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Il y a journalistes et journalistes

Quand on pense au journalisme, on se réfère rarement à la définition du dictionnaire qui veut que ce soit la profession de ceux qui écrivent dans les journaux ou participent à la rédaction d’un journal parlé ou télévisé. On imagine plutôt la profession de quelqu’un dont le rôle est de rapporter les évènements qui se passent dans le monde, grands ou petits, mais tout du moins d’une certaine teneur. Et chacun de nous présume, implicitement, que les faits rapportés sont vrais, même s'il faut reconnaître qu’une objectivité absolue est impossible. Face à un même fait, deux journalistes au vécu différent, de gauche ou de droite, n’accorderont pas forcément la même importance à certains détails, ne prendront pas leurs photos ou ne filmeront pas sous le même angle.

 

Ensuite, il y a toujours eu deux sortes de journalistes, ceux qui sont au services de l’information et ceux qui sont au service de l’indiscrétion équivoque. Pour ma part, je les diviserais simplement en deux catégories : ceux qui racontent le vrai, et ceci, de plus en plus souvent au risque de leur vie, et ceux qui diffusent n’importe quoi.

 

Pendant longtemps ces deux genres ont été nettement séparés. Il y avait des journaux réputés sérieux et la presse à scandale, et en ce qui concerne la télévision, on requérait des chaînes publiques une éthique qu’on ne prétendait pas du privé. Chacun allait abreuver sa soif de nouvelles du côté qu’il préférait. Mais aujourd’hui, malheureusement, il n’en est plus ainsi. Il semble bien souvent que l’ensemble du journalisme ait basculé vers l’ambiguïté. Ce n’est plus seulement France Dimanche et ses semblables à révéler les soi-disant mésaventures du Prince Charles, les soi-disant dessous de l’histoire de la soldate Jessica, les dessous du futur mariage du prince Philippe d’Espagne avec une journaliste divorcée, mais l’ensemble des médias, y compris les journaux les plus prestigieux, comme si ce qui est douteux ou même sordide était devenu nécessaire à l’air qu’on doit respirer. Sans compter que ce sordide est bien souvent inventé de toute pièce pour un besoin de célébrité, de scoop, d’argent ou d’audimat. Sans compter non plus que les grands journaux appartiennent tous à des groupes financiers dont le seul critère est le profit et la rentabilité, aliènant ainsi irrémédiablement leur indépendance.

 

De temps à autre, je vais sur le site de Reporter sans frontières, et je suis bouleversée par ce que j’y lis. Depuis janvier 2003, 33 (31+2) journalistes ont été tués, 135 (131+4) emprisonnés, 50 cyberdissidents emprisonnés. Ensuite, par rapport à 2002, en 2003 la liberté de presse est en nette régression dans nos démocraties (sauf en Belgique !). La France qui était la 11ème du classement est aujourd’hui 26ème, l’Italie est passée de la 40ème place à la 53ème, la Grande-Bretagne de la 21ème à la 27ème place, les Etats-Unis de la 17ème à la 31ème place chez eux et, en Iraq, à la 135ème place ! Etc.
Mais qui sont donc ces gens qui acceptent encore de risquer leurs vies pour informer, pour dire la vérité ? Car il est presque évident qu’il s’agit de la vérité. Personne ne risque sa propre vie ou la prison pour diffuser le faux. On ne met sa vie en jeu que si on est convaincu de ce qu’on fait, que si on se sent investi par un devoir d’information, que si l’avenir de ce monde vous importe. Et d’autre part, on ne tue les journalistes que pour étouffer la vérité. Sur ce site, j’ai l’impression d’être sur une autre planète, assurément plus proche des chevaliers du Moyen Age et de Lancelot que de notre époque. On y sent la gratuité, le sens d'une mission à accomplir, le respect de l’éthique de la profession, valeurs qui aujourd’hui semblent pour le moins obsolètes.

 

Ce matin, tous les principaux journaux on-line anglais (The Times, The Independent, The Guardian), français (le Monde, Libération, Le Figaro, Le Journal Permanent) et italiens (Il Corriere della Sera, La Repubblica,) parlaient du nouveau scandale relatif au Prince Charles. Si on tenait absolument à nous servir un sujet léger, pourquoi ne nous a-t-on pas parlé de l’éclipse complète de Lune qui a eu lieu cette nuit? Il s’agit d’un événement vrai, beau à voir et qui nous apprend quelque chose sur le monde dans lequel nous vivons. Au lieu de cela, pas un de ces journaux n'y faisait allusion. Pourquoi l’ensemble de la presse choisit-il sciemment de corrompre l’esprit plutôt que de l’alléger ?

