A propos de la campagne en cours, bon nombre des articles qu'on peut lire ici et là a quelque chose de déroutant. Les pires, ce sont ceux dont les auteurs sont assez correctement informés, mais qui, sur un ton qui se veut neutre, extrêmement détaché, presque blasé, dissèquent l’Union Européenne en ne s’arrêtant, comme par hasard, que sur ses imperfections ou les lenteurs de ses rouages, bien réelles hélas. Mais vu qu'en général on ne parle de politique que si on s'y intéresse, et qu'on s'y intéresse parce qu'on a choisi son bord, je me demande si tous ces éditorialistes du moment ont peur de passer pour des naïfs en affichant le leur, ou s'il s'agit d'un petit jeu dont le but caché est de décourager les électeurs de se rendre aux urnes. Car cet air de ne pas y toucher n'a rien d'inoffensif en cette période de crise stressante : ces articles désabusés fournissent l’excuse qu’attendent les indécis, ceux qui ne savent ni s’ils iront voter ni pour qui ils pourraient bien voter : « Laissons tomber, c'est pas la peine », finiront-ils pas soupirer. Si, au lieu de cela, ces mêmes personnes qui désirent passer pour des experts s’arrêtaient sur les travaux du Parlement européen, sur toutes les questions dont il s’occupe, sur le vaste éventail en cours qui sera repris dès la première session de la prochaine législature, peut-être que son rôle commencerait à se concrétiser dans l'esprit de chaque électeur, peut-être que ce dernier commencerait à comprendre que tout ce dont on y débat finit tôt ou tard par le toucher individuellement. Dans Le Monde du 29 mai, j'ai lu un article qui en est la démonstration…
…. et qui m'a bien irritée. Non pas à cause du phénomène de l’économie non déclarée qu’il met à nu ou de l’esclavagisme qui règne dans l’agriculture (comme dans le bâtiment), mais par le fait qu'on les présente comme une nouveauté. Hélas, il s’agit là d’une pratique très européenne, très bien tolérée par nos gouvernements libéralistes, et que toutes les associations qui s’occupent d’immigration dénoncent depuis des années. Ici on parle de la récolte des fraises et des asperges en Alsace, mais imagine-t-on les horreurs, la douleur et parfois le sang qui se cachent sous les oranges et les tomates italiennes (1 à voir, 2 en fr. + it., 3 en it. mais repris dans ce livre) ? Comment se fait-il que la CGT ait mis si longtemps à s'en émouvoir ?! Et les autres syndicats, pourquoi continuent-ils à se taire ?
Cela met une fois de plus en évidence les cloisonnements qui, dans l’esprit des gens, existent à propos de l’UE. Les avantages de l'espace Schengen pour le tourisme et les douanes, oui ! L’équivalence des diplômes, les programmes universitaires, Erasmus et autres, oui ! Les facilités commerciales et bancaires, oui ! Les échanges d’élites, oui ! Le climat et l'environnement, un peu oui un peu non. Mais dès qu’on aborde les domaines plus difficiles, ceux de l'emploi, du phénomène migratoire, de la crise économique, alors chacun fait la sourde oreille. Et si un problème a le « culot » de faire tache d’huile et d’arriver à notre porte, alors on se scandalise et on va jusqu’à accuser l'UE de nous avoir enfoncés, le Parlement européen de ne servir à rien. Mais l'UE, c'est nous, à travers les majorités que nous portons au pouvoir dans chacun des Etats-membres ! Le Parlement européen, c'est nous qui l'élisons !
Dans le cas d'abus illustré dans l'article, deux commissions parlementaires s’en occupent déjà. En janvier dernier, elles ont adopté un projet de directive « sanctions » qui sera soumis au vote du Parlement à la prochaine session, en automne.
Cette directive, moi, je la trouve encore trop gentille, mais c'est déjà un premier pas (à condition qu'elle passe). Mais là n’est pas la question. Ce qui compte à la veille de ces élections, c’est de prendre conscience que la neutralité n’existe pas, que le protectionnisme mental est une illusion, et que l’indifférence profite toujours à l’adversaire. Que nous le voulions ou non, nous sommes citoyens de l’UE, un grand ensemble qui régit déjà une bonne partie de nos vies, comme expliqué ici. Même s'il y a des dérives, même si elle n'est pas exactement comme nous la voudrions, même si elle nous déçoit de temps en temps, elle ne va pas disparaître du jour au lendemain. Il est donc important d’aller donner son avis, d'essayer d'envoyer au Parlement des députés qui l'améliorent. Car l'abstention, plus qu'un signe de refus, est avant tout un blanc-seing qu'on paie souvent très cher, parce qu'il vous revient modelé par les partis les plus incisifs qui finissent par occuper toute la place (comme ceux des droites ultra-libéralistes et xénophobes en ce moment), et par fausser la balance des priorités et des décisions.
Qu'on le dise, qu'on le répète, il faut aller voter ! Sinon à quoi cela sert-il d'avoir tous passé au moins huit ans sur les bancs de l'école, d'avoir hérité du droit de vote pour tous, de la Révolution française puis de la Déclaration des Droits de l'Homme ?
P.S. A consulter :
- Parlement européen : Les enjeux de la période 2009-2014
- Parlorama.eu : un site qui note les parlementaires sortant
Mots-clefs : Union européenne, Italie, France, Immigration, L'Aquila
Commentaires et Mises à jour :
le lavage de cerveau
En Italie, je pense que les gens iront voter, non pas parce que l'UE les intéresse vu que les médias ne la présentent que comme une empêcheuse de tourner en rond, et la Ligue du Nord comme quelque chose dont on pourrait carrément se passer. Alors sauf pour la part exiguë des électeurs que représentent la vraie gauche, les Verts et les radicaux qui ont des programmes sérieux, pour le reste il s'agira surtout d'un test de popularité pour ou contre Berlusconi.
Ici où l'empire médiatique et celui de la publicité sont non seulement concentrés dans ses mains mais où tous ceux qui ont un quelconque rapport avec se bousculent pour lui complaire, le lavage de cerveau va bien au-delà des JT. Il est continu. A tel point que les trois-quarts des gens sont désormais incapables d'une pensée autonome.
P.S. du 04.06.2009 J'ai oublié de préciser que si les Italiens vont voter, c'est aussi parce que dans de nombreuses communes et provinces, on a couplé ces élections avec les élections administratives.
l'Europe
Il était convaincu, je crois, mais il n'a pas l'âge de voter, ce sera pour la prochaine fois.
Je n'arrive vraiment pas à m'expliquer cette indifférence, il faut dire que quand tu regardes les journaux télévisés, il y a de quoi bailler, je me demande si les journalistes connaissent le sujet??