J’ai été bouleversée par l’article paru dans Le Monde de samedi : « Survivre au suicide d’un enfant ». D’autant plus que dans la même journée, j’avais entendu parler d’un autre drame familial. Un père avait tué son fils de 19 ans devenu violent, parce que la famille n’en pouvait plus et vu que personne ne les aidait, il fallait bien se protéger. Que penser d’une société qui, sans sourciller ou se remettre en question, laisse mourir ses enfants, de désespoir, de colère, de déception, sans essayer de les aider, d’aider leur famille ? Ou bien est-ce impossible ?
Il y a ceux qui meurent d’un suicide, mais il y a également tout ceux qui meurent de ne pas pouvoir vivre, s’enfermant petit à petit dans une bulle dont les parois sont d’une telle épaisseur, d’une telle opacité que, pour fuir l'insatisfaction qu'ils ressentent, le mal-être qu'ils portent en eux, ne font plus que des choix négatifs, ne se fixent plus que des objectifs impossibles, ont des exigences qui ne tiennent plus compte de la réalité, qui les font glisser vers la catastrophe ou même vers une issue fatale. Et pour la famille proche, la vie s’arrête d'un seul coup. Il ne s’agit plus que de survivre, un jour après l’autre, une heure après l’autre, en regardant, impuissante, celui ou celle qui sous ses yeux coule inexorablement. Les approches, les petites intentions, les concessions, les longues discussions ne provoquent que des litiges, de plus en plus violents, qui finissent par porter tout le monde au mutisme, pour les éviter, puis à l'impossibilité de communiquer. Une lente descente aux enfers familiale à laquelle n’échappe aucun de ses membres. Et les psys, qui pour une fois pourraient avoir une réelle utilité ? Et bien il/elle ne veut pas en entendre parler, même si la famille est d’accord de participer. Et le médecin traitant ? Face à une maladie qu’il ne sait pas soigner, il s’en lave très vite les mains et vous laisse tomber. Le/la faire hospitaliser ? On le souhaite mais on ne peut pas l’imposer. On ne le veut pas toujours non plus, parce qu’on sait qu’on le/la bourrera de neuroleptiques qui en feront une larve, un être encore plus désespéré ou le/la rendront encore plus méchant/te… Il ne reste plus que le combat quotidien, à tâton, dans la solitude et la douleur, car les éclats de voix et les mauvaises nouvelles éloignent parents et amis.
Et puis, un jour, il/elle ne rentre pas, parce qu’il/elle est parti/e vivre ailleurs, portant avec soi son mal-être mais laissant une part de douleur, ou qu’il/elle est mort/te, pas forcément de suicide. Dans mes connaissances, déjà trois cas. Les deux premiers se sont terminés tragiquement. Le troisième est en cours…
« Nous intervenons plus vite et mieux » se gargarise le médecin-chef des pompiers. Oh ! c’est sans doute vrai. Mais avant ? Mais après ?
Mots-clefs : Société
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Dans les cas que j'évoque, il ne s'agit pas vraiment de malades. Disons que ce sont surtout des personnes qui n'arrivent pas accepter, non seulement la compétition, mais surtout le FORMATAGE sans pitité qu'impose la société d'aujourd'hui, malgré tous les aspects bonnasses qu'elle s'est donnés avec un grand nombre de lois et mesures qui auraient pour but de protéger ou d'aider les catégories en difficulté. Dans les faits, au contraire, elle est d'une cruauté implaccable pour tous ceux qui ne correspondent pas exactement à ses critères de "productivité", et elle les rejette sans aucun état d'âme, créant des insatisfactions, des frustrations, des dépressions à la pelle. En fait les taux de dépressions et de suicides n'ont jamais été aussi hauts.
