A L’Aquila, plus de 6 mois se sont écoulés depuis le tremblement de terre du 6 avril 2009 qui a fait 308 morts et laissé sans logement au moins 75.000 personnes. Dans un pays occidental, à l’approche de l’hiver et dans une région située entre 700 et 1.000 mètres d’altitude, on imagine volontiers, justement grâce au temps que le gouvernement italien a soi-disant voulu gagné en sautant la phase intermédiaire avec le parcage pendant 5 mois d’environ 35.000 personnes dans des tendopoli glacées, trempées ou étouffantes, et le dispersement de 30.000 autres dans les hôtels de la côte adriatique (le reste s’étant arrangé avec ses moyens), que tout le monde a finalement un logement, même si provisoire. Mais il n’en est rien, la propagande médiatique du gouvernement, honteuse et trompeuse, ne reflète en rien la véritable situation. A L’Aquila, tout va cahin-caha et la plupart du temps en dépit du bon sens. A tel point que je n’arrive plus à rendre, à travers un simple récit, l’énormité des incohérences ni toutes les facettes d’un drame qui semble sans limites. Sur une terre qui continue à trembler, il ne faut pas l’oublier. Je conseille donc vivement à ceux qui passent par ici de voir cette vidéo qui résume bien la situation, et pour ceux qui ne comprennent pas l'italien, j'ajouterai quelques données synthétiques, qui hélas ne reflètent pas autant que je le voudrais les mille et unes difficultés auxquelles se heurtent journellement les sinistrés.

Personnes relogées

Je ne sais pas combien sont les personnes qui ont dû ou pu rentrer chez elle dès le mois d’août parce que titulaire d’un logement classé A (c’est-à-dire dont le coût des réparations non structurelles ne dépassent pas les 10.000 € qui devraient être fournis par l'Etat mais qui ont du mal à arriver), mais je sais qu’elles ne sont pas nombreuses. D’une part parce que L’Aquila est encore inaccessible à 78%, et de l’autre parce que dans toute la province, les décombres et les édifices branlants sont encore là, aujourd'hui comme au matin du 6 avril, si ce n’est pire suite aux secousses incessantes et aux intempéries. Les travaux d’étayage ayant été limités aux églises et aux monuments publics, toutes les zones rouges de la région sont encore interdites parce que les risques d’écroulements sont permanents. Ce qui empêche ceux dont les habitations s'y trouvent mais ont résisté et sont en bon état parce que construites selon les normes antisismiques, de rentrer chez eux. Jusqu'à quand, se demandent-ils ?

Pour le reste, il faut faire un distinguo entre les travaux autonomes de relogement et les chantiers mis en oeuvre par le gouvernement.

Chantiers autonomes :

Il s’agit de gestes autonomes, donc individuels ou sur une petite échelle, mais ce sont ceux qui ont avancé ou avancent le plus rapidement. Par exemple, la Province italienne de Trente avec l’aide des fonds de la Croix Rouge a pris l’engagement de construire 375 logements. C’est ainsi que dès le mois de juin elle a relogé des fonctionnaires qui habitaient sur place, que fin août, elle a remis une trentaine de logements à la fraction de San Demetrio(vidéo), et que le 15 septembre, elle a remis les clefs de 94 MAP (modules habitatifs provisoires, sortes de chalets en bois) aux habitants de la fraction d’Onna (photos). Sans parler de la prise en charge d’un hôpital psychiatrique, de la reconstruction de trois églises, de deux écoles maternelles, et de deux collèges. 

Le comble, c’est que Berlusconi qui, tout comme son gouvernement, n’en a aucun mérite, a eu le culot d’en accaparer l’inauguration à travers un show médiatique sans précédent (qui montre également les protestations des laissés-pour-compte), allant jusqu’à imposer le renvoi d’un programme de la RAI (la télévision d'Etat italienne) dont il craignait la concurrence. De quoi rigoler, quand on sait que, malgré cela, c’est une de ses chaînes personnelles qui lui a volé « son » public, transformant son show en demi-flop !

Un autre exemple de relogement autonome : les 112 chalets construits à Scoppito par Sanofi-Aventis pour ses personnels (500 personnes).

Etc.

