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Augias Corrado, Cacitti Remo, « Inchiesta sul Cristianesimo. Come si costruisce una religione », (2008)
--> (Enquête sur le Christianisme : comment se construit une religion)

Alors que, en ces temps de tumultes religieux et regain des fanatismes, le Traité des trois imposteurs (que je n’ai pas lu) refait surface en France après deux siècles de silence, j’ai de mon côté eu envie d’en savoir plus en ce qui concerne la naissance d’un Christianisme en marche arrière depuis la résurgence du créationnisme et l’élection de Benoît XVI, plus que jamais irrationnel et étouffant en Italie où il est devenu impossible de voir le moindre JT ou lire la moindre Une sans qu’ils relaient au moins un diktat du Vatican. Pour en revenir à l’histoire des tout premiers siècles du Christianisme, la question a déjà été bien fouillée et il existe de nombreuses publications, mais elles ne sont pas toujours à la portée du simple lecteur sans grandes connaissances préalables. Ici, et après un premier grand succès à propos de son Enquête sur Jésus, Corrado Augias, grand journaliste italien, se relance, avec Remo Cacitti, professeur de Littérature chrétienne antique et d’Histoire du christianisme à l’Università degli Studi de Milan, dévoilant pour tous cette période de l’Histoire par le biais d’une nouvelle enquête, avec les questions classiques d’une érudition modeste et les réponses d’un historien habitué à devoir se faire comprendre. Le résumé inséré sur les rabats de la couverture présente bien cet ouvrage.


« Que s’est-il passé après la mort de Jésus dit Le Christ, et comment est née la religion qui en a pris le nom ? Jusqu’à quel point les historiens, en examinant les faits et les textes et en laissant de côté toute considération de foi, peuvent-ils reconstruire les évènements qui ont transformé ce prophète humilié, exécuté par les Romains, en fondateur de l’une des plus grandes religions ?

Jésus n’a jamais dit vouloir fonder une Eglise qui porte son nom, et pas même qu’il devait mourir pour laver de son sang le péché d’Adam et d’Eve, rétablissant ainsi l’alliance entre Dieu et les hommes. Il n’a jamais dit qu’il était né d’une vierge qui l’avait conçu par intervention divine, ni d’être de la même et unique substance que son père, Dieu en personne, et d'une vague entité immatérielle désignée sous le nom d'Esprit-Saint. Pour finir, il n’a jamais institué aucune hiérarchie ecclésiastique ou confondu la spiritualité, la recherche de Dieu, avec l’exercice du pouvoir temporel et politique.

Mais s’il en est ainsi du point de vue historique, d’où vient alors tout le complexe déploiement de normes, charges, habillement, liturgie, formules qui caractérisent l’Eglise qui se réclame de lui ?

Des confrontations et dialogues qui naissent sur l’histoire du Christianisme des origines entre Corrado Augias et l’historien Remo Cacitti émerge une histoire riche de drames, de contrastes, de courants d’opinion qui se sont affrontés sur les plans les plus divers : la dialectique, l’invention ingénieuse, la construction hypothétique d’évènements inconnus au prix de défier les paradoxes les plus osés. Une aventure humaine complexe qui voit son essor décisif dans la personne puissante et ambigüe de Constantin, le premier à transformer le Christianisme en instrument du pouvoir, œuvre qui sera complétée, au terme du IVème siècle, par un autre empereur, Théodose, qui en fera la religion impériale. Une aventure dans laquelle émergent des hommes d’une importance extraordinaire tels que Paul, Augustin et Ambroise.»

 

 

Mon avis 

Voilà un livre sérieux, rigoureusement documenté, clair, bien écrit, facile à lire dès qu’on se familiarise avec les quelques termes spécifiques. Il permet de comprendre pourquoi la foi chrétienne qui au début n’était qu’un courant minoritaire du Judaïsme, a réussit à survivre pendant plus de vingt siècles et à s’imposer comme l’une des religions les plus diffuses sur la Terre.

 

Cette lecture m’a amenée à deux considérations.

Contrairement à ce que j’imaginais encore, - et c'est la première -, sans doute à cause des sortes de bandes dessinées de la vie des saints, principalement de ces premiers chrétiens et martyrs qui allaient au devant de la mort sans crainte et même avec joie, que les bonnes sœurs de mon collège nous encourageaient à lire et dont les couleurs délicieusement pastel auxquelles ne manquaient que la suavité d’un parfum céleste sont imprimées dans ma mémoire, le voile que l’on soulève ici n’a rien de particulièrement exaltant ou édifiant.