Aujourd'hui, on a oublié que tous les hommes ne sont pas pareils, alors que la société d'hier, plus tolérante, leur laissait un certain espace sans leur demander de comptes. S'ils finissaient par y trouver leur place je pense que c'est parce qu'on faisait plus confiance à la capacité de bonté spontanée des gens qu'on n'avait pas encore coincés entre interdictions et obligations. En fait, plus on s'éloigne de notre type actuel de civilisation, plus ces problèmes diminuent, voire disparaissent complètement.
Dans les cas que j'évoque, en fait, la famille ne demandait/de pas forcément que les psys ou la médecine prennent obligatoirement le relais. Ils voulaient/voudraient parfois simplement trouver autour d'eux un peu moins de discrimination de fait. Et cela, dans la société d'ajourd'hui, est-ce encore possible ?
Re: Re:
D'hier, alors. Parce qu'avant-hier, les "déviants", ils finissaient au monastère ou au bûcher.
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Castor, qui parle de déviants ? Ici, par exemple, s'agissait-il de déviance ? Y a-t-il de quoi plaisanter ?
Hier, c'est tout bonnement quand tu étais petit. Il est peut-être difficile pour toi de comprendre de quoi je parle si tu n'as aucun point de repère personnel, mais il y a trente ans encore, tu pouvais trouver un emploi, faire ta vie, faire ton trou sans avoir plus de diplômes que cela ni un CV de dix pages. Les employeurs se moquaient éperdument de ce que pouvaient être tes passe-temps, tes goûts personnels, ou que sais-je encore... Tout ce qu'on te demandait, c'était d'être compétent dans ton travail et de remplir correctement et même avec esprit d'initiative (un très très très vieux concept!) la fonction pour laquelle on t'avait engagé. Ensuite, en dehors de ton boulot, ta vie t'appartenait et tu en faisais ce que tu voulais.
La vie n'était donc pas une sélection effrénée qui commence à l'école maternelle ou primaire par la façon de s'habiller, les objets de consommation qu'il faut posséder, et continue avec le collège, les activités extra-scolaires qu'il faut obligatoirement pratiquer, le lycée qu'il faut surtout bien choisir, des études qu'il faut absolument continuer, la grande école dans laquelle il faut entrer, le groupe où il faut s'intégrer, la profession vers laquelle il faut s'orienter, etc... En somme des tas de choses qui, quand tu es jeune, peuvent ne pas te plaire, ne pas correspondre à tes aspirations, t'empêchent même de respirer, d'avoir un peu de temps rien qu'à toi, et pourtant auxquelles aujourd'hui on t'oblige à te conformer. Pour t'amener à quoi ? A une vie où on doute de tes capacités personnelles, qui ne ressemble à rien de ce dont tu rêves, à des distractions forcées qui t'ennuient, à des jugements sur ta personne ? Tu te sens alors comme un poisson hors de l'eau, et tu commences à te demander pourquoi tu devrais vivre cette vie-là.
Aujourd'hui, il y a tant de jeunes qui aspirent à autre chose qu'à une vie formatée. Il y a ceux qui arrivent à faire la part des choses, mais il y a ceux qui n'y arrivent pas. Ont-ils obligatoirement tort ? Hier, ils trouvaient un monde à leur mesure, à la mesure de leurs particularités et de leur difficultés, mais surtout à la mesure de leurs goûts!!! Il y a des tas de métiers où aucune « formation », aucun « diplôme » ne sont nécessaires. On peut apprendre sur le tas et bien plus vite, mais aujourd'hui, on ne te le permet plus.
Une société où les jeunes pensent au suicide est sans aucun doute une société malade qui devrait commencer à se poser des questions fondamentales.
Re: Re: Re: Re:
Alice, le terme de "déviants" utilisé par Castor a introduit une particularité qui n'a vraiment rien à voir ici. Dans les cas évoqués dans Le Monde et les cas que moi-même je connais, (et de ces derniers je suis certaine), la tendance sexuelle des personnes concernées n'entre absolument pas en ligne de compte. Même si je suis d'accord avec ce que tu écris, il me semble que cet énorme problème de suicide ou d'absence d'envie de vivre dépasse de beaucoup les questions de sexualité.
