Tirer de l’eau, c’est plus ou moins ce à quoi j’occupe une partie de mes journées depuis une semaine. Nous sommes sans eau… ou presque. Elle ne réapparaît que durant quelques heures, dans la soirée. Alors aux moindres gargouillis, je bondis et commence ma danse de Saint-Guy : je recueille, remplis, réserve, transvase, verse, récupère, économise, transporte, conserve dans des bouteilles, carafes, seaux, bidons, cuvettes, casseroles, lavabos, bidet et récipients en tous genres. J’ai même retrouvé le geste ancestral de la main en coquille pour rincer sans gâcher, et c’est presque avec désespoir que je laisse s’échapper la première eau, boueuse, qui nous vaudra ensuite, avec son bagage de tuyaux bouchés ou de robinets qui ne ferment plus, la visite du plombier.
Aujourd’hui, c’est à cause des travaux, mais demain, comme hier, il s’agira d’une rupture, d’une dispersion, d’une grosse pluie, d’un glissement de terrain, d’un détournement ou, dans certaines communes, d’une gestion malhonnête, etc…, plusieurs fois par an ou toute l’année.
On ne connaît réellement la valeur de l’eau, non pas le jour où elle manque au robinet, mais seulement quand on commence à vivre avec la hantise secrète mais permanente du robinet, de la fontaine ou du puits soudain à sec, comme le raconte si bien Camillerii ici.
Entre mer et maquis, mais aussi sur tout le pourtour de
(Image (cliquer pour agrandir) : Paul Signac, Femmes au puits (1892)
Mots-clefs : Planète Terre, Italie, Eau, Société, Méditerranée
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Tu as un avant goût de l'article que tu avais écrit sur The Sun Of The Web intitulé "A quand la guerre pour l'eau". http://pierredesiles.joueb.com/news/8.shtml écrit par ImpasseSud.
On a tellement pris l'habitude d'ouvrir un robinet comme une source sans fin, nous les citadins, que le manque est une petite fin du monde en soi...
Ici, sur mon île tropicale, ce sont les ravines qui sont encombrées par des affaissements de falaises et ces alluvions sont emportés par les pluies cycloniques, qui à leur tour obstruent ou cassent les prises d'eaux de captages servant à remplir les réservoirs d'eau des villes etc...
J'étais lassé de la pluie à Paris pendant toute ma jeunesse, mais à la Réunion, chaque pluie est une bénédiction. Cette année, il y a une sécheresse anormale sur la côte ouest, avec des température élevée. J'enregistre des maxi entre 33° et 36° sous la véranda. J'ai heureusement installé des gouttes à gouttes un peu partout sur mon térrain pour les plantes. Le gazon par endroit est transformé en paille. Les endroits où il pleut sur l'île, sont interdits de stockage d'eau, pour éviter les "pondoirs" à moustiques...et le retour du CHIK (15 cas par semaine en ce moment)
Mais je crois que tu es plus à plaindre que moi, car tu as de l'eau par intermittence. Je souhaite que cela soit vite rétablit.
J'ai relu ton article sur Andrea Camilleri, merci de nous l'avoir fait revivre!
Re:
Nous aussi, l'été dernier, nous avons eu un été plus chaud que la normale, ce qui a eu pour conséquence de faire disparaître tous les moustiques, et je pense qu'on a bien raison d'interdire le stockage d'eau sur ton île. L'herbe jaunit peut-être, mais il vaut mieux cela que de se faire piquer et tu en sais quelque chose,Pierre. Chez moi aussi, l'été tout est sec, mais tout reverdit à la première pluie, en 24-48 heures. C'est parfois réellement surprenant.
Pour en revenir à mes problèmes d'eau, mais aussi à ceux d'une bonne partie de l'Italie : dans la plupart des cas, l'Italie étant couverte de montagne, il ne s'agit pas d'un manque d'eau, mais surtout d'une mauvaise gestion, d'une mauvaise maintenance, de projets de construction faits sans critères et de malhonnêté mafieuse. Cela est souvent le sujet de dénonciations, débats télévisés et émissions d'information, tous inutiles à ce qu'il semble. Quand je suis arrivée ici, il n'y avait pratiquement jamais de "pannes" d'eau. Puis on a fait des travaux pour enterrer la voie ferrée qui longe la mer. Cela a été la cause d'infiltrations, et notre eau est devenue plus ou moins salée suivant les quartiers, de toute façon imbuvable (sans parler du reste), ce qui implique l'achat d'eau minérale (qu'il faut transporter et qui finit par coûter cher) ou la course au remplissage vers les fontaines publiques dont les sources sont en amont (système un peu douteux à mon avis, et qu'il faut égalment transporter), sans parler de l'entartrage ou de la rupture plus fréquente des conduites et tuyaux. Depuis le mois de septembre, le dessalage des eaux est entré en fonction et dessert certains quartiers (dont le miens), mais la pression avait diminué. Si bien qu'on a entrepris des travaux etc.....
