Je continuerai probablement mon récit à propos de la reconstitution du tissu social de la part du « peuple des brouettes », mais en ce
De la patience, ils en ont à revendre, ils en ont fait et continuent à en faire la preuve, chaque jour, abondement : sous la tente pendant des mois, dans le froid, les pieds dans l’eau ou sous un soleil cuisant ; dans les queues interminables pour récupérer leur identié et présenter toutes sortes de demandes et recours ; sur les routes et autoroutes qu’on les oblige à parcourir chaque jour pour aller travailler ou amener leurs enfants à l’école ; dans les hôtels, les résidences et les casernes éloignés où ils sont condamnés à l'immobilisme, parfois aux séparations familiales, entre une chambre anonyme et une table de restaurant ; dans les caravanes ou les campers qu’ils occupent encore aujourd’hui ; dans les refuges de fortune qu’ils se sont construits ; dans les 19 « new-towns » plantées au milieu de nulle part, sans transports publics, commerces ou lieux d'aggrégation ; dans l'attente qu'on débarrasse leur ville des gravats, et celle qu'on leur rende les brouettes qu'on leur a séquestrées pour les empêcher de les trier ; dans l'attente, interminable, des réparations de leurs appartements qu’on leur promet depuis un an, avec, comme dans une vie normale, de l’eau, du gaz et de l’électricité ; dans l'attente vitale qu'on permette à l'économie locale de repartir; dans l'attente qu'on commence, finalement, la reconstruction ; dans l'attente que « verità e giustizia » dénichent et punissent les responsables des morts qu'on pouvait éviter.
Mais L'Aquila renaîtra, c'est ce lancer de ballons effectué par les plus jeunes à 15h.32 qui le dit.
A voir : L'Aquila un anno dopo (vidéo muette), La longue attente des Aquilani (vidéo en fr.), 308 coups de cloche au coeur de la nuit (vidéo en fr.), la marche aux flambeaux (photos) dans la nuit du 5 au 6 avril 2010 qui a réuni 25.000 personnes et a résonné de 308 coups de cloche égrenés après la longue liste des 308 victimes (2 vidéos).
Tous mes billets sur le Tremblement de terre du 6 avril 2009 à L'Aquila
1 : Jour de Pâques... qui suit le tremblement de terre de L'Aquila
2 : Les risques de la reconstruction
4 : Avant et après
5 : Sur la scène et dans les coulisses
6 : L'éclosion des petits malins
8 : Là aussi on vote... malgré tout
9 : Ce qu'aucun JT italien ne raconte
10 : Les Aquilani en colère vont protester à Rome
11 : A trois mois du séisme vers le Sommet du G8
12 : La parade du G8 à son apogée et les réponses des Aquilani
13 : L'erreur d'Obama
14 : Les Aquilani plus isolés que jamais
15 : Vu de loin
16 : La grande confusion
17 : 6 mois après, cahin-caha, mais toujours en dépit du bon sens
19 : Manoeuvres électorales sur Wikipédia
20 : Un dimanche après l'autre et à la barbe des tentatives d'instrumentalisation, le tissu social de la ville se reconstitue.
22 : Un an après, le bilan
23 : Deux films qui racontent l'horrible réalité du post-séisme
24 : Vers une Union européenne de sinistrés ?
25 : 15 mois après, les Aquilani sont toujours sinistrés, abandonnés leur sort et... matraqués
26 et les billets suivants ici
Commentaires et Mises à jour :
Re: Un an après, bel hommage à l'Aquila
"L'Aquila, dal sisma a oggi" positif ?! Est-ce vraiment l'impression que donne cette série de photos ? !!! Personnellement je ne trouve pas. Tu me donnes tout à coup envie d'effacer ce lien. Comme quoi on est parfois trahi par ses bonnes intentions, car "Il Centro" est le journal local des Abruzzes (la région dont L'Aquila est le chef-lieu), assez fiable à mon avis. En fait il fait partie du groupe de La Repubblica qui, par rapport à Bernenous, est le plus grand quotidien à l'opposition.