Si cela t'intéresse, il y a quelques mois, j'ai écrit ici un billet à propos des débats actuels sur l'homosexualité qui a été suivi par une belle discussion. :-)
Re: Re: Re: Re:
Re: Re: Re: Re:
Bon, faut rajouter un (mode cynique on/off) aussi. Du coup j'ai l'impression d'écrire en kit.
> Hier, c'est tout bonnement quand tu étais petit.
Oui, mais on a pas le même âge. Et cela fait des différences: Il y a trente ans, c'est trop loin pour que je puisse m'en souvenir.
Et les trucs comme le chômage, la sélection dans le système scolaire existaient déjà. (pour le chômage, je veux bien croire que c'était mieux pendant les trente glorieuses, mais le système scolaire compétitif, j'en doute fort)
Re: Re: Re: Re: Re:
Je dois avouer que ton premier commentaire m'a choquée. Y a-t-il besoin d'un mode on/off pour comprendre quel est le ton d'un billet ?
En ce qui concerne le chômage : s'il est vrai que le progrès technologique n'a pas cessé de supprimer des emplois au cours des siècle, je pense qu'il ne faudrait quand même pas oublier la goinfrerie du néolibéralisme qui ne veut plus payer personne alors qu'il y a des carences énormes de personnel dans de nombreux secteurs. Il ne s'agit donc pas d'une fatalité, mais d'un choix politique.
Le système scolaire des trente glorieuses n'était absolument pas ce qu'on raconte aujourd'hui. Il ne devenait compétitif qu'au niveau des grandes écoles. Ensuite, il n'existait aucune sélection à l'entrée à la fac. Imposer des sélections pour faire de la place ou pour tricher avec les chiffres du chômage à un âge où ne sait pas encore bien où on en est est parfaitement ignoble. Pour faire de la place, il suffit de ne pas imposer des études supérieures là où elles ne sont pas nécessaires. C'est comme ça que ma petite voisine du dessous a fini, après une petite dépression, par s'inscrire en droit alors qu'elle rêvait depuis toujours de faire médecine et avait sans doute toutes les qualités pour devenir un excellent médecin ! ... laissant sa place à un matheux qui ne verra peut-être ses patients que comme des numéros ou des maladies.
A part cela, il est vrai que vu notre différence d'âge, nous ne pouvons pas avoir la même optique. Moi, j'ai réagi en tant que parent, mais toi, quelle opinion as-tu de cette augmentation des dépressions et des suicides ?
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Ce qui rend notre société si dure en France , c'est ce marché du travail complétement déséquilibré qui fait que les employeurs écrement les "meilleurs" et laissent les plus fragiles sur le carreau. Comment ne le feraient-ils pas, ils ont le choix ! Dans les années 70 les employeurs cherchaient les salariés, c'était à eux de faire les beaux. C'était le salarié qui changeait de partron quand ça n'allait pas.
A mon avis, une des dimensions du problème tient à l'incroyable égoïsme des baby boomers, qui se sont installés dans la vie avant la crise et qui ne comprennent pas qu'il faut réformer d'urgence le droit du travail pour fluidifier ce marché. Pour certain d'entre eux le chomage est un problème de flemmards, puisse que eux, quand ils voulaient travailler il suffisait qu'il le veuille. Beaucoup des décideurs que je connais ont 55-60 ans et ont passé leur temps ces dernières années a se vérrouiller sur leur chaise. Quel age ont la plupart des politiques en France, les leaders syndicalistes, les patrons ?
Non ni le modernisme, ni le libéralisme, ne sont à la source de ce problème. Depuis des années, nous voulons croire que les belles années reviendront. Elle ne reviendrons pas si nous ne nous adaptons pas aux réalités. Et ceux qui payent cette attente sont les plus faibles.
