Comme je l’ai écrit ici, la seule chose positive qu'on puisse reconnaitre au défunt gouvernement de gauche italien, c'est sa déclaration de guerre à l’évasion fiscale. S’il est évident que ce genre de manœuvre n’est pas toujours du goût de tout le monde mais que, somme toute, il voit quand même le consentement de la presque totalité de la population, qui aurait bien pu imaginer que dans un ultime trait de génie, ce même gouvernement allait mettre on-line les déclarations de revenus de tout un pays ?
Le vice-ministre des finances s’est défendu en disant qu’il l’avait fait au nom de la transparence et pour respecter la loi. Quelle loi ? Et celle sur la protection de la vie privée ? Oh, qu'on se rassure, elles existent sans aucun doute l'une et l'autre, car les lois sur mesure, c’est bien la spécialité du Droit italien où, dans le dédale de leur nombre excessif et de leur stratification dans le temps, chaque loi a son contraire. Quant à la transparence, elle est plutôt relative vu que cette liste n'affiche pas le montant des impôts.
Une partie des citoyens a applaudi, l’œil torve, vengeur, ou le sourire en coin : « Il était temps ! » répétaient tous les interviewés consentants. « En Finlande, il y a longtemps que tout le monde peut obtenir ces mêmes renseignements avec un simple SMS. » Comment se fait-il, cependant, qu’on soit assez naïfs pour ne pas voir l’énorme différence qu’il y a entre la réponse à une requête d’information individuelle et traçable, et la mise sur
Le Monde a vite repris la chose avec délectation : Les Italiens se ruent sur le Net pour connaître les revenus de leurs voisins. Je ne sais pas si les Italiens, comme l'affirmait hier soir Mauro Paissan, l'un des garants de l'Autorità per la protezione dei dati personali, sont tous un peu voyeurs et toujours contents de regarder par le trou de la serrure, mais en ce qui me concerne, je connaissais déjà, comme tout le monde d'ailleurs parce que de notoriété publique, le montant exorbitant des contrats et des gains de certains personnages en vue, et les revenus de mes voisins ne m’intéressent pas particulièrement. Entre train de vie et histoires de copropriété, j’en sais déjà bien assez sur leurs comptes. N’oublions pas que l’Italie est un pays méditerranéen où on ne résiste jamais longtemps à la tentation d’arborer ses richesses et privilèges.
Ensuite, comment peut-on être aussi aveugles, et confondre ou même établir le moindre lien de parenté entre l'Italie et la Finlande, en dehors de leur appartenance commune à l'UE ?
Vu qu’avant de publier ces données sur le Net, le gouvernement Prodi n’a pas pensé qu’il fallait, au préalable, commencer par imposer un respect des lois tout aussi précis à la Mafia et à tous ceux qui vivent dans son ombre ou de ses expédients, non seulement dans les quatre régions du sud où elle règne carrément mais dans l'ensemble du pays, et bien il est fort probable que d’ici peu on assistera à une recrudescence des intimidations en tous genres, et à l’élargissement et à une reconversion à la hausse du racket et de l’usure.
Le gâteau que le gouvernement de gauche italien a servi au pays pendant près de deux ans a été terriblement indigeste, mais la cerise dont il a cru nécessaire de le couronner au dernier moment, comment faut-il la qualifier ? Malgré le plongeon de la gauche aux législatives du 13 avril dernier, on peut être sûrs que si on demandait aux Italiens de retourner aux urnes dimanche prochain, on assisterait, s'il en était besoin, à un ultérieur renforcement de la droite. Et après l'échec du Parti travailliste en Grande Bretagne, dû lui aussi à une revanche du fisc sur les plus faibles, on a tout à coup envie de reprendre les trois conclusions que Robert Solé a tiré d'une tout autre histoire (mais bien emblématique de notre époque) : "ou ces gens-là sont mal informés, ou ils ne sont pas bien dans leur tête, ou c'est nous qui sommes à côté de la plaque".
A côté de la plaque, moi je m'y sens de plus en plus.
Mots-clefs : Italie, Société, Internet, Médias, Sujets brûlants, Union Européenne
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Mise à jour du 08.05.2008
Après que tout le monde ait eu le temps de la consulter ou même de copier, l'Autorità garante per la privacy a finalement déclaré l'illégalité de la publication des déclarations de revenus on-line et ordonné que son accès soit bloqué. Ces données restent cependant à la disposition de tous ceux qui voudront les consulter dans les mairies ou les Agenzie delle Entrate (les hôtels des impôts ou bureaux de perception français). ET.......
... dans le nouveau gouvernement que Berlusconi a formé hier soir il y a un Ministre de la SIMPLIFICAZIONE dont le rôle sera de.... délegiférer. Faire et défaire, c'est toujours travailler.... dit le proverbe. Combien de pays au monde ont un ministre de ce genre ?!? Je plaisante, mais en Italie, je crois que c'est vraiment nécessaire.