Tout le monde connaît la série télévisée « Urgences ». De toutes celles qui passent sur le petit écran, c’est sans aucun doute celle que je préfère. D’une part parce que j’aime le milieu hospitalier, ensuite parce que les personnalités ne s’extériorisent que dans les cas d'urgences de la vie, et pour finir parce que ce téléfilm est une véritable merveille psychologique.

L’avant-dernier épisode que j’ai vu était monté à l’envers, c’est-à-dire qu’il partait d’un accident de voiture causé par le Dr. Kovac, avec pour conséquences deux blessés graves, un enfant et une stagiaire des Urgences, pour arriver, à la fin, au petit fait déclanchant. Tous ceux qui regardent cette série savent que Kovac est un médecin croate émigré aux Etats-Unis après qu’il ait perdu sa femme et ses enfants sous un bombardement. Kovac est donc un émigré, et même s’il est parfaitement intégré, il garde au fond de lui la nostalgie de son pays et de sa langue qu’il n’a plus jamais l’occasion de parler. Je n’en raconterai pas plus pour ceux qui ne l’auraient pas encore vu… mais durant cet épisode, on remonte peu à peu dans le cours des évènements d’une journée, avec des détails routiniers ou prévisibles, et on finit par arriver à la cause première de cet accident : la nostalgie.

Autre fait. La Stampa du 25 octobre rapporte l’histoire suivante :

« Ce soir-là, il y a quelques années, Chante Mallard, jeune infirmière texane de Fort Worth accomplit une série impressionnante de choix erronés. Elle se mit au volant de sa voiture après avoir fait le plein d’ecstasy, d’alcool et de marijuana. Elle renversa un clochard qui resta encastré dans son pare-brise, et se refusa de lui porter secours, le laissant mourir d’une hémorragie. Pour  finir, avec l’aide de son fiancé et d’un complice, elle cacha le corps de la victime près d’une décharge, comme dans certains téléfilms à cours d’idées. Elle fut arrêtée. Lors du procès, elle plaida coupable, et elle fut condamnée à cinquante ans de prison, mais seulement parce qu’au Texas la peine de mort n’est appliquée qu’aux crimes prémédités.

Deux ans plus tard, suite à son geste, d’autres personnes accomplirent une série non moins impressionnante de choix différents. Cela commença par celui d'un jeune homme du nom de Brandon Biggs, qui demanda à lui rendre visite. C’était le fils du clochard qu’elle avait tué et il voulait lui accorder son pardon, ainsi qu’à ceux qui l’avaient aidée. Il dit : « Si l’amour fait fonctionner le monde, c’est le pardon qui le rend plus sincère ». Il n’en parla à personne, mais les prisons étant comme une CNN sans fils, en l’espace d’une semaine tout le monde était au courant.

On découvrit aussi que Brandon avait l’intention de s’inscrire à l’université, mais qu’il n’en avait pas les moyens. Ce fut alors que les condamnés à mort de toutes les prisons d’Amérique prirent la dernière décision de cette histoire, organisant une collecte entre eux pour lui payer une bourse d’études. Ils recueillirent 10.000 dollars et l’envoyèrent à l’école. »

La première histoire tient de la fiction (mais elle est tellement vraie), alors que la deuxième, plus invraisemblable, a réellement eu lieu. L’élément déclenchant et les conséquences sont pour le moins disparates, tant par leur nature que par les résultats. Cependant chacun d’entre nous a en mémoire un ou plusieurs épisodes de ce genre, où un petit rien, un demi-mot ou un simple état d’âme d’un côté, ou bien un fait énorme de l’autre, déclanchent en cascades un nombre d’évènements incroyables, bons ou mauvais, et sans aucun rapport, si ce n’est cette chaîne, avec la cause initiale.

Certains l’appellent la main de la providence, d’autres le destin, d’autres encore le hasard, la chance ou la malchance. Les matheux cherchent une explication dans un calcul des probabilités. Pour ma part, je ne fais rien de tout cela, mais j’avoue que, parfois, quand je dois prendre une décision, je n’en finis plus de peser le pour et le contre, à moins que la situation ne soit sans ambiguïté. Mais si la décision part d’une impulsion subite et instinctive….. Et si d’une bonne décision naît un problème….

On n’est pas souvent maître de sa vie. Au contraire, on est terriblement dépendants les uns des autres, même de ceux qu'on ne connaît pas. Ce qu'on ne s'explique pas, n'est-il pas bien souvent l'avant-dernier maillon d'une chaîne invisible?