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Nous voilà donc un peu hors sujet, car s'il est vrai qu'une perspective assez fermée n'a rien pour remonter le moral des chercheurs d'un premier emploi, le drame dont je parle ici commence bien plus tôt, et la configuration actuelle d'une recherche d'emploi et les possibilités de succès, plus que de toucher les plus faibles, a au contraire l'art de déprimer une bonne partie de la population, des gens qui jusque-là n'avaient jamais eu aucun mal à affronter la vie, pensant qu'il suffisait de se retrousser les manches et de s'y mettre avec courage.
A mon avis, la requête de fluidité ("flexibilité" est tellement plus exact) est un énorme leurre, une tromperie sans fond. Si j'en suis aussi convaincue, c'est parce que j'habite une région où la fameuse "fluidité" a toujours existé. Elle était même tellement omniprésente qu'elle a débouché... sur l'émigration. La "fluidité", c'est non seulement l'insécurité, mais c'est l'impossibilité de se construire une vie. Un mois tu travailles ici, le lendemain tu travailles là, le troisième tu perds ton contrat et il faut que tu recommences ta recherche. Sans compter que tu découvriras vite que tes études et les formations supplémentaires que tu as faites n'ont aucun poids dans la balance car il faut que tu te montres "flexible". Tu ouvres un boîte, mais tu es obligé de la fermer au bout d'un an, car en période de crise les gens limitent leurs dépenses, s'arrangent avec ce qu'ils ont déjà. Tu ne peux plus faire aucun projet à long terme, ni pour toi-même, ni pour ta famille, ni pour ton logement, ni obtenir un prêt, etc. Oh!, bien sûr, personne ne t'empêche d'avoir une compagne ou un compagnon ou de te marier, mais chacun devra probablement continuer à vivre de son côté. Et avoir des enfants dans ces conditions ? On se convainc très vite qu'il vaut mieux remettre à plus tard. Est-ce à cette vie-là qu'il faut aspirer ?
Ici les gens ont toujours pu compter et peuvent encore compter sur le soutien de la famille au sens large, mais ils ont quand même vite compris que la meilleure solution, c'est de trouver un emploi comme fonctionnaire. Un excès contraire et un bel encouragement au clientélisme et à la mafia! En France, il y a quelques années encore, à formation égale, la majorité des jeunes fuyait l'enseignement. Pourquoi donc, aujourd'hui, fait-on la queue au portillon ? Par surplus de vocations alors que l'exercice de cette profession est bien plus difficile qu'avant ?
Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui, et les nantis de leur espèce, raisonnent de deux façons. D'une part, ils font tout pour augmenter les gains ou diminuer les frais (baisse des impôts) des plus riches, mais comme si cela ne leur suffisait pas, ils s'acharnent contre toutes les barrières protectices et la structure sociale existante dont ils ont juré d'avoir la peau avant de laisser leur place à d'autres nantis plus jeunes mais tout aussi féroces, qui croient que de bonnes études leur donnent tous les droits. C'est exactement ce qui se passe en France et en Italie, mais ce n'est absolument pas ce qui se passe au Danemark, en Suède et en Norvège où le chômage est inférieur au nôtre et où les gouvernements (de droite ou de gauche) défendent la structure publique avec acharnement, cherchant même à l'améliorer, en tant que bien essentiel à "tous" les citoyens, et, si nécessaire augmentent les impôts des plus riches qui ne finissent pas sur la paille pour autant. Quant aux syndicats français ou italiens, ils sont sans doute maladroits, pas assez proches de ceux qui sont réellement dans le besoin, mais en attendant ils représentent l'ultime barrière sur la route dévastante du néolibéralisme. Comment se fait-il que les gens ne le comprennent pas ?
La "flexibilité" telle qu'on l'entend aujourd'hui devient vite une errance, et c'est exactement le contraire de ce à quoi aspirent tous les êtres humains, quels qu'ils soient.