Chantiers de l’Etat :

Où en est la construction des 20 « new town » (C.A.S.E.) de HLM coûteux promises par le petit chef dès le mois d’avril ? Ceux qui devaient reloger de 13 à 15.000 personnes début septembre ? Le 29 septembre, 2 (!) de ces complexes étant finalement terminés (rebelote de grandiose inauguration médiatique !!!) à Bazzano et à Cese di Preturo (faubourgs de L’Aquila), on a remis les clefs de 400 appartements (photos). Si les contrôles pour écarter les requêtes abusives semblent sévères, il est toutefois impossible de vérifier le bien-fondé des priorités dans les attributions.

Quand aux autres complexes, le travail va plus lentement que prévu (certains constructeurs ont demandés des délais supplémentaires) et d’autres en sont encore aux fondations.

Bilan au 10 octobre 2009 : on peut s'en faire une idée, mais il est difficile de trouver des données exactes et même de s'y retrouver. Sur les quelque 40.000 personnes à reloger définitivement ou provisoirement (c’est ce qu’a mis en évidence le recensement effectué par la Protection Civile du 1^er au 10 août), 6 mois après le séisme, le nombre de personnes encore sous l'assistance de la Protection Civile irait de (données fournies par Il Messagero le 16 septembre) 36.456 dont 11.000 encore sous la tente et 25.358 dispersées dans les hôtels maisons ou casernes de la région, à (données fournies par SKYTG24 le 10 octobre) 29.193 dont 6.140 dans 2.144 tentes et 19.336 dispersées hors de la province. 1.114 personnes seraient entrées dans les HLM et 317 dans les MAP, les chiffres relatifs à la remise des appartements d'ici le 31 décembre variant de 2.500 à 4.500 (?). Le maire aurait, paraît-il, signé une ordonnance autorisant  la construction de 1.100 MAP supplémentaires, mais il semble qu'on est encore en train de pétouiller à propos des terrains. De toute façon,  il paraît que cela ne suffira pas à reloger tout le monde : il y aurait 6.500 foyers pour lesquels rien n'est encore prévu. Se décidera-t-on à réquisitioner les appartements vides se demande Miss Kappa ?

De quoi y perdre son latin... ou décourager ceux qui, de près ou de loin mais bien à l'abris, continuent à s'intéresser à ce drame.

Quant aux travaux de restructurations/réparations dans les maisons ou appartements classés B et C, tout est encore bloqué (même si les gens, en cachette, vont parfois y dormir la nuit), car les banques se font tirer l'oreille. La meilleure, c'est que le gouvernement se vante d'avoir signé une ordonnance de prise en charge dès le 6 juin. Mais il oublie de préciser que cette ordonnance était sans explications ni détails, sous-entendant par là, - c'est le maire de L'Aquila qui le dit -, que les gens souscriraient une hypothèque sur leur appartement pour obtenir les prêts nécessaires à faire partir les travaux.... Des hypothèques qu'une fameuse société immobiliaire serait prête à relever en cas de difficultés !!!!

Bien sûr, après réparations, dans des modules provisoires ou encore sous la tente, à la rentrée 40% des établissements scolaires a réouvert à mi ou fin septembre, mais surtout parce que réinscrire ses enfants dans les écoles de l’Aquila augmente les priorités des ayants-droits.
Bien sûr, dans les fractions et communes de la province, encore sous la tente avec la neige toute proche, on attend les MAP dont la construction est contrôlée par la Protection Civile. Ici elles sont presque prêtes mais encore inhabitables parce que les travaux d'urbanisation (dont la PC s'est déchargée sur les communes) n'ont pas commencé, là il y a du retard, et là encore rien n'est commencé.

Depuis le 1^er septembre, de toute façon, la Protection Civile a commencé à faire démonter un bon nombre de tendopoli, en commençant par celles de L’Aquila, pour envoyer les milliers de personnes qui les occupaient vers d’autres destinations provisoires, plus confortables bien entendu, mais comme des « paquets-poste ». Destinations dont on les a informées 24 heures à l'avance, sans explications ni possibilité de s'informer, par de simples avis personnels remis en main sous escorte des forces de l’ordre, qui les a envoyées dans une caserne ou dans des hôtels, parfois à des dizaines de kilomètres de L’Aquila, sans tenir compte des situations particulières relatives à l’âge, aux nécessités familiales et scolaires, aux exigences de travail, agricoles ou de santés. Une véritable « déportation » disent les sinistrés qui, sous la tente depuis 5 mois, avaient déjà eu bien du mal à se recréer un tissu social. Quand on pense que la plupart de ceux qui avaient accepté de vivre en tendopoli l'avaient fait pour ne pas s'éloigner de L'Aquila ! Toute une population en polémique (surtout un bon nombre de maires qui craignent que la Protection civile qui devrait bientôt plier bagages leur laisse la situation sur les bras) ou résignée, à qui on demande d'obéir et de se taire, leur niant toute participation à la gestion du relogement ou à la reconstruction, et à qui n’arrivent toujours pas les aides de 100 ou 200 € par personne et par mois promises par le gouvernement dès le mois d’avril.

