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L’histoire de Sri Barathan « héro » ... des couleurs naturelles

Je ne sais pas vous, mais moi j’ai besoin de bonnes nouvelles. On a parfois l'impression (fausse, c'est évident) de tout savoir des guerres, des catastrophes, des grèves, du chômage, des scandales, des méfaits de la pollution, etc… Hélas, ces faits ou états de faits ne sont que trop réels, occupant bien souvent 100 % de nos JT et de nos journaux, mais ils finissent presque par nous rendre indifférents (pour ma part, j'en ai honte), nous sapant le moral sans pour autant améliorer  tout ce qui ne va pas dans le monde ou résoudre nos problèmes personnels. Alors, il y a des jours où, décidée à trouver quelque part une raison de me réjouir, je pars à la recherche de bonnes nouvelles sur la Toile. Hier, j’ai trouvé l’histoire de Sri Barathan, un des « singuliers héros de l’Inde » comme l’a défini The Week en décembre 2002.

 

37 ans, originaire du Tamil Nadu, c’est la personne la plus réservée qui soit. Sa grande passion qui lui a valu le prix « d’originalité au service du pays » en 2002, c'est d'inventer des couleurs naturelles pour les tissus à partir des herbes et des fleurs, spontanées ou cultivées. Il en utilise des centaines, il a également découvert des techniques de fixage efficaces. L’Inde le considère comme l’un de ses meilleurs experts. Sans culture académique, sa connaissance est celle d’un parfait autodidacte-expérimentateur d’une part, et d’autre part, il pratique déjà l’écologie des couleurs textiles, mais c’est lui le coordinateur de la Natural Dye Unit auprès de la Gandhigram Rural University de Dindigul, une université rurale qui se propose de préparer dans tous les secteurs de jeunes spécialistes capables d’alimenter le rêve du sarvodaya, ou « bien-être pour tous dans les villages indiens ». A Gandhigram, toutes les facultés suivent l’enseignement de Gandhi : « Vos laboratoires sont une oeuvre du diable si vous ne les mettez pas au service des paysans pauvres ».


Et, en effet, ce sont les paysans des alentours qui fournissent l’université, non seulement en denrées alimentaires, mais en plantes et en pièces de coton khadi, c’est-à-dire filé et tissé à la main, d’après les enseignements et la pratique gandhienne. L’Unité de Sri Barathan colore les étoffes des villages. Celles-ci sont ensuite vendues dans le magasin de Gandhigram (les prix sont un peu plus élevés que ceux du coton industriel teint avec des colorants chimiques), ou transformées ailleurs, en vêtements et en confections, au Gandhi Rural Rehabilitation Centre d’Alampoondi, par exemple, une coopérative qui approvisionne les Boutiques du monde.

D’autre part, le Centre de documentation, recherche et formation sur les couleurs naturelles rattaché à la Natural Dye Unit est une référence pour l’Inde toute entière, avec ses cours internes qui durent de six mois à un an. Il tient également des séminaires non seulement dans les pays asiatiques mais aussi dans certains pays européens. Au Népal, les productrices du commerce équitable ont profité du système, et cette unité a servi d’exemple dans la création d’un des programme de l’UNESCO, Coopération SUD-SUD.

 

On comprend mieux la singularité sociale et écologique du travail de Sri Barathan et de son Unité si on jette un coup d’œil sur ses voisines indiennes qui, au contraire, sont basées sur la coloration chimique des tissus, comme à Tirupur, ville connue au niveau mondiale pour l’exportation de ses textiles, mais dont les cours d’eau ont une couleur douteuse, résultat du mélange de toutes les teintures chimiques qu’on y déverse. Avec l’arrivée des colorants synthétiques, les savoirs et la pratique de l’extraction et de la fixation des couleurs naturelles ne se sont maintenues que dans de rares communautés. Sans parler de la disparition d’un bon nombre de plantes lors de la décimation des forêts. L’unité de teinturerie de Sri Barathan est une tentative de faire revivre ces savoirs et de les rendre économiquement utilisables.

 

Tout a commencé en 1987, par l’extraction et l’application de 4 couleurs seulement, pour arriver aux 150 nuances d’aujourd’hui. Mais comme l’application textile ne suffit pas au génie créatif, on est passé à l’expérimentation sur papier, bougies et tapis en fibres. L'un des principes est qu'il faut « faire avec ce qu’on a » (cycle court, filatures locales), et c’est ainsi que la principale préoccupation de Sri Barathan est d’étudier, pour chaque endroit, les substituts locaux des plantes « exotiques ».
Il est également en train de travailler à la création d’un « passeport pour les plantes », dans lequel seront codifiés les propriétés et usages de 200 plantes. On ne sait jamais, par les temps qui courent quelqu’un pourrait, une fois de plus, s’enrichir sur des connaissances millénaires….

« Chat échaudé craint l’eau froide », dit le proverbe. Certaines multinationales n’ont eu aucun scrupule à breveter certaines qualités de riz cultivées en Inde depuis toujours… Le gouvernement indien n’a pas réussi à annuler complètement les effets de ce qui n’est rien d’autre qu’un vol, mais il semble que cela ait au moins servi de leçon à quelques-uns.…

 


Certains penseront peut-être qu'il n'y a rien de bien nouveau dans ce billet. L'exploitation des pigments naturels remonte à la nuit des temps, et durant certaines périodes de l'histoire, on est même, paraît-il, arrivé à créer plusieurs milliers de nuances. Mais le fait est que tout cela s'est perdu avec l'apparition des colorants chimiques et le mépris de l'environement. Et le fait que Sri Barathan ait transmis sa passion à une université, redécouvrant et sauvegardant une partie du patrimoine de l'humanité, et créant les bases d'une industrie locale et d'un commerce, rentables l'un et l'autre et qui combattent la pauvreté, c'est plutôt une bonne nouvelle. Vous ne trouvez-pas?

 

(Sources : Il Manifesto)

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Ecrit par ImpasseSud, le Samedi 12 Mars 2005, 14:21 dans la rubrique "Les hommes de bonne volonté".