Et, pour en revenir au sujet de mon billet, imaginez un peu si, dans ces conditions, on a le temps et l'envie de s'occuper des drames familiaux, si on a envie d'aller à la recherche de leurs origines, de leurs causes profondes, même s'ils sont en augmentation. C'est sans doute la raison pour laquelle tout le monde pense, comme le souligne si bien Florence, qu'après tout, "ils n'ont qu'à tenir le coup!"... Mais le jour où ça leur arrive ?
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Ta conclusion me prend un peu au dépourvu. S'il existait une réponse toute faite, un grand nombre de personnes l'auraient déjà trouvé. En attendant, ce dont il faut se méfier, c'est des fausses réponses. Et le néolibéralisme en est une, cela ne fait aucun doute. Je crois qu'il y a des choses à changer car la société évolue, mais je ne vois pas pourquoi on devrait rejeter en bloc ou même démanteler partiellement un système qui a donné ses preuves, et de bonnes preuves. Il suffirait de commencer par corriger les dérapages.
Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi on doit suivre le modèle américain où 47 millions de personnes sont sans aucune couverture sociale, alors qu'on peut très bien regarder du côté des pays scandinaves dont l'avant-garde, le bon sens et le respect des populations ne font aucun doute.
Ce que je ne comprends pas non plus, c'est le fatalisme de la classe moyenne française (ici je ne parlerai pas de la classe moyenne italienne car elle est assez différente), qui est prête à adopter et même défendre les théories d'un néolibéralisme violent qui lui est profondément néfaste, plutôt que de se «commettre» avec une gauche, en bien mauvais état certes, mais à qui elle pourrait redonner une cohésion, un élan, à laquelle elle pourrait imprimer des corrections, de nouvelles orientations.
Ce que je ne comprends pas, c'est au nom de quoi, exactement, on devrait accepter une flexibilité qui non seulement ne fait absolument pas repartir l'économie, mais en plus réduit ceux qui l'acceptent à un état proche de l'esclage. (Cet article paru dans Le Monde vaut vraiment la peine d'être lu).
Ce que je ne comprends pas, c'est que personne n'avertisse ou ne réagisse face à cette attitude du «chacun pour soi», conséquence immédiate du néolibéralisme, et dont mon billet n'est qu'une très maigre illustration.
Tous les progrès sociaux, et par suite l'amélioration de la qualité de la vie des masses, se sont toujours faits à partir de l'altruisme, d'un but poursuivi «ensemble».... jamais à partir de l'égoïsme ou de l'individualisme forcené.
Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re:
Je ne sais pas. Mais nous sommes d'accord sur un point : le modèle français agonise.
Tant qu'à l'épouvantail néo-libéral, il a bon dos. La complexité ubuesque du système fiscal, l'impossibilité de fait pour un artisan d'embaucher un collaborateur, les 30 lignes de retenues sur salaire, avec autant taux et de plafonds incompréhensibles, c'est du français tout pur.
Et surtout la protection exagérée des fonctionnaires et des salariés des grands groupes, qui provoque la multiplication des postes précaires autour (presatataires, interimaires, stagiaires, free lance).
Débarqué d'une entreprise moyenne par un plan social, je suis independant, un peu forcé par les événements. (A 45 ans, plus question de trouver un CDI) Le moins que l'on puisse dire est que l'initiative individuelle n'est pas encouragée. J'ai l'administration contre moi, par pour. Je suis surveillé car susceptible d'être un tricheur, ce qui est vraiment désagréable.
Au Danemark le licenciement est quasi libre. L'état l'a accepté comme un mal nécessaire et pourvoit à une bonne assurance chomage. Chomage qui a repris sa taille normale la-bas.
Dirigée par des vieillards égoïstes et déconnectés de la réalité, la France ne se réforme pas.
Chirac face au jeunes restera pour moi le symbole de cette gravissime déconnexion.
Re: Re:
J'arrive un peu tard pour te répondre ImpasseSud.
