… m’énervent. Car si un état de fait ou des normes injustes ou insensées valent la peine qu’on les combatte, il n’est pas rare que les actions ou réactions populistes fassent plus de tort que de bien aux causes qu’elles étaient censées défendre, et ceci dans de nombreux domaines.
Pour ma part et pour en revenir à l’écologie, voilà des années que je suis convaincue de la nécessité de passer aux sources d’énergies alternatives. Non pas seulement parce qu’elles élimineraient la pollution, ou même parce qu’elles nous libéreraient partiellement ou entièrement de la dépendance du pétrole ou du nucléaire, mais simplement parce qu’à notre époque où les technologies les plus avancées nous mettent énormément de possibilités à portée de main, ce serait finalement faire preuve d’intelligence, utiliser l’intelligence dont tous les êtres humains sont pourvus tant qu’ils refusent la corruption. Enfin !! Si vous aviez un jardin plein de légumes, vous viendrait-il à l’idée d’aller les acheter au supermarché pour vous nourrir ?
C’est ainsi que, dans cette optique futuriste, c’est avec grand enthousiasme et depuis 2003 que je suis chacun des pas de Solar Impulse, cet avion à énergie solaire (mon billet avec les mises à jour) conçu par Bertrand Piccard, psychiatre de son état, pionnier, fils et petit-fils de pionnier, dont l’ambition est non seulement de réussir à faire le tour du monde en un seul vol, mais sutout de faire comprendre aux gens que si une telle aventure est possible en plein ciel grâce à la technologie de pointe dont nous disposons aujourd’hui, elle l’est tout autant sur terre, dans la vie de tous les jours. Voir ces 2 vidéos de 2008 : la première où BP donne sa définition du développement durable, la seconde où il précise sa vision personnelle du présent et de l'avenir : passionnant ! D'autant plus que Solar Impulse a effectué son premier vol de 90 minutes ce mercredi 7 avril 2010 en montant jusqu'à 1.600 mètres (Le Temps).
Mais gare au populisme écologique ! Car mon chemin croise tous les jours des histoires vraies comme celle de Philippe, paysan de haute montagne, seul résidant d’un village suisse désormais abandonné où il a décidé de rester, avec son bétail magnifique, dans le chalet qui appartenait déjà à son grand-père, mais que des écologistes ont tout d’abord laissé sans eau courante au nom de la protection de la nature, avant de réussir à l’obliger à redescendre dans la vallée au nom de certaines normes, sans comprendre qu’en haute montagne, l’espèce en voie de disparition, ce n’est ni le chamois, ni la marmotte ni la grenouille, mais bien l’homme. Dans cette vidéo à partir de 9'51'', il raconte lui-même son histoire et croit encore qu'il pourra rester.
Idem à propos des réintroductions sans critères des ours et des loups dans les Alpes et les Pyrénées : goût d'un exotisme ancestral insensé !
Et que dire des populismes racistes et antiracistes, identitaires ou cosmopolites, religieux ou laïques, démocratiques ou autoritaires, du populisme des pétitions, du populisme des manifestations et des débats ? Dans notre société de déballage en continu, tout le monde sait désormais que quel que soit l’objet du débat, il y a toujours un argument contre pour répondre à un argument pour et inversement, et que les seuls résultats sont bien souvent l’échauffement des esprits et des tons, l'éloignement du sujet, et la fausse illusion flatteuse de croire qu’on a défendu un camp, sans se rendre compte, la plupart du temps, qu’on s’est laissé emballer outre mesure, ou peut-être même manipuler.