Des disputes violentes entre Pierre et Paul dès les premières années à propos des lois mosaïque e abrahamique et de la catégorie de personnes qu’il fallait convertir ; la naissance rapide un peu partout autour de la Méditerranée de multiples courants qui se contestent l’orthodoxie, arrivant même aux forçages et aux persécutions internes ; l’inimitié que suscitent les Chrétiens autour d’eux à cause de leur fanatisme ; la poursuite d’une récompense immédiate à travers les baptêmes de la dernière minute ou la recherche exaltée du martyr pour anticiper l’entrée dans le royaume des cieux afin d’y jouir avant tout le monde de la justice divine (comme les kamikazes d’aujourd’hui ?), sans attendre le retour annoncé tout proche du Christ dans toute sa gloire (composante eschatologique essentielle) ; le refoulement progressif des femmes et l’apparition précoce de la phobie du sexe ; la sélection et la manipulation des textes avec une création rapide des canons et des hiérachies ; etc.

 

Peu d’amour du prochain dans tout cela. La composante eschatologique ayant très vite perdue de sa force, trois siècles ont suffi pour que le Christianisme acquière un réel « pouvoir politique » à travers la récupération de l’empereur Constantin (pas même baptisé) : « En somme, » conclut Augias, « le Christianisme d’aujourd’hui, le Catholicisme en particulier, est pour le plus l’héritier, la conséquence du « constantinisme », c’est-à-dire du rôle que cet empereur a fait assumer à la foi chrétienne en la transformant en religion civile. La transformation opérée au IVe siècle, (…) a été un « tournant » d’une importance historique pour le chemin du Christ à travers l’histoire humaine. Ce qui n’est toujours pas clair et reste en effet profondément sujet à controverse, c’est si, au-là de ce tournant, le but pour le croyant « pèlerin » est encore la Cité de Dieu ou plutôt la Cité de l’homme, bien que dévotement (et parfois hypocritement) christianisée. »

 

Conclusion qui introduit ma seconde considération, à travers celle que le Professeur Cacitti a jugé nécessaire d’ajouter à la fin de ce livre, qui met en évidence l’acharnement millénaire de l’Eglise Catholique contre toutes les recherches historiques relatives à sa fondation. En Italie, compte tenu des rapports étroits entre l’Etat italien et le Vatican, scellés par un concordat, et la continuelle mainmise du Vatican sur la politique de ce pays, on perçoit beaucoup mieux (à condition de le vouloir, bien entendu) les anomalies sur lesquelles ce Catholicisme repose encore actuellement.

« Si j’ai fini par accepter cette invitation [de Corrado Augias], » écrit le Pofesseur Cacitti, « je l’ai fait pour une unique raison fondamentale. Quiconque, à l’université, exerce le métier d’enseignant de l’histoire religieuse, est d’accord sur l’absence de préparation des nouveaux étudiants. Et il ne s’agit pas d’une conjecture défavorable, au vu par ailleurs de sa récurrence systématique, mais de l’émergence d’une donnée objective : personne, en effet, durant la formation antérieure de ces étudiants ne leur a enseigné l’histoire religieuse, ne serait-ce qu’une seule de ses manifestations. Dans le meilleur des cas, un enseignant particulièrement scrupuleux aura effleuré cette problématique dans le cadre des programmes de lettres, histoire, philosophie ou histoire de l’art. Mais le phénomène religieux en soi n’appartient pas à l’organisation didactique de notre pays.

Il en est ainsi grâce à une grave anomalie, désormais intolérable, de notre système scolaire, où – en vertu des accords qui règlent les rapports entre la République italienne et le Saint-Siège – l’enseignement de la religion, dénommée « enseignement de la religion catholique », est abandonné par l’Etat à l’Eglise Catholique Romaine, dans toutes les écoles [publiques et privées, NdT], maternelles, primaires et secondaires, exception faite pour l’université. En effet ce sont les diocèses qui formulent les programmes, recrutent les enseignants, et vont même jusqu’à surveiller leur conduite privée qui peut leur faire perdre leur poste si on la retient incompatible avec la morale catholique. (…) »

Ce qui a les conséquences suivantes :
1)
les enseignants titularisés sont obligés de limiter leur enseignement à l’aspect théologique du catholicisme, avec ses dogmes et son catéchisme ;

2) même si depuis 1984 les élèves ont quand même le droit de refuser de suivre ces cours (ce qui, vu leur petit nombre, les montre carrément du doigt aux yeux des autres élèves et des enseignants), aucun autre type d’enseignement libre de l’histoire religieuse n’a le droit de les remplacer.

3) Les étudiants universitaires qui choisissent ce type d’études arrivent non seulement sans aucune préparation, mais à l’issue de leurs études, ils n’auront aucune possibilité d’obtenir un poste d’enseignant. Ce système engendre ainsi « un gâchis inadmissible de ressources humaines, culturelles, scientifiques et économiques ».  

N’y a-t-il pas là une volonté manifeste, encore au XXIe siècle, de laisser les gens dans l’ignorance ?