100% d'accord avec toi concernant "le formatage sans pitié". Il faut être "dans le moule" pour exister, "être conforme" et "employable". Mais je crois que les états dépressifs qui poussent au suicide sont un peu l'arbre qui cache la forêt ... d'un grand nombre de malaises, de maladies et de "mal-être" plus ou moins identifiables ... le relais médical OU extérieur est souvent très précieux !
Re: Re: Re:
Florence : .... à condition de l'accepter. C'est souvent le "second" gros problème.
Coldbear : en Italie, cela ne va pas mieux, mais il est vrai que vu de l'extérieur, on a l'impression que la France a quelque chose de statique et d'hermétique dont les Français ne semblent même pas avoir conscience.
Re: Re: Re: Re: Re: Re:
Et tu m'as bien rendu la pareille en exhumant l'un des rares articles sérieux de mon joueb.
C'est bien le problème de la communication sur Internet: On a beau être de vieux routards, on s'y laisse encore prendre.
Pour les problèmes de société, je pense que ce n'est pas le système qui s'est perverti au cours du temps, mais la conjoncture qui a changé, et du coup le système est moins adapté. Je pourrais développer, mais on sortirait du sujet.
Sur le fond du problème: Le mal-être des ados, je voudrais d'abord rappeler que nous parlons ici de ce que l'on en perçoit. Je ne suis pas sûr qu'hier, on n'aurait pas pudiquement classé les suicides en accidents, et que les familles n'auraient pas caché ce qu'elles savaient.
Maintenant, si tu veux mon avis, il faut regarder du côté des heures supplémentaires et de l'allongement de la durée des transports. Les parents ne disposent pas du temps qui leur serait nécessaire pour s'occuper de leurs enfants.
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Il est fort possible qu'avant on ait eu tendance à maquiller les suicides en accident, ne serait-ce que pour le simple fait qu'une personne qui se suicidait ne pouvait pas être enterrée à l'église, mais quand cela se passe dans ton entourrage, tu sais quand même plus ou moins ce qu'il en est.
Chercher du côté du manque de disponibilité des parents faute de temps ? Cela est fort possible. Par contre, cela ne reflète en rien les trois cas que je connais personnellement où le mal-être est né assez tôt car notre société met en marge ceux qui n'ont pas envie de se plier à une vie standardisée. Je crois que trop vouloir s'occuper des jeunes, trop vouloir les orienter, est une façon de les suffoquer. Certains s'adaptent, d'autres trouvent toutes sortes d'échappatoires, et puis il y a ceux qui ne le supportent pas.
Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re:
Dans ton entourage proche, et à condition de ne pas être un enfant au moment des faits (ou alors, tu ne l'apprends que vingt ans plus tard, au hasard d'une conversation)
> cela ne reflète en rien les trois cas que je connais personnellement
Hé, je n'ai pas dit que tous les suicides avaient la même cause! Il y a plein de raisons de se sentir mal, entre la sexualité, l'intégration à un groupe, la mésentente des parents, les notes...
> Je crois que trop vouloir s'occuper des jeunes, [...] est une façon de les suffoquer.
S'occuper des jeunes, cela ne veut pas dire décider à leur place, ou leur acheter ce qu'ils veulent, non plus.
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>S'occuper des jeunes, cela ne veut pas dire décider à leur place, ou leur acheter ce qu'ils veulent, non plus.
C'est pourtant ce qu'on fait, et bien plus qu'avant.
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Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re:
Bien sûr! Pourquoi crois-tu que je m'y accroche alors même qu'elle ne génère plus que des pollachius pollachius?
> Qu'en dirais-tu de continuer quand toi-même tu auras des enfants. ;-)
Je te préviens, si tu me demandes mon livret de famille pour pouvoir parler d'enfants, je vais te demander ton diplôme de L'ENSAI chque fois que tu publieras une statistique, et un certificat de bêtise chaque fois que tu parleras de la connerie humaine. :)
Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re:
J'ai attendu 5 jours pour te répondre, en espérant que ma colère allait passer. Mai non, elle ne passe pas!