En plus, vu que la disparition des tendopoli va éloigner les forces de l'ordre, on craint désormais une recrudescence du pillage dans une ville fantôme abandonnée à elle-même.

Une situation chaotique, révoltante, inadmissible dans un pays occidental en 2009, d’autant plus qu’en 1981, après le terrible tremblement de terre en Irpinia, dans une région beaucoup plus accidentée, beaucoup moins accessible et avant l’existence de la Protection Civile, on avait relogé les gens plus rapidement, même si provisoirement. Rien d’étonnant à cela vu que dès le début tout a été orchestré et continue à être orchestré en dépit du bon sens par un petit chef qui met les boniments et son prestige personnel avant toute chose.

En dépit du bon sens :

1)     Pourquoi, afin de se faire une idée à propos du nombre de personnes à reloger, a-t-on attendu le mois d’août pour faire un premier recensement ? Dès le mois de mai on aurait eu la confirmation d'un chiffre approximatif de 40.000 à 45.000 personnes, et une image relative aux composantes familiales.

2)     Dans ce pays de montagne, la logique (mais aussi la majorité des sinistrés) ne voulait-elle pas qu’on préfère immmédiatement la construction massive des MAP, réalisable en 2 mois, et qui coûtent 500 €/m2, plutôt que de sortir de derrière les fagots un vieux plan de HLM antisismiques (heureusement!), horribles et horriblement chers (2.400 € le m2), plantés ici et là hors de tout contexte social, qui déparent le paysage, et dont les plans, qui plus est, ne prévoient que des appartements pour quatre personnes ? Et les couples sans enfants ou les personnes seules ? Comme si la dépense n’était pas déjà excessive, les modifications qui se sont imposées en dernière minute sont en train de faire monter ultérieurement les coûts.

3)     Dans une Italie où on a coupé les financements à une bonne partie du secteur publique, la logique ne voulait-elle pas qu’on opte pour un relogement moins onéreux mais  tout de suite et pour tous ?

4)     Si l’idée de déplacer le sommet du G8 de La Maddalena à L’Aquila semblait positive au départ, fallait-il la transformer en une pénalisation scandaleuse pour les sinistrés, avec dépenses et travaux disproportionnés pour recevoir les grands de ce monde, mais un retard de trois mois pour le départ de la construction des logements ?

5)     Plutôt que de condamner la population à l’immobilisme ou à la dispersion à long terme, plutôt que de pourvoir à l’aménagement et à l’approvisionnement des tendopoli d'une part et à la construction d'autre part en écartant presque systématiquement toutes les entreprises locales, ne fallait-il pas au contraire privilégier le retour au travail pour le plus grand nombre des sinistrés et le redressement économique de la province ?

6)     Dans ce chef-lieu au secteur immobilier en panne avant le séisme, la logique n’imposait-elle pas la réquisition immédiate des appartements vides (entre 2 et 3.000), avec une régulation des prix des loyers ?

7)     Dans cette région de montagne fière et autonome parce que longtemps vouée à l’émigration, et à une époque où l’Etat se décharge de plus en plus sur les régions, la logique n’impliquait-elle pas la participation des administrations locales et des nouvelles associations de citadins créées après le séisme ?

8)     Dans une ville inaccessible à 78 % où on voulait éviter la fuite des écoliers et lycéens, où pour ce faire on a opté pour le chantage à l’inscription (qui donne une priorité supplémentaire pour le relogement) ne fallait-il pas mettre une priorité au relogement de leurs parents dans le voisinage ? Le jour de la rentrée a vu des embouteillages spectaculaires sur les routes et autoroutes venant de la côte Adriatique car aucun service de ramassage scolaire n’avait été prévu. L’a-t-on mis en place ? Sans compter que le gouvernement ne trouve rien de choquant au fait d’imposer chaque jour et à chaque enfant de se lever très tôt et d'assumer un parcours d’une centaine de kilomètres ou plus.