Il y a quelques jours, je suivais une émission à la télévision italienne, « Per un pugno di libri » (« pour une poignée de livres », Ndr) pour ne pas la nommer, où chaque semaine on assiste à l’affrontement littéraire de deux classes de lycée, à propos d’un livre et du principe qu’il évoque, mais aussi de la littérature en général. Le livre en question cette-fois-ci, c’était Gomorra, de Roberto Saviano, ce jeune auteur napolitain d’à peine 30 ans contraint à vivre sous escorte depuis quatre ans, sans domicile fixe ni projets de vie, pour avoir mis la Camorra, la mafia napolitaine, sous les yeux de tous. On imagine sans peine le principe évoqué : « la notion de danger ». Voilà ce que ce jeune écrivain sous menace de mort a répondu :
« Aujourd’hui, la chose la plus dangereuse qu’on puisse faire, ce n’est pas de sauter à l’élastique sous un pont ou de faire je ne sais quoi les yeux bandés. Aujourd'hui, dans la vie, la chose la plus dangereuse qu’on puisse faire c’est de raisonner. Raisonner, observer, comprendre sont devenues des actions très dangereuses. Dans le monde, il y a des centaines de personnes qui subissent des persécutions parce qu’elles ont raisonné. Et, dans ce pays (1), en ce moment, ce n’est pas le genre de chose qu’on te laisse faire en toute tranquillité. Cela éveille des soupçons et c’est sans doute la chose la plus dangereuse, et j’insiste, parce qu’elle t’expose, parce ce n'est pas facile, et parce que, souvent, le fait que tu raisonnes ne plaît pas à ceux qui vivent autour de toi. Raisonner, cela signifie aussi désirer, percevoir que les choses pourraient être différentes de ce qu’elles sont, que les règles peuvent changer, ou, au contraire qu’elles doivent être respectées… »
(Traduction de l'italien par ImpasseSud)
Raisonner, réfléchir avant de prendre parti. Tout un programme en ces temps de conformisme !
(1) Ici, c'est évident, Saviano se réfère à l'Italie d'aujourd'hui, celle de Berlusconi. Mais est-ce qu'ailleurs c'est mieux ?
Mots-clefs : Société, Italie, Europe, Planète Terre, Livres, Justice, Occident, Hommes de bonne volonté
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Pierre, je ne me référais pas particulièrement aux catastrophismes à la mode, mais plutôt aux vagues actuelles de conformisme, qui même dans les meilleurs des cas, finissent par porter le plus souvent à des comportements populistes aveugles.
Perso, je suis réfractaire à toutes les formes de populismes, d'abord parce qu'aucune d'elles n'est digne d'un être pensant, mais surtout parce que grandes ou petites et parfois même apparemment bonnes au départ, elles aboutissent toutes à des déviances nocives. Même si on exclut les formes politiques les plus évidentes aujourd'hui, la docilité aveugle des masses en faveur d'une cause ou d'une autre, sans plus aucun esprit critique constructeur, finit toujours par alléter des meneurs qui ont une tout autre idée derrière la tête, et qui finissent par transformer les adhérents en prédateurs ou en victimes.
Parmi tous les populismes en déviance du moment, quel meilleur exemple que Facebook et sa politique des fans ! Du social network qu’il était au départ, utile et sympathique pour se retrouver entre parents et amis, il s’est progressivement transformé en une plateforme plus spécialement au service des prédateurs et des espionnages de toutes sortes, à tel point que les appels au boycotte ne se comptent plus. En ce qui me concerne et malgré toutes les invitations qui m’arrivent, je continue à refuser de m’y inscrire. Je me prive sans aucun doute de certains de ses aspects agréables, mais je refuse de souscrire à la tendance actuelle qui veut me prendre la main avec une inscription préalable à l'aveuglette. A mon avis, avant de prêter/confier son nom et sa personne à quelqu’un ou à un pouvoir réel ou virtuel qu’il soit, je crois qu'il est toujours important d'évaluer les possibilités d'opportunismes ou de déviances que ceux-ci renferment, car, en y adhérant, on finit par les avaliser qu'on le veuille ou non. Et si on peut trouver des excuses aux adolescents à cause de la spontanéité et de l’imprudence propres à leur âge immature, il n'en est certainement pas de même pour les adultes.
Très très intéressante ta description de ce qui se fait à La Réunion en matière d'écologie. Vu de loin, cela donne l'impression d'une participation active et importante de la population. En Guadeloupe, par exemple, il me semble qu'on est un peu plus en retard. D'après ce que je sais, on y est encore en pleine discussion à propos d'un incinérateur, en butte à l'empoisonnement des sols au chlorédone autorisé au-delà de la légalité par Chirac pour faire plaisir aux békés planteurs de bananes, au tout début du compostage, et l'énergie solaire a du mal à démarrer.
