait encore foison, ceux qu’une mince élite maintient dans la pauvreté. Alors, comment expliquer qu’ici, en Occident, on ait peu à peu transformé l’Education nationale pour tous, cette institution dont le but était de fournir à tous les éléments nécessaires de base pour comprendre, penser, réfléchir, évaluer, décrypter, en un centre de formation professionnelle, somme toute en une subtile formation d’exécutants, quel que soit le niveau, de sujets soumis à un « marché » géré par le même genre de tyrans qui, en Afrique, en Asie ou ailleurs, maintiennent leurs pays dans l’ignorance ou les poussent aux fanatismes ?

N’est-il pas grand temps que, dans notre Occident soi-disant avancé, le simple citoyen se réapproprie de la politique là où il est manifeste qu’il l’a laissée dans les mains de personnes corrompues, mentalement pour le moins, au service du « marché » ou au service d’un « système » ? En France, par exemple, cette gauche qui a presque totalement rosi l’horizon aux dernières élections régionales, est-il normal qu’elle ne s’occupe déjà plus que de son candidat aux présidentielles de 2012 ? Est-il acceptable, dans notre Occident dit démocratique, que les mécontents, ceux qui aspirent à un changement, n'aient pas d'autres choix que de voter CONTRE ou de s'abstenir ? Est-il vraiment impossible de trouver de nouveaux leaders qui sachent faire les pauses de réflexion qui s'imposent, au moment où elles s'imposent ? Ou bien faudra-t-il attendre ... quoi exactement ?

 

Drôles d’idées, n’est-ce pas, quand on part de l’éruption d’un volcan. C’est en tout cas celles qui ont traversé mon esprit, en souhaitant qu’elles aient également traversé les esprits des 8.000.000 de personnes contraintes à de longues attentes ou à la débrouille qui délie les cerveaux ; même si, ayant déjà vécu quelque chose semblable, j’ai quand même eu une pensée compatissante pour les personnes bloquées avec de très jeunes enfants et pour les personnes âgées pour qui chaque voyage est déjà un chambardement. Et puis, vu qu'il est possible que ce volcan islandais ou/et ses voisins éructent pendant plusieurs mois, voire un an, c’est avec impatience et curiosité que j’attends les études, les solutions de repli, va savoir, les changements de coutumes que cet état de fait pourrait susciter.

Photo : Árni Friðriksson, Wikipédia

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Ecrit par ImpasseSud, le Mercredi 21 Avril 2010, 16:44 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
25-04-10 à 09:36

Quelques hypothèses pour un monde sans ailes

Et si les avions restaient cloués au sol une semaine, un mois, un an....
Lire l'article sur Le Courrier International