9)     Dans une ville universitaire où on voulait éviter la fuite des étudiants, où pour ce faire on a décidé de bloquer les demandes de transferts dans d’autres universités et où, pour encourager les nouvelles inscriptions on a promis une exemption des taxes pendant trois ans, ne fallait-il pas, en même temps, penser au relogement de ces étudiants ? Trouver le moyen de bloquer les prix des chambres montés aux nues ? 8.000 d’entre eux sont actuellement en attente d’une chambre ou d'un lit, et contraints, en attendant, de loger sous la tente (vidéo) ou de passer des heures sur la route.

10) Dans un pays où les finances de l’Etat sont plutôt mal en point, est-il logique qu’on donne la priorité à l’imposition d’une paralysie coûteuse : chaque sinistré hébergé aux frais de la Protection civile, que ce soit sous la tente ou dans un hôtel coûte entre 45 et 55€ par jour et par personne à l’Etat qui, refusant d’augmenter les impôts directs des classes aisées et riches, a décidé de récupérer des fonds à travers des moyens de fortune comme de nouvelles loteries (qui déplument les classes déjà en difficulté) ; la création d'un bouclier fiscal outrageant pour le contribuables en règle, avec son taux uniforme d'impôts réduit à 5%, le couvert de l'anonymat et l'assurance de la dépénalisation, qui enrichira un peu plus les fraudeurs et les mafieux ; ou encore en abandonnant un peu plus le secteur public...

11) Dans un pays à l’illégalité diffuse, aux passe-droits sans confins, où le Parlement ne ferme pas ses portes aux délinquants, où on va même jusqu’à protéger le faux en bilan et encourager publiquement la fraude fiscale, mais où, dès le mois d’avril, on avait annoncé qu’on ferait tout pour empêcher les infiltrations mafieuses et malhonnêtes pour la reconstruction, pouvait-on réellement espérer qu’on mette immédiatement sur pied un contrôle sévère sur les spéculations, sur les prix des loyers, sur les arrogances des banques qui réclament des intérêts de retard sur les prêts immobiliers dont le remboursement a été bloqué et continuent à bloquer les accomptes prévus pour les réparations, sur la morgue des riches, etc. ?

12) On laisse que L'Aquila se meurt : d'une part la fermeture des tendopoli, comme évoqué plus haut, va sans aucun doute favoriser le pillage. Ensuite, aucune intervention n'est encore prévue sur le patrimoine artistique de L'Aquila : en plus des maisons et immeubles, "1.500 palais, églises et monuments bloqués en l'état, mais qui ne résisteront ni à la pluie, ni à la neige, ni au gel de l'hiver à venir", peut-on lire ici. Tout cela pendant qu'aux touristes des "macerie tours" (tour avec visite des décombres) on ne fait payer aucun billet.

Etc., etc., etc.

Quand même une bonne nouvelle pour conclure : le Parlement Européen vient d’approuver son financement de 493 millions d’Euros pour la reconstruction de L’Aquila. En espérant que l’UE ait pensé à y ajouter une commission de contrôle très sévère, vu que la plupart des financements européens qui arrivent en Italie finissent en grande partie dans les poches des margoulins, des hommes politiques ou des mafieux, et que les travaux qu'on commence sont souvent abandonnés en cour de route…

Mon petit compte-rendu sur les suites du tremblement de terre à L’Aquila va probablement s’arrêter ici, ce qui ne veut pas dire que je vais m'en désinterresser, loin de là. J'ai la gorge serrée et du mal à contenir ma colère, mais à chaque fois que j’aborde la question, à chaque fois que je m’informe plus à fond, que je prends des notes ou que je me mets à mon clavier, j'ai l'impression de plonger dans une situation dont je n'arrive plus à saisir "toutes" les horreurs et les injustices. Et à chaque fois que j’essaie d'en parler autour de moi, on m’interrompt : « Tu parles encore de L’Aquila ?! » ou bien « Qu’ils arrêtent de se plaindre ! Si Berlusconi n’était pas là, ils seraient encore sous les décombres. » Ceci même de la part des anti-berlusconiens, le cerveau lavé malgré eux par la diffusion répétitive et en continu d'une information mensongère par le monopole des médias entre ses mains. En effet, sous les décombres, il n’y a plus grand monde, mais à côté ou ballotés ici et là, à plus de 6 mois de la catastrophe et dans un pays d’Europe occidentale, il y a encore de 30 à 35.000 personnes à reloger, dont 6.000 encore sous la tente avec la neige toute proche et le gel la nuit !!!) , personnes à qui on refuse la possibilité de reconstruire leurs propres vies et leurs propres ville ou communes. Y a-t-il de quoi être fiers !? A-t-on le droit de faire semblant de rien ?