Dans l'ensemble, à cela il faut ajouter une dispersion de l'ordre de 30 % et les infiltrations de terre, les affaissements de terrains là où on tire trop d'eau "minérale", les détournements et privatisations abusives, l'eau boueuse ou rouillée, etc. Hier, je suis tombée sur une info que je ne suis pas en mesure de garantir à 100 %, mais dont l'ensemble des données correspond à ce que je sais déjà.
L'Italie serait le pays d'Europe où le taux de consommation d'eau par personne serait le plus élevé (210 L/j ?) :
- seulement 40 % des gens y boit l'eau du robinet et les Italiens seraient les premiers consommateurs d'eau minérale du monde.
- Pour 1/3 des Italiens la fourniture d'eau potable n'est ni régulière ni suffisante;
- Les ressources hydriques sont exploitées de manière excessive et sans critères avec une perte moyenne de l'ordre de 30 %.
- Les investissements en matière d'installations et de maintenance ont diminué d'un tiers par rapport à 1985.
Et ne parlons des situations catastrophiques de certaines villes approvisionnées par camions citernes ! Depuis que je suis en Italie, des histoires d'eau, je pourrais en écrire des pages et des pages.
Aujourd'hui, dimanche sans travaux, nous avons eu de l'eau toute la journée. Mais demain ? En attendant tous mes bidons sont pleins :-)))
Re: Re:
La Réunion est au bout de la flêche rouge. Je voulais te montrer comment circulent les dépressions ces jours-ci. satellite images Elles ont toutes un nom de baptême, Dora qui est au sud et Enok au nord-est. Elles ont toutes deux contourné l'île, formant comme un immense Yin-Yang, nous épargnant "malheureusement" de ce fait. Madagascar est copieusement arrosée depuis 2 mois, et il y a de nombreux sinistrés qui ont vu leurs maisons innondées ou emportées etc... Les trajectoires des perturbations, qui normalement vont d'est en ouest, decrivent des cercles venant d'ouest. C'est le monde à l'envers!
J'en reviens à ton excellent article sur l'eau du 16 mars 2003 (cité plus haut) et l'Interview à Lester Brown, père du Worldwatch Institute qui présageait un avenir catastrophique. Je crois qu'on est en plein dedans et l'avenir s'assombrit de plus en plus. On continue et on augmente même l'épuisement des ressources naturelles sans aucune concertation mondiale sur les conséquences dans un avenir proche et des catastrophes qui en découleront. Un tsunami est naturel, et on s'en remet avec beaucoup de courage, malgré les blessures laissées par les milliers de disparus, mais la pollution globale et croissante conditionne directement notre espérence de vie à plus ou moins long terme. Notre vaisseau Terre est malmené par cette race humaine qui ne sait pas utiliser son intelligence, si ce n'est pour continuer à fabriquer des armes de plus en plus sophistiquées, à coup de milliard dans le monde, en jenant un regard hautain à tout ce qui ne rapporte rien que sont la fonte des glaces éternelles, les îles englouties, la désertification et l'apauvrissement croissant des populations au profit d'une poignée de nantis qui ne savent plus quoi faire de leurs fortunes!
Je pense, ImpasseSud , que tu devrais remettre le lien de ton article de 2003 dans ton post principal, car tu avais vu juste sur la planète des eaux...
Re: Re: Re:
Pierre, mon article, tu l'as déjà rappelé toi-même et je t'en remercie.
Moi, ici, j'ai voulu mettre l'accent sur autre chose, peut-être difficilement perceptible pour ceux qui n'ont pas les mêmes problèmes. En fait, au-delà du peu de considération que notre monde a pour cette ressource essentielle qu'est l'eau, mon histoire a des racines très anciennes, complexes et multiples :
- la main-mise sur les nappes et les sources par la mafia et les multinationales pour la vente de l'eau... minérale (!)
- le laxisme méditerranéen et l'habitude de la polémique qui frènent toutes les décisions et toutes les exécutions.
- une mentalité fataliste qui finit par tuer la réactivité (ici, face à tout ce qui ne marche pas, les gens ont essentiellement deux réponses : ou une réaction violente, mais qui ne donne pas de grands résultats, ou la phrase " Il faut avoir de la patience" accompagnée d'un soupir résigné. Et tu n'as pas la moindre idée du temps que chacun finit par perdre pour réparer les "erreurs" ou pour obtenir un simple dû. De là, découle un large tissu de corruption et de clientélisme, immuable dans le temps, quelle que soit la couleur politique au pouvoir.
En attendant, à cette heure-ci il y a encore de l'eau au robinet :-) Les travaux sont sans doute terminés,... ou renvoyés à plus tard. En tous cas, je souhaite que la pluie revienne bien vite sur ton île.