Mettre sur le même plan les drames, les difficultés et les multiples facettes des rapports humains ... et des statistiques ! Les discussions sérieuses te feraient-elles peur ? Pourquoi te sens-tu obligé d'intervenir sur un sujet dont il est clair que tu n'as pas la moindre idée ? En tout cas, merci d'avoir gâché celle-ci, qui me tenait particulièrement à coeur et où j'espérais attirer des personnes qui avaient vécu ces drames de près ou de loin.
La douleur, l'amertume, la solitude, les constatations d'impuissance et d'inadéquation des réponses de la société, l'incapacité de nombreux psys, le manque de disponibilité d'une partie des médecins, les jugements hatifs qui vous enfoncent encore plus, toutes choses évoquées par la mère de Solène (la femme qui parle dans l'article du Monde), importent-ils vraiment à quelqu'un aujourd'hui? Jusqu'au moment où cela vous arrive ou touche quelqu'un qui vous est proche ! Dans le cas présent, je suis fière de n'avoir aucun sens de l'humour!
"Je suis parti voir si le paradis existe. Si c'est bien, je te ferai signe"
je ne sais pas Impasse, si les enfants ont plus envie de mourir aujourd'hui mais ce que je sais que bien souvent, ils n'ont plus assez envie de vivre.
Le monde doit être bien angoissant pour avoir ce sentiment.
C'est un constat, le suicide chez les jeunes augmente et les réponses ne sans doute pas à la hauteur des espérances de ces jeunes gens.
C'est la première fois que je me suis mise dans une folle colère contre R il m'a confié qu'il était triste et qu'il se sentait submergé par qq chose de triste, qu'il n'avait pas envie d'aller au collège.
Je ne veux pas, je ne permets pas qu'il soit triste, je me suis sentie si désemparée, la seule réponse que j'ai trouvé, c'est la colère! C'est obligatoire la vie, lui ai-je dit.........c'est ridicule!
On ne connait pas ses enfants, on les voit, on parle, on rit , on les protège, on fait son possible mais le fait qu'il veuille un jour s'en aller, on ne le connait pas, on ne veut pas le connaitre.
Re:
Il est vrai que tous les ados traversent des périodes de tristesse presque physiologiques, et face à ces moments-là, on est déjà bien désorienté. Mais ceci n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est l'ennui qui aujourd'hui assaille les adolescents (et même les plus grands) dans le parcours obligatoire, trop balisé, trop contrôlé, trop prédisposant, trop standardisé, trop riche (ou trop pauvre), trop conditionnant, trop opprimant que la société leur impose désormais, et dont ils ne peuvent se débarrasser qu'en se mettant en marge d'une façon ou d'une autre, mais en courant des risques bien plus gros qu'avant.
Et, dans la majorité des cas, l'école s'étant complètement déchargée sur les parents, ceux-ci se retrouvent à devoir affronter "seuls" des situations qu'ils comprennent mal, au-dessus de leurs forces, voyageant à tâton d'une solution à l'autre.
Moi, je ne trouve rien de surprenant à ta colère. Les colères d'impuisance, combien de fois cela m'est-il arrivé!. Quand je repense à l'adolescence des miens qui s'est passée sans trop de difficultés mais qui s'ennuyaient déjà à l'école (l'école est devenue ennuyeuse depuis qu'on a la manie de tout transformer en jeux), j'ai l'impression d'avoir vécu cette période comme dans un couloir sans fenêtres.
Et puis, dans la société d'aujourd'hui il y a de plus en plus de jeunes dont l'adolescence n'en finit pas, qui ne décollent jamais ou qui rentrent chez leurs parents parce qu'ils ne savent pas affronter la vie...
Re: Re:
Je voulais simplement ajouter que la tristesse qu'éprouvent les adolescents d'aujourd'hui vient sans doute qu'ils se sentent perdus dans un monde où ils n'ont plus rien à désirer.
