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Bouvier Nicolas, « Chronique japonaise » (1989)

Parti de Genève en juin 1953 et après un long périple en voiture vers l'Afghanistan (L’usage du monde), puis le Pakistan, l'Inde et un séjour à Ceylan (Le poisson-scorpion), le 20 octobre 1955, Nicolas Bouvier arrive pour la première fois au Japon. A Ceylan, il s’est embarqué sur le MM Cambodge où, pour payer son voyage jusqu’à Yokohama, il a passé « trois jours dans une soute torride sous la grande cuisine » à dégraisser « au tranchoir et au jet de vapeur des turbotières et des lèchefrites de la taille d’un cercueil… ». Il y reste un an, rentre fin 1956, puis y fait un second séjour avec sa femme et ses deux enfants en 1964-1965, et y retournera seul lors d’autres voyages en Asie.

 

Ici, il ne faut pas s’attendre à un classique carnet de voyage. Ce livre est le produit de la réorganisation des 1ère (1967) et 2ème (1975) éditions des écrits que l’auteur avait déjà publiés sur le Japon, un remaniement où on retrouve bien des dates précises, mais où l’ordre chronologique ne prend place que dans un second temps.
Tout d’abord, de retour au Japon en 1964 et « curieux de voir qui du pays ou de lui aura le plus changé », Nicolas Bouvier commence par nous raconter brièvement son exténuante recherche d’un logis à Kyoto. Mais comment parler du Japon à des lecteurs qui n'en connaissent pas l’Histoire ? « La façon dont un peuple s’explique son existence en apprend parfois aussi long que celle dont il la vit. » Alors il se lance, étape indispensable à ses yeux, car il ne suffit pas d’un bref séjour dans ce pays, même avec le meilleur des guides, pour découvrir « l’âme du Japon ». A l’origine du peuple japonais, il n’y a pas « le Verbe » comme pour nous dans la Genèse de la Bible. Eux, ils sont directement « tombés du ciel ». S’en suit un beau récit qui va donc de l’Année zéro à la fin de la Seconde Guerre mondiale.  

Ceci posé, l'auteur peut reprendre ses souvenirs et ses notes personnelles. Bien entendu, le Japon dont il nous parle, entre grands traits et minuties, ne peut pas être celui d’aujourd’hui. Il s’agit encore d’un pays pauvre, lent, silencieux, frugal, antérieur au miracle économique, et qu’il faut chercher à déchiffrer en tenant compte de ces critères : « Nous venons dans ce pays maigre et frugal avec notre métabolisme de glouton. L’Occident est tout entier là-dedans. (…) Celui qui ici n’accepte pas de commencer par faire l’apprentissage du moins est certain de perdre son temps. »

Pour le reste, il vaut mieux que je laisse encore la parole à l’auteur : « Le voyageur est une source continuelle de perplexités. Sa place est partout et nulle part. Il vit d’instants volés, de reflets, de menus présents, d’aubaines et de miettes. Voici ces miettes… » Miettes narratrices qui retracent son premier séjour en 1955-56, celles d’un voyageur-précurseur alors que des étrangers, les Japonais de l’époque connaissaient surtout les GI américains ; miettes de son second séjour avec les contrastes entre l’évolution des villes qui ont déjà emboîté le pas de la modernité et l’immobilisme des campagnes et des provinces éloignées ; mais aussi miettes poétiques qui tombent parfois de son cahier gris.

 

Personnellement, je ne connais ni le Japon ni aucun Japonais. Lacune certaine que j’ai peu de chances de combler un jour, d’autant plus que dans la liste des pays qui m’attirent, il ne figure certainement pas dans les premières places. Cependant, je n’ai pas pu résister à l’envie de lire ce petit bouquin, broché si sobrement qu’on est sûr d’y trouver des trésors, même avant de l’ouvrir. Et je m’en félicite, ne serait-ce que pour le plaisir que j’ai eu à retrouver la fraîcheur de la merveilleuse plume de Nicolas Bouvier, mais aussi pour la sensation qu’il vous laisse et qui modifie l’image actuelle qu’on se fait souvent du Japon. Derrière cette image indissociable d’un monde désormais soumis à la technologie, derrière le vide apparent des comportements qui nous semblent grégaires, on se demande tout à coup si tout cela n’est pas qu’une façade, imposante et bien réelle cela va de soi, mais qui nous cache l’essentiel que les Japonais préfèrent peut-être garder pour eux. J’aimerais tout à coup en savoir plus.

 

Un petit livre dont je conseille la lecture à tout le monde, mais, va savoir pourquoi, peut-être encore plus à celles et ceux qui connaissent bien le Japon.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Mercredi 19 Novembre 2008, 16:32 dans la rubrique "J'ai lu".

Commentaires et Mises à jour :

Absurdus
19-11-08 à 16:37

Oui, très joli livre que j'ai eu un plaisir fou à lire. Et contrairement à beaucoup c'est à travers celui-ci que j'ai découvert Nicolas Bouvier.

 
ImpasseSud
19-11-08 à 16:47

Re:

As-tu lu Le Poisson-scorpion ? Ce sera certainement mon prochain "Nicolas Bouvier". J'aimerais également avoir la possibilité de voir toutes ses photos.
Cette année, à dix ans de sa mort, il y a de nombreuses manifestations-expositions-conférences un peu partout. As-tu eu l'occasion d'en voir quelques-unes ?