C’est d’eux aussi que parle Robert Fisk dans son article cinglant publié aujourd’hui sur The Independent à propos de la tuerie israélienne d’hier au large de Gaza. « Western leaders are too cowardly to help save lives. It is a fact that it is ordinary people, activists, call them what you will, who now take decisions to change events. » Personnellement, j’ai toujours défendu le droit d’Israël à exister et je le défendrais encore aujourd’hui, mais le droit d’exister vous autorise-t-il à nier ce même droit à un autre peuple, les Palestiniens ? Vous autorise-t-il à sombrer dans une schizophrénie assassine ?
En l’absence d’une prise de position nette, Robert Fisk accuse carrément nos gouvernants actuels de lâcheté, et pour rester dans le thème des villes et des populations étranglées, il rappelle qu’en 1948, suite à l’encerclement de Berlin par l’armée russe, M. Truman pour les USA et M. Attlee pour la Grande-Bretagne avaient immédiatement pris la décision d’établir un pont aérien pour venir en aide à leurs ennemis d’hier. Pourquoi nos leaders actuels manquent-ils de ce courage pour venir en aide à Gaza, se demande-t-il ?
En 1948, nous étions en pleine Guerre froide, et derrière cette décision de l’époque, il n’y avait pas que des raisons d’altruisme humanitaire, c’est évident. Dans le cas présent, tout est différent. D’un côté une double situation de profonde injustice enkystée, à la dérive, avec des épisodes récurrents de provocations, agressions et ripostes disproportionnées ; de l’autre, sans doute plus de lassitude que de lâcheté face à une question en panne, un désintérêt, une indifférence que nos gouvernants et même l’ONU camouflent en chœur sous des questionnements, des désirs d’investigation, pour temporiser en attendant que les esprits révoltés dans le monde entier se calment. Car une marche arrière de la part d’Israël est tout à fait improbable. De toute façon, une question sans stimulant économique pour notre Occident. Serait-elle là la réelle motivation d’une indolence sans fin ?
A mon avis, cependant, cette absence de réaction tranchée est la énième preuve de la mort de la politique. Dans les journaux et les médias on garde encore une colonne sous ce nom, on croit parler de politique du matin au soir, mais on ne fait qu’y pérorer sur des questions superficielles qu’on nous a lancées, comme pour nous permettre d’assouvir notre illusion de participation. Le monde marche désormais exclusivement à l’économie. La réalité que l’on refuse de voir et de comprendre, c’est que nos classes dirigeantes ont réduit le rôle de la politique à une simple chasse au pouvoir économique, qui inspire et dicte, en exclusivité, toutes leurs décisions, toutes les manœuvres gouvernementales.
Et les populations, dans tout cela ? « Dans 30 ans », disait Ennio Flaiano à la fin de années 60, « l'Italie ne sera pas comme l'auront faite nos gouvernements, mais comme l'aura faite la télévision ». Bien sûr, à cette époque-là, on parlait pour son propre pays, on n’avait encore aucune perception ni de l'UE telle qu'elle est depuis l'avènement de l'Euro ni de la globalisation à venir, mais ce personnage qui évidemment voyait loin, avait déjà compris que c’est l’usage qu’on fait de la télévision qui forme les citoyens. Aujourd’hui, le citoyen veut la vie facile qu’elle lui montre. Au nom de cette facilité, il a accepté compromis, dégradations et obligations, physiques, morales et mentales, et face à un avenir qu’on lui promet dramatique s’il ne se plie pas aux dictats restrictifs qu’on décrète soi-disant pour son bien, il est docile comme le plus doux des caniches, voire consentant. Pas de rébellion de masse, une maigre participation aux élections. Pas plus de réveil politique ici que dans les hautes sphères.
Face à cette défection presque généralisée, il semble que la politique n’appartienne plus qu’aux résistants, à ceux qui, justement, faisaient partie de la « flottille de la liberté » avec 42 nationalités différentes à bord, des gens pas forcément parfaits, mais « tous des gens ordinaires qui prennent des décisions pour changer les évènements » comme le dit Robert Fisk, tous des gens qui essaient de réveiller les consciences, à mon avis. Comme ceux qui, face au blocus de Gaza, à L'Aquila avec des brouettes (pour ne pas oublier les sinistrés dont personne ne parle, encore en attente d'un logement), ou partout ailleurs dans le monde, s’indignent face aux injustices et aux instrumentalisations, s’opposent aux crapuleries et réfutent la corruption ; comme ceux qui décident d'y voir clair et pour ce faire prétendent la liberté de l’information et encouragent la presse citoyenne ; comme ceux qui réfléchissent avant de faire un choix, tiennent à participer à la res publica, la chose publique ; comme ceux qui revendiquent une vie de qualité pour tous qui ne soit pas uniquement au service de l'économie et luttent contre les boulimies infâmes du capitalisme ; comme tous ceux qui défendent l’état de droit, les droits de l’homme et le libre arbitre.
Par contre, combien de temps encore tous ces gens-là seront-ils relégués au rôle de témoin, si rien ni personne ne vient réveiller la politique ? Car dans la masse de ces actions spontanées, il arrive qu'en croyant défendre une juste cause on devienne les complices d'un pouvoir scélérat.
Une toute petite bonne nouvelle : l'Egypte a décidé de réouvrir le terminal de Rafah.
Mots-clefs : Question israélo-palestinienne, Sujets brûlants, Société, Europe, USA, Union Européenne, L'Aquila, Guerres, Médias, Méditerranée, Justice
Commentaires et Mises à jour :
Re: Quel triste spectacle !
Cher Pierrre, quel triste spectacle en effet !
je viens d'effacer mon commentaire précédent.