Les biens matériels, les distractions, les vacances, l'argent facile, ils en sont gavés, même dans les familles où on essaie d'agir avec discernement, sans toutefois avoir la moindre notion des privilèges financiers dont ils jouissent et sans qu'ils aient jamais l'occasion d'éprouver le moindre sentiment, ô combien éducateur, de gratification.
Du côté ambition, la vie actuelle et les discussions qu'ils entendent autour d'eux, entre chômage, précarité, exploitation, harcèlement, licenciement, flexibilité, etc.. leur ôtent pas mal d'illusion à un âge où, au contraire, ils devraient croire dans un avenir non seulement possible mais meilleur.
Pour finir du côté famille, je ne crois pas qu'une société où on cultive un individualisme féroce, où on se dispute sans arrêt, on se sépare, on piétine sans scrupules les règles élémentaires de respect et les sentiments des autres en se gargarisant du progrès que représente "la splendide et enrichissante acquisition des familles élargies" ou du "tout-les-droits" puisse, même si cela ne se passe pas directement chez eux, leur donner l'envie de construire, de fonder quelque chose de stable, de prendre des engagements sérieux avec tout ce que cela implique.
Il en ressort une génération qui oscille entre indifférence, cynisme et désespoir, versant dans une tendance plutôt que dans l'autre selon les degrés de sensibilité ou de fragilité.
Je me sens très impuissante face à ces tendances d'ultra-compétitivité qui sont bien plus dure à présent qu'il y a 30 ans, même si elles existaient déjà (l'énorme différence était qu'elles existaient pour qui voulait bien, et qu'il y avait moyen de s'en sortir raisonnablement par ailleurs, alors qu'aujourd'hui qui n'est pas hyper-performant, et encore selon des critères fort contestables (comme ceux de meilleur vendeur) se fait éjecter).
Mais la discussion ici est intéressante, je crois que ça ne peut pas faire de mal d'en parler et de confronter et complèter les points de vue.
Il me semble que la baisse du chômage n'est pas une fin en soi, si en travaillant péniblement on ne parvient même pas à joindre les deux bouts.
Je crois aussi que nos sociétés sont d'énormes machines à gâcher aptitudes et talents, l'exemple de la jeune femme qui aurait voulu devenir soignante en est un bel exemple. Je n'ai rien contre les bons en maths puisque j'en fus, mais effectivement cette aptitude-là n'est absolument pas gage d'une quelconque qualité pour soulager son prochain de ses maux. Tout me paraît extrêmement verrouillé et lourd.
Re:
Gilda, merci pour cet avis. Nos points de vue se rejoignent. Pour ma part, je suis contente que mes enfants soient déjà grands car je me sens souvent désarmée entre les adolescents d'aujourd'hui et les prétentions désaxées et démesurées de la société. Non seulement ils doivent se mesurer à l'ultra-compétitivité, mais trop souvent leurs efforts ne sont pas payés de retour. On a presque l'impression qu'il ne s'agit pas d'une autre génération, mais plutôt d'un autre monde.
Je crois que ton billet soulève en partie un problème grave de notre société : la folie y est le dernier tabou.
J'ai eu l'occasion de "connaître" l'univers des HP services psychiatriques car j'avais un ami qui s'enfonçait petit à petit dans le délire paranoïaque (l'horreur) et j'ai constaté que les services psy sont vraiment les oubliés de tout et de tous. On met en avant la cardiologie, les services de pointe aux technologies très avancées mais les soins psy sont NULS et ARCHI NULS. On vit dans un monde très dur, très compétitif et ceux qui flanchent n'avaient qu'à tenir le coup.(en gros, c'est ça). Mais personne ne peut TOUT prendre en charge et "accompagner" quelqu'un dans ses souffrances ou délires et quand on attend que le médical et des psys prennent le relais, c'est très souvent décevant. (du moins en milieu hospitalier). Reste une immense solitude et le suicide dans les pires cas. Triste réalité.