 

Il y aurait encore tant à dire, mais je m’arrêterai là. En italien pour ceux qui le comprennent ou en français quand il sortira, je ne peux que conseiller la lecture de ce livre à tout le monde, et surtout aux croyants. Qu'on soit croyant ou non croyant, la prise de recul de cette enquête relativise bien à propos la valeur des religions ainsi que leurs flambées récurrentes au cours des siècles. La foi étant partie intrinsèque de l'irrationnel humain, je ne pense pas que Moïse, Jésus, Mahomet ou autres chefs de file religieux aient été des imposteurs (au point où nous en sommes, d'ailleurs, cela a-t-il une réelle importance ?), mais il ne fait aucun doute que leurs disciples et successeurs ont su récupérer et manipuler leurs enseignements pour laisser les gens dans l’ignorance afin de mieux asseoir leurs pouvoirs. Quant aux religions, à leur utilité ou non, à leurs bontés ou à leurs nuisances, l’Histoire du monde nous dit que l’homme, angoissé par les sentiments de solitude, de faiblesse et d'incapacité de comprendre qui le tenaillent face à l'univers, passe son temps soit à les rechercher, même sous les formes les plus improbables, soit à les combattre, bref qu’il a du mal à s’en passer. La question restera donc toujours ouverte. Que chacun croit donc ce qu'il veut, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que si tout le monde décidait de le faire en véritable connaissance de cause, il y aurait moins de fantismes, moins de discussions oiseuses, plus d'humilité et de respects des autres, et par conséquent moins de conflits. Pour moi, en tous cas, ce chapitre est clos.

 

Un clin d’œil


Traduction de l’italien par ImpasseSud pour toutes les citations.

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Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 15 Janvier 2009, 10:52 dans la rubrique "J'ai lu".

Commentaires et Mises à jour :

JvH
22-01-09 à 14:07

Je pourrais offrir ce livre à certains de mes amis italiens, catholiques fervents... mais j'ai l'impression qu'ils sont plus attachés aux rituels mis en place par l'Eglise qu'au message de Jesus! 

 
ImpasseSud
22-01-09 à 15:57

Re:

Ta petite te laisse donc encore le temps de passer par ici ?! :-) J'en suis touchée et j'espère que vous allez bien toutes les deux.... ainsi que ton mari. 

En effet, en Italie, le catholicisme, ce n'est pas une religion, c'est l'establishment. Même les catholiques les plus sincères y sont attachés, et même inconsciemment. Ils peuvent s'en réclamer à tout moment, jouir des faveurs et des privilèges que cela inclut. Quand tu étais encore à Trieste, tu as certainement entendu parler de Comunione et liberazione. Un bel ascenseur pour ceux qui veulent faire carrière ou arriver aux postes les plus intéressants. 

Actuellement l'establishment est en train de regagner à grand pas tous les points perdus avec la montée de la gauche durant les années 70, 80 et l'éclatement de Tangentopoli en 1992. Aller à contre-courant pour défendre des idées "chrétiennes" c'est de nouveau un sacré parcours d'obstacles qu'on peut payer cher, même quand on est important comme l'achevêque de Milan, Dionigi Tettamanzi, qui s'est fait des tas d'ennemis au sein de la municipalité et du gouvernement parce qu'il donne la priorité à l'aide aux personnes en difficulté et qu'il reconnaît aux personnes d'une autre religion le droit d'avoir des lieux de prière.


 
JvH
22-01-09 à 16:17

Re:

J'ai le temps de passer chez toi, c'est toujours un plaisir, mais je n'arrive pas souvent à laisser des commentaires, parce que mes mains ne sont pas libres!
Je ne connaissais pas Comunione e liberazione, mais ce que je viens d'en lire ne m'étonne pas, la religion catholique est tellement mêlée à la vie quotidienne en Italie... chaque enfant garde un souvenir ému de l'Oratorio ("Sembra quand'ero all'Oratorio, con tanto sole, tanti anni fa"), les gens n'imaginent pas se marier ailleurs qu'à l'église, on parle tous les jours de ce que pense et dit le Pape... Les autres religions n'existent pratiquement pas dans leur esprit! Comme me disait un ami italien, très surpris, "quand j'étais en Allemagne j'ai même eu des amis protestants"!

 
ImpasseSud
22-01-09 à 16:25

Re:

Il y a environ un an de cela, à propros de la "mode" de l'objection de conscience qui rend très difficile l'application de la loi 194 sur le droit à l'IVG, un journaliste est allé interviewer un Primario de l'Ospedale pubblico San Rafaele di Milano et son équipe de médecins. Ils étaient tous inscrits à Comunione e Liberazione !!!
La protestation à La Sapienza, l'année dernière, a vraiment été vécu comme un crime de lèse-majesté. Cette année le nouveau recteur a réinvité le pape et personne n'ose plus protester.
Etc....

 
Incognito
05-02-09 à 22:05

Lien croisé

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