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Kosovo : vers l’indépendance ? (1)
--> Journal d’un voyage tout récent en Serbie (1) : Belgrade

BelgradeLe 17 février prochain sera-t-il la date d’indépendance du Kosovo ? C’est en tout cas ce qu’affirme Hashim Thaçi (le Premier ministre kosovar) qui la proclamera certainement ce jour-là, de façon unilatérale et illégalement pour l'ONU et le chef du gouvernement (serbe) Vojislav Kostunica. (Pour en savoir plus). Tout se déroulera-t-il sans grands heurts comme face à un fait accompli ou faut-il s’attendre à de nouvelles violences ? C’est la question que je me pose et qui m’a incitée, il y a deux mois, à lire jusqu’au bout le passionnant récit du journal de voyage en quatre épisodes que Christian Elia, journaliste-rédacteur à Peace Reporter, a tenu lors de son récent tour de Serbie, début décembre 2007 quand on pensait encore à un accord imminent, … et à le traduire.

 

1ère partie* : 4 décembre 2007, Belgrade

Dans la capitale serbe la question du Kosovo semble lointaine.

Belgrade ne veut plus rester immobile : c’est une ville qui pense au futur. Dès qu’on arrive à l’aéroport, du contrôle des passeports à la sortie, il y a une kyrielle de petits locaux vides disposées le long des corridors. Il s’agit des petites boutiques qui auront le même air et les mêmes colifichets que les aéroports du monde entier. Ils les auront, car ils ne les ont pas encore, vu qu’ils sont prêts à l’usage mais vacants. 


Ils ont l’air d’attendre que la Serbie reparte, après qu’un pays tout entier ait été investi comme un train par une accélération brutale de l’histoire : tout d’abord l’ex-Yougoslavie, dissoute dans le sang, puis la guerre du Kosovo avec les Nations Unis qui entrent chez toi et se conduisent en patrons, la sécession du Monténégro en plus, et, pour finir, comme cela semble de plus en plus probable, l’indépendance définitive du Kosovo. Comme les boutiques de l’aéroport, les Serbes ont l’air d’observer, impuissants, les coups qui s’abattent sur son histoire, mais ils sont en attente de sortir de l’endormissement causé par un boxeur sans pitié.

« Ici, des touristes, on n’en voit peu. », raconte Slobo, un chauffeur de taxi. « Je me souviens encore de la Yougoslavie d’il y a trente ans : c’était un port de mer. Des gens qui arrivaient du monde entier, pour jouir de notre pays. Nous avions l’impression d’être aimés. Maintenant, au contraire, on dirait que tout le monde nous déteste. Milosevic a fait ce qu’il a fait, mais nous ne pouvons pas continuer à payer éternellement. » La route qui va de l’aéroport à la ville est encombrée et bruyante. Il y a un petit accident, et cela suffit à saturer l’artère qui court le long des 30 kilomètres qui séparent l’aéroport de Belgrade, une métropole de 2,3 millions d’habitants.

Dès qu’on arrive en ville, le long de la Kneza Milosa, les squelettes encore déchiquetés des immeubles frappés par les bombardements de l’OTAN en 1999 sautent aux yeux. « Vous voyez… ces sont des missiles qui ont fait ça », explique Slobo. «  Ils disaient qu’ils ne tiraient que sur des objectifs militaires, seulement que ce que vous voyez là-bas, complètement détruit, c’était une vielle caserne de la police et que, juste là, derrière le coin, il y a un hôpital pour enfants ».


Slobo est presque las de raconter son histoire, comme si, durant ces huit dernières années, il l’avait fait des milliers de fois. Plein d’indignation, certes, mais son propre récit a l’air de l’ennuyer. Et maintenant, que va-t-il se passer avec le Kossovo ? Une nouvelle guerre ? « Il n’y aura aucune guerre. Le Kosovo, désormais, on l’a perdu », répond sèchement le chauffeur de taxi. «  Les gens veulent juste se débarrasser de cette question et penser à l’avenir. Le Kosovo, nous avons commencé à le perdre à l’époque de Tito, quand on a permis à un grand nombre d’Albanais de s’installer au Kosovo. Eux, ils se reproduisent comme des lapins !!! Et en quelques années ils ont réussi à nous en chasser ». C’est sa version de l’histoire, d’autres en ont une autre, mais Slobo n’ira certainement pas défendre le Kosovo avec les armes en cas d’indépendance. « Ce serait inutile : ils la veulent et ils la prendront. Nos hommes politiques font seulement semblant de se battre pour le Kosovo. Eux aussi, ils savent que tout est perdu. Il faut regarder en avant… même si j’espère qu’on protègera nos monastères. Personnellement, ce qui m’intéresse surtout, c’est  qu’on entre dans l’Union Européenne, pour remettre les affaires sur pieds ».


Il semble que Slobo ait raison, vu qu’en ville la vie continue tranquillement et que, mise à part la campagne d’affiches collées un peu partout par un groupe d’ultranationalistes, le destin du Kosovo n’a pas l’air d’empêcher les gens de dormir. Dans la Kneza Mihaila, la rue piétonne qui traverse le centre de la vieille ville, le bruit des pas est frénétique. Des jolies filles, vêtues à la dernière mode, passent d’une vitrine à l’autre des boutiques de toutes (vraiment toutes) les marques commerciales les plus connues du monde entier. Entre deux, des bars, des boîtes de nuit et des librairies. En une seule soirée, il est possible d’aller écouter tous les genres musicaux dans des lieux publics où il est encore permis de fumer, même si la loi dit le contraire. En alternative aux cafés pleins à ras bord, il y a les musiciens des rues qui divertissent les passants dans un triomphe d’accordéons qui propagent d’émouvantes mélodies balkaniques, les kiosques qui vendent des cigarettes et des journaux, et ceux qui vendent à manger. Sur les hauteurs, comme un père courroucé, le château de Kalemegdan veille sur les grosses barques arrimées le long de la rive de la Save. « Nous, on les appelle les splav. Ce sont toutes des boîtes, des bars et des restaurants », explique Nina, une étudiante, « ils sont pleins toute la nuit. Il s'agit de clubs où on peut venir écouter de la musique techno et un peu de tout, mais pas pour faire des raves. Moi, j’ai 25 ans et aucune personne de mon âge n’emploit ce mot. Il fait penser aux années 90, et on le déteste comme tout ce qui rappelle cette période-là. Maintenant ça suffit, on n’en peut plus de tout ce bordel. Il y a beaucoup de problèmes et peu d’argent, mais nous, on va de l’avant, même s’il y a encore tant, - trop -, de nationalisme. Et on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. Mais ça, ça ne dépend ni de moi ni de mes amis, mais de la Russie, de l’ONU, des USA, de l’Union Européenne et ainsi de suite. Alors, en attendant, moi, je vais de l’avant ».

Christian Elia « Diario di viaggio nei Balcani, Belgrado, 04.12.07 » pour Peace Reporter.
Traduction de l’italien par ImpasseSud


A suivre avec la 2ème partie : En Voïvodine
*(3ème partie : Novi Pazar)

(4ème partie et fin : Mitrovica)
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Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 11 Février 2008, 14:45 dans la rubrique "Actualité".