En Italie, pays qui ne manque ni de soleil, ni de vent, ni de biomasse, on en est encore au stade des balbutiements dispersés, avec une seule région en avance sur les autres, l'Alto Adige (à la frontière autrichienne), et un petit nombre d'initiatives dispersées ici et là, au niveau municipal pour la plupart. Du côté de l'Etat, c'est assez mal parti et depuis longtemps. Ce serait beaucoup trop long et trop compliqué à expliquer, mais, en gros, après qu'en
Quant au développement des énergies réellement renouvelables, il conserve son aspect d’exception, laissé à la discrétion des communes, changeant d’une commune à l’autre. Les centres d'intérêt ne dépassant apparemment pas celui des PME, il n’intéresse guère le gouvernement actuel qui lui préfère les grands travaux, financièrement plus rentables, non pas pour le pays mais pour ceux qu'ils enrichissent directement. Pas plus qu'il n'intéresse la Confindustria, le Medef italien. On retrouve donc un certain nombre de communes qui font un travail excellent, mais pour le reste, les bonnes volontés se heurtent un peu partout à des freins administratifs arbitrairement discriminatoires, en Sicile encore plus qu'ailleurs parce que pour soi-disant bloquer la main mise de la Mafia sur le marché des éoliennes, on laisse indistinctement toutes les demandes de permis en attente. Ce qui fait que les quelques entreprises qui au sud se sont lancées dans la fabrication de panneaux solaires, par exemple, se retrouvent contraintes à chercher des marchés à l'étranger. A ton avis, il faut en rire ou en pleurer ?
Du côté du ramassage des ordures, ici aussi on fait des campagnes écologiques, du tape-à-l’œil scolaire et médiatique rarement suivi par de la pratique cependant. Vu qu’il est impossible de résumer la situation italienne en quelques mots, je dirai qu’une fois de plus on se retrouve, non pas face à une orientation ou à des directives nationales, mais plutôt dans des contextes individuels, différents d’une région à l’autre, d’une commune à l’autre. Il existe donc des communes qui sont effectivement vertueuses, font non seulement une récolte différenciée pertinente mais savent en tirer des sources d’énergie propre ; d'autres où on fait semblant de l’être mais où tout finit dans les mêmes décharges, dans des incinérateurs polluants ou dans des écoballes qu'on laisse se désagréger sous les intempéries ; des régions comme la Campanie (Naples) qui depuis des années servent de décharge à l’Italie tout entière, en particulier pour les déchets toxiques (énorme business aux mains de la Camorra qui les a enfouis un peu partout avec les conséquences qu’on imagine), et un grand nombre de villes, grandes comme Naples, Palerme ou même Rome pour ne citer que les cas les plus graves, ou plus petites, toutes au bord de la catastrophe.
Tout ceci démontre une fois de plus que l’enseignement des bons principes ne suffit pas quand ceux-ci ne sont pas suivis, validés par l’exemple, comme dans le cas d’une bonne partie de l’Italie où ils sont quotidiennement démentis par les faits. Quand il s'agit de l'avenir et du bien d'un pays, ou même d'une société toute entière, la responsabilité est de tout le monde, devient un fait personnel qu'on ne peut certainement abandonner sans esprit critique dans les mains d'un populisme quelconque. Pierre, tous les citoyens ont le devoir de rester vigilants, de réfléchir, de raisonner !
Re:
""Pierre, je ne me référais pas particulièrement aux catastrophismes à la mode,"" rassure-toi, c'est moi qui suit parti sur ce sujet...
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"""Pierre, tous les citoyens ont le devoir de rester vigilants, de réfléchir, de raisonner !""
