Le
4ème partie*,
Mitrovica salue le jour qui pouvait être le plus important de son histoire, - sur la carte tout du moins -, par une petite pluie fine, celle qui pénètre jusqu'aux os des Serbes et des Albanais, sans aucune distinction.
La rivière Ibar coule pleine de rancœur sous le pont des mille batailles qui sépare, avec ses quelque cent mètres, la partie septentrionale de la partie méridionale, deux peuples et deux mondes.
Le bredouillement soumis du fleuve, grossi par la pluie, rend encore plus mélancolique ce gris lundi 10 décembre. Le jour le plus attendu, tout du moins par les Albanais. Celui qui devait entériner la faillite des négociations de la communauté internationale, engagée depuis huit ans dans un théâtre de l’absurde. Ici, il n’y a aucune médiation possible, surtout depuis ce qui s’y est passé ou qu’on y a provoqué. La seule chose qui compte pour la partie qui, devenue patronne là où elle a toujours souffert de complexe d’infériorité et où elle a trop souvent dû baisser la tête, c’est l’indépendance. Et la seule chose qui compte pour l’autre partie qui ne veut pas admettre d’avoir perdu ces terres pour toujours, c’est l’orgueil.
Les médias, comme toujours dans les Balkans, sont accourus en masse pour le grand jour. Le pont fourmille de journalistes, photographes et cameramen qui se saluent avec des clins d’œil, espérant tous, au fond d’eux-mêmes, qu’il se passe quelque chose, que cette fois aussi les Balkans sanglants fassent cadeau d’une violence en quantité industrielle à offrir au dîner aux spectateurs des journaux télévisés. Ils sont déçus, parce qu’il ne se passe rien. La seule note de couleur, c’est nous, ceux du cercle de l’information accourus en grand nombre pour jouer des coudes pour une image ou une déclaration, et les militaires du contingent international. Des Pakistanais, Argentins, Philippins, Italiens, Suédois et tant d’autres, emmitouflés dans leurs uniformes multicolores pour présider une violence inexistante.
Normalité
Pendant ce temps-là, les Serbes et les Albanais, comme pour afficher leur indifférence pour tout cela, ont l’air de s’être mis d’accord, pour une fois, pour répondre par une journée d’une normalité désarmante aux lubies des observateurs, en uniforme, en vestons croisés ou un calepin à la main. Que ce soit dans la partie nord ou dans la partie sud, il n’y a que la grisaille du train-train quotidien pour gagner sa croûte. Un bar ici et un autre là-bas où tout le monde fume, en regardant à travers les vitres d’un air mélancolique. Les boutiques des marchés ou les vendeurs ambulants ont mis leurs marchandises en tas, pour la ixième journée qui, en définitive, produira moins que le nécessaire. Chaque endroit a ses symboles, mais ceux-ci s’opposent jusqu’à s’annuler, comme dans une expression mathématique dont la somme est zéro. Clinton contre Poutine, le drapeau USA contre le drapeau russe. Des simulacres de la même pauvreté, du même chômage, des mêmes pensions de misère.
Entre attente et représailles
A la fin, ce sont eux qui ont eu raison, comme s’ils savaient déjà que la grande attente allait tomber dans le vide. Les déclarations et les contre-déclarations des hommes politiques qui annoncent qu’il faudra encore du temps. Pendant ce temps-là, les gens continuent à rester en attente, on ne sait pas trop de quoi. Les coups bas entre les parties, avec
Christian Elia « Diario di viaggio nei Balcani, Mitrovica le
Traduction de l’italien par ImpasseSud
Et maintenant ? Que va-t-il se passer le 17 février, le dimanche qui vient ? Le Kosovo deviendra-t-il un Etat indépendant ? Le gouvernement serbe vient juste d'annoncer qu'il ne n'acceptera pas cette violation de sa souveraineté.
*1ère partie : Belgrade
2ème partie : En Voïvodine
3ème partie : Novi Pazar
Mots-clefs : Europe, Union Européenne, USA, Guerres, Société, Sujets brûlants, Voyages
Commentaires et Mises à jour :
LEMONDE.FR | 17.02.08
... que la Serbie refuse de reconnaître.
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