 

Tous les journalistes n’ont pas les capacités d’un grand reporter. Mais grands ou petits, ils jouent tous un rôle important dans l’information, dans la formation, l’évolution et la tendance culturelle de notre société. Suivant le choix qu’ils font, ils attirent l’attention des lecteurs et donnent de l’importance au vrai, au meilleur, au pire ou au mensonge. Un beau choix et parfois un beau dilemme, sans aucun doute, mais que malheureusement tout ceux qui touchent à cette profession ne sont pas capables d’affronter honnêtement. Ou bien cherche-t-on délibérément à attirer l’homme vers le fond pour pouvoir toujours mieux manœuvrer et le manœuvrer ?

(photo)

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 9 Novembre 2003, 14:42 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
10-11-03 à 14:12

Voir également mon article sur CTC

 
Manouch
15-11-03 à 16:03

ce que tu dis est vrai...

mais faut bien voir l'aspect économique de tout ça...parler de la lune est moins "raccoleur" et donc moins vendeur que de parler du Prince Charles...même si c'est franchement moins intéressant...c'est au lecteur de savoir ce qu'il achète et de s'informer intelligemment.
Le CFPJ de Paris a été dernièrement en redressement judiciaire...repris par un centre de formation...pour faire ce métier comme n'importe lequel d'ailleurs il faut avoir la vocation...à croire que le journalisme une vraie profession à part entière, attire de moins en moins...pourquoi? je pense que les raisons économiques y sont pour beaucoup...énormément de journalistes sont dans une position réelle de précarité...faut bien gagner sa croute et par tous les moyens...de plus quand on voit dans certains pays comment ces voix de l'nformation dérangent...comment on peut finir pour ses idées...Pearl en Afghanistan égorgé parce qu'il enquêtait sur Ben Laden...Jean Hélène assassiné lâchement en Côte d'Ivoire...Ces baroudeurs faut bien qu'ils concilient aussi leur vie de famille...Je pense que la presse Française sérieuse ne s'en sort pas si mal concernant son indépendance par rapport au pouvoir politique...enfin pour ce que je sais
Mais ce que tu as dit est tellement vrai aussi qu'on ne peut que le déplorer
;-p

 
ImpasseSud
15-11-03 à 17:32

Re: ce que tu dis est vrai...

Dans mon article sur CTC, je parle justement de Jean Hélène et d'autres comme lui, qui ont eu de graves ennuis simplement parce qu'ils veulent exercer à fond leur profession.
En ce qui concerne la question économique, je suis d'accord avec toi. Mais je pense qu'il faut la voir sous deux optiques différentes. Tout d'abord, de plus en plus de journalistes sont free-lance, c'est-à-dire qu'il faut qu'ils se financent eux-mêmes. Mais il y a également le fait qu'il y en a beaucoup trop, d'où la naissance de la course au scoop... suivie par l'information douteuse, parce que les journalistes n'ont plus le temps de vérifier leurs sources (ou peut-être qu'ils s'en moquent?!!?)
Par contre, (et c'est peut-être parce que j'ai connu le temps où les grands quotidiens aux noms prestigieux tels que Le Monde et le Figaro étaient totalement indépendants et ignoraient complètement la presse à scandale), je pense que cette concession au pouvoir de l'argent, a nettement diminué leur qualité. Mais, il est vrai que leur vie, aujourd'hui, n'est pas facile avec la télévision et, depuis quelques années, les éditions on-line que tout le monde (sauf quelques abonnés) consulte gratuitement. Certains hebdomadaire sérieux n'hésitent même plus à avoir recours à une certaine pornographie de première page pour attirer le client ...

Ce que j'exècre par dessus tout, ce sont les journalistes serfs du pouvoir ou de l'argent (et ceux-là ne meurent pas de faim!!!). Je les trouve tout simplement abjectes, car ils trahissent leur profession. Pour moi, la profession de "journaliste" est investie d'une mission : informer. Les journalistes jouent un rôle essentiel de charnière entre la population et le pouvoir politique, et ils n'ont pas le droit de tricher.