Tous ont le devoir, mais pas forcément le droit malheureusement (ex: Corée du nord, Birmanie, Chine etc...) , alors profitons de cette "chance" et exprimons nos avis personnels. Au fur à mesure de tes éclaircissements sur l'Italie et dans bons nombres de domaines, on se demande dans quelle direction marche cette "botte" méditerranéenne ? Est-ce depuis l'après-guerre que se sont structurés tous ces pouvoirs parallèles qui détiennent une économie souterraine au point de déteindre parfois sur le pouvoir en place ? Comment faire avancer un pays qui n'a pas d'autorité dans certaines de ses régions ? L'Italie est un très beau pays pourtant, riche en histoire qui a la réputation d'avoir les meilleurs architectes et ouvriers du bâtiment et un goût pour le raffinement. Des voix d'exceptions, une cuisine variée etc...Comment les gouvernements successifs n'arrivent-ils pas à mettre de l'ordre dans certains réseaux et faire appliquer la loi ?
Écologie
A la Réunion, département français d'Outre Mer (DOM), s'appliquent les lois de
PS: Je dois marier mon fils cette semaine, et je serai moins sur le Joueb pendant 10jours, car on part à l'île Maurice…à bientôt :-)
Re:
Cher Pierre,
Mon billet avait pour but de montrer que même les meilleures bonnes volontés deviennent nocives quand elles tournent au populisme, et que quand, dans une société le/les populismes prennent le dessus (comme c'est le cas aujourd'hui, non pas en Birmanie mais en Occident), on t'oblige implicitement au conformisme et que penser, réfléchir, raisonner équivaut à prendre des risques car la société qui t'entoure te l'interdit de plus en plus.
A La Réunion, vu d'ci, il semble que si les choses avancent c'est avant tout grâce aux encouragements d'un Etat crédible.
Quant à l'Italie, nous en sommes arrivés à ce que je te disais dans un commentaire précédent. L'Italie devient vite incompréhensible pour un esprit rationnel français. Parce que l'Italie est un pays irrationnel (c'est sans doute la raison qui la rend aussi séduisante), avec une population irrationnelle (c'est sans doute ce qui inspire ce sentiment de liberté et de chaleur humaine au touriste de passage), dont la grande majorité raisonne selon des critères qui n'ont pas souvent grand chose à voir avec la raison. Moi qui habite en Italie, j'ai mis des années pour le comprendre, alors tu imagines.... :-)
Ceci dit, si je devais marier un de mes fils cette semaine, j'aurais bien d'autes choses à penser, et je te remercie, Pierre, d'avoir pris un peu de ton temps pour passer par ici. Alors : tous mes voeux de bonheur et longue vie aux futurs époux ! Et bon séjour à l'île Maurice :-)
Bien ton billet sur les manipulations au nom de je ne sais quoi, pourvu qu'on ne raisonne pas, et surtout qu'on n'oppose pas sa théorie contraire à ceux qui nous dirigent.
C'est vrai que chacun y va de ses annonces catastrophistes, mais qu'ils n'appliquent pas eux même les éventuelles solutions, car dérangeantes pour leur petit confort personnel.
Décidément l'homme veut refaire le monde à son image en gommant l'existant qui était là bien avant lui, et qui sera certainement là bien après lui.
A la Réunion le solaire prend un grand pas sur le charbon et le fuel. Ici c'est une énergie inépuisable. Une "usine" marée motrice va être installée au large des côtes pour essais, ainsi que l'utilisation de la géothermie. Un broyeur géant vient d'être installé à St-Louis dont il n'existe que deux exemplaires et qui intéresse des étrangers venus du Japon, de l'Afrique du Sud. Il est capable de séparer les différents métaux avant compactage. Ici, on à deux poubelles pour séparer les déchets papiers du reste. Beaucoup de campagnes écolo sont menées régulièrement et depuis les maternelles...etc. Je pense qu'on est déjà projeté dans l'avenir, même si l'île est un confetti dans l'océan (2500km2). Seul bémol, ce sont les déchets ménagés qui vont dans les parcs d'enfouissages, car personne ne veut d'incinérateur et ses dioxines polluants. Même si on a des bacs à compost gratuits dans les maisons individuelles, il reste un grand pourcentage qui part à la décharge public. Il y a très peu d'éoliennes car il faut penser aux cyclones.