Ceci dans la plus grande indifférence de la majeure partie des Italiens, plus prompts à verser une larme et à courir aux enterrements, ou à s'insulter en public selon la mode lancée par le petit chef, qu’à essayer de prendre conscience de la terrible dégringolade d’un pays autrefois généreux, ingénieux et accueillant, mais aujourd’hui en déconfiture, avec une population hargneuse et parfois même méchante, parce qu’en plus d’être victime de ses propres habitudes de clientélisme et de corruption, elle est désormais la proie d’une classe politique arrogante qui, sous le couvert de vouloir faire des réformes, a complètement perdu le sens de l’Etat.

Cette excellente vidéo (en it. mais dont les images parlent toutes seules) de la RAI (la télévision d'Etat) mise en onde au mois de septembre, illustre aussi bien les incuries commises à L'Aquila que les politiques immobilières "arrangeantes" pratiquées dans une région à risques sismiques très élevés comme la Calabre. 

A L’Aquila, ce n’est pas le tremblement de terre qui a fait 308 morts et un nombre incroyable de sinistrés sans logements, mais les constructions hors normes : constructions à flan de colline sur un terrain friable, béton armé de mauvaise qualité, permis de construire octroyés à la légère, amnisties des constructions abusives, absence totale de maintenance des constructions plus anciennes, rapports de péril occultés, signaux d'alarme volontairement ignorés, etc…

Et à Messine, ces jours-ci (et comme pour donner une fois de plus raison à ceux qui sonnent l'alarme), ce n’est pas la nature qui a tué 30 personnes sous les glissements de terrain et les coulées de boue causées par les dernières pluies torrentielles, mais la bêtise crasse, l'incurie, l’avidité humaines qui portent au mépris de l'environemment, cause l’érosion des sols (en Italie n’importe qui allume des feux n’importe où et n’importe quand, laissant ensuite les pentes à nu), bétonne à qui mieux mieux, construit sur des versants qui glissent déjà, sur les bords abrupts des ravins, ou encore carrément dans les lits des torrents simplement parce qu'ils sont à sec depuis un certain nombre d'années ; la bêtise crasse, l'incurie et l'avidité humaines qui amnistient régulièrement, c’est-à-dire légalisent tous les abus et par conséquent la pratique du clientélisme et de la corruption, à tour de bras et contre argent comptant.

« Conséquence des abus » a dit Bertolaso, le chef de la Protection Civile, à Messine. C’est plus qu'évident, mais fera-t-on finalement abattre les 1.500 constructions abusives des alentours dont les pompiers avaient, depuis longtemps, ordonné la démolition ? Comprendra-t-on finalement la nécessité des plans régulateurs ? J'en doute vu qu'on vient de voter une loi qui permettra à tous ceux qui en feront la demande d'augmenter de 20% la surface de leur sol habitable : celui-ci ajoutera un grand balcon fermé qui déborde sur la rue, celui-là un étage, cet autre une dépendence, cet autre encore creusera dans les fondations, etc. Une fois de plus on vient de légaliser l'anarchie, et comme si le bétonnage omnivore ne déparait pas déjà assez les paysages et les littoraux, allant jusqu'à empêcher l'accès à la mer sur des kilomètres en en obstruant la vue, maintenant on pourra même construire dans les parc nationaux!!!

Aux funérailles nationales, le petit chef a promis : « D’ici 4 à 5 mois, tout sera reconstruit mais ailleurs, comme à L’Aquila ». Les survivants affirment qu'ils resteront sur place, parce que c'est là que se trouvent leurs racines. Espérons donc que ces mêmes racines, ils ne soient pas obligés de les manger par en-desous lors des prochaines pluies torrentielles, normalement récurrentes en automne et en hiver dans les régions méditerranéennes !

Boniments, larmes et toujours en dépit du bon sens... comme à L’Aquila ! Et ainsi de suite….

P.S. du 21.10.2009 : J'invite tous ceux qui passent par ici à aller lire le billet qu'Eric Valmir a publié sur son blog le 18 octobre : Plutôt frisquet ce weekend au camping de L'Aquila.

Tous mes billets sur le Tremblement de terre du 6 avril 2009 à L'Aquila