En ce qui me concerne, je suis une fois de plus atterrée par cette histoire sans fin, parce que tout a déjà été dit et redit et je n'ai plus envie d'en parler. Plus je lis, plus j'ai envie de me taire.
Dans cette triste affaire, la seule chose que je sais, c'est que de part et d'autre, mais aussi de notre côté à nous, citoyens et gouvernements de l'UE "sans politique", il y a, non pas des choses que j'aime, mais un tas de choses et de comportements que je n'aime pas, qui n'apportent aucun solution mais ajoutent régulièrement leur part de venin et de haine dans un processus de paix toujours plus difficile. Cette fois-ci le Jcall l'a défini : "une crise qui ne profite qu’aux extrémistes des deux bords".
En Italie, une grosse partie de l'opinion publique est du côté d'Israël.
La Rachel Corrie est à
Je ne peux que leur souhaiter bonne chance et de rencontrer un peu plus de souplesse de la part d’Israël.
Re: Quel triste spectacle !
Personnellement, je n'ai pas envie d'effacer mon post précédent, je le signe une fois de plus. J'ai entendu que d'autres bateaux se préparent à forcer ce blocus injuste. Est-ce l'amorce d'un élan de solidarité général ? J'espère que cela débouchera enfin sur une table ronde où de nouvelles bases seront mises en place en commun. Est-ce si difficile que ça de faire la paix ? Il faut prendre le problème dans sa globalité et non au cas par cas. Là dessus je suis obligé de reconnaître que tu as raison de dire que la religion ne fait pas bon ménage .
Pourtant je garde espoir, car à la Réunion, qui porte bien son nom, vit un peuple multi racial et multi religieux en harmonie. Certains vont au temple et à l'église sans que cela pose problème. Personne ne fait allusion à la couleur de la peau, ni à l'appartenance religieuse, chacun est libre de choisir. Lorsqu'il y a une cause importante à défendre, tous les représentant religieux s'unissent et prennent la parole pour défendre cette cause.
Il faut que Israël sorte de son isolement et remette les pieds sur terre, en prenant des initiatives d'ouverture, car l'Iran aura bientôt sa bombe atomique et la il faudra bien composer avec...!?
De la démocratie
Je trouve ta réflexion très sage et ton récit de la vie à La Réunion vraiment réconfortant. Je t'envie de pouvoir vivre dans une atmosphère qui respire vraiment la "démocratie". Mais cela est le résultat d'une évolution séculaire avec pour base promotrice une démocratie républicaine qui a revu petit à petit son colonialisme. Cela explique ta confiance.
Parce que dans la grande bavette que j'avais postée avant (je ne sais pas si tu as eu le temps de la lire) c'est en fait aux concepts de démocratie et d'absence de démocratie que je voulais en venir. Il y a tellement de choses qui me choquent dans ce conflit, encore plus en tant que femme. Et sais-tu qu'en Israël, en riposte, on aurait décidé de créer une "flotille de la liberté" pour aller libérer les Kurdes persécutés dans le Kurdistan turc ?
Mais tu as raison, une chose à la fois, ici c'est de débloquer la situation de restrictions inacceptables qui est imposée à la population de Gaza qu'il s'agit, même si on sait que le Hamas va en profiter pour relever sa crête plus qu'ambigüe, qui ne défend certainement ni la démocratie ni les droits de l'homme. Pourquoi personne, dans cette "Flotille de la liberté", ne se démarque-t-il clairement de cette autre réalité ? Sans parler de l'Egypte qui joue aussi un drôle de jeu dans ce blocus. Ouvrir le terminal de Rafah deux jours tous les deux mois... Puis ce grand mur qu'elle construit en profondeur pour obstruer les tunnels... Enfin, pour l'instant le terminal reste ouvert, mais le Hamas ne distribue les permis de sortir qu'au compte-goutte, pour éviter la ruée.
Attendons donc de voir comment les choses vont se passer pour la "Rachel Corrie"... si on nous le fait savoir vu que les communications radios sont interrompues depuis ce matin. Si au moins Israël achemine la marchandise à destination... En tous cas, je vais suivre cela de près.
Quel triste spectacle !
Je ne doutais pas un seul instant de ta vive réaction ImpasseSud, devant un tel spectacle lamentable ! Au nom de quel loi s'arroge t-on le droit de tenir en laisse un pays dont on ne veut pas reconnaître son existence millénaire ? Jusqu'à quand l'oncle Sam va t-il cautionner toutes les bavures monstrueuses de son dauphin ? Jusqu'à quand l'ONU va t-elle se plier aux désirs de l'oncle Sam ? Pourquoi les auteurs israéliens de ces crimes ne sont-ils pas poursuivit par le tribunal international ? etc...etc...
Sommes-nous au 21 siècle où encore à l'ère des conquêtes ? Je me suis senti humilié par la violence des coups portés à la démocratie en mouvement, portant secours à un peuple qui se meurt à petit feu. Israél a t-il oublié la diplomatie au prtofit du langage des armes ? Moi qui suit un pacifiste, je me suis mis à penser après ce massacre que, si il y a des représailles après cela, il ne faudra pas s'étonner, car il y a de quoi se révolter ! Sont-ce des fous qu'on engage dans leur armée ? J'aurai aimé que tous les pays se sentent concernés et exercent un droit d'action économique envers tous pays responsables de tels actes d'un autre temps et c'est peu cher payé ! J'exprime haut et fort ma colère, car j'aurai pu être parmi ces militants non armés qu'on a tiré comme des lapins ! Honte à vous les auteurs et à ceux qui ont donné les ordres ! Je plains les israéliens pacifistes qui supportent ça, malgré eux !