Pierre, mais comment est-il possible que le vide qui émane de ces photos ne te frappe pas ? Un an après, on devrait pouvoir nous montrer l'effervescence d'une ville en plein travaux ! Au lieu de cela, les sourires de deux rescapées-symboles qui ont eu la chance de ne pas mourir, quelques espaces déblayées (mais interdits d'accès) alors que tous les autres, encore pleins de gravats ont déclenché la "révolte des brouettes", quelques étayages, l'abside d'une église reconstruite en bois, la coupole de plexiglas du dôme, et la photo, en plein show médiatique le jour de son inauguration d'un horrible immeuble du premier groupe des HLM-dortoirs, les préfabriqués de Bernenous qui ont coûté 2.400€/m2!!!, dont les Aquilani ne voulaient absolument pas dans leur paysage mais qu'on a construit sans leur demander leur avis. En effet, lui qui a fait de si nombreux shows médiatiques à L'Aquila devant un public sélectionné, pour qu'on le repasse en boucle sur son monopole de télés, en cette journée anniversaire il n'a pas osé se montrer, et quand le maire a lu le message qu'il avait envoyé, il a été fortement sifflé.
De toute façon ce relogement ne touche encore que 19.000 personnes, tandis que 52.000 autres sont encore en attente. Mais comme tu le dis, pour un quidam non averti, cela n'est peut-être pas évident.
A titre de comparaison, tandis qu'à L'Aquila le tremblement de terre de magnitude 5,8 à 6,3 a fait 308 morts après que la Protection civile ait sciemment sousestimé trois mois de fortes secousses prémonitoires, au Chili avec un séisme impromptu de magnitude 8,8 + tsunami sur 500 kms de côte il n'y en a eu qu'un peu plus de 500. Et alors qu'un an après L'Aquila continue à mourir entre ruines, gravats, absence de reprise économique et désespoir de ses habitants, voilà les photos du Chili un mois après. Même en Haïti, deux mois après et malgré l'immensité de la catastrophe et l'énorme handicap primordial, on a commencé à déblayer et à reconstruire, avec le peu de moyens du bord.
Je te propose donc d'aller faire un tour sur le beau reportage en images qu'Eric Valmir a fait sur place pour ce premier anniversaire. 1-2-3-4-5. Un bon résumé pour ceux qui n'ont pas eu l'occasion de suivre les choses de près pendant un an, justement. Dans son billet n° 4 il raconte sa rencontre avec Giustinio Parisse, le journaliste de Il Centro qui a commenté les photos de "L'Aquila, dal sisma a oggi", et qui lui-même a perdu son père et ses deux enfants adolescents dans le séisme.
Dans ce reportage, cependant, il y a un point où je ne suis pas d'accord avec Valmir. Les 19 HLM-dortoirs de Berlu dispersés au milieu de nulle part et sans infrastructures ni moyens d'aggrégation comme je l'ai écrit dans mon billet : si, dans un premier temps, les gens (en grande partie de L'Aquila chef-lieu) qu'on y a relogés étaient contents (rien d'étonnant après 7 mois sous la tente et avec l'arrivée de l'automne à 700/1.000 mètres d'altitude !!!!!), aujourd'hui une bonne partie d'entre eux l'est déjà beaucoup moins : tout d'abord parce que les attributions dans les groupes ont été faites de façon arbitraire sans tenir compte des voisinages préexistants, ensuite à cause de cet isolement loin de tout qui porte à la déprime, obligeant les gens à avoir une voiture ou à dépendre entièrement de quelqu'un, et pour finir parce que ces appartements "en commodat" sont tous identiques en tous points, des meubles aux draps et à la vaisselle : "On se croirait dans une clinique", disent-ils. Traumatisme sur le traumatisme en somme.
Tout le contraire des maisonnettes en bois (500€/m2) construites autour des fractions détruites grâce à des donnations, où on a conservé le tissu social préexistant et où les gens peuvent attendre la reconstruction dans des conditions agréables.
Pour en revenir au reportage, il y a un point où Eric Valmir met tout à fait le doigt sur la plaie de l'Italie d'aujourd'hui, celle de l'information. Car si dans les Abruzzes toutes les informations circulent librement, le monopole de Bernenous les empêche de passer sur le plan national.
Ici, Pierre, malgré ce qui a été fait et le travail généreux accompli par un grand nombre de volontaires, il n'en reste pas moins que pour un pays d'Europe de l'Ouest la gestion des risques sismiques et de ce post-séisme sont totalement inadéquates, voire scélérates.
P.S. Pierre excuse le remaniement que j'ai fait ce matin :-)
Re: Un an après à l'Aquila
Mon dernier billet a été écrit tard dans la nuit après m'être endormi sur le clavier et je suis content qu'il te soit permis de te révolter et d'éclairer tes lecteurs. En fait c'est la première impression que ce site donne par ces photos (avant, après) car je n'ai pas lu les commentaires. C'est pour cela que j'ai pensé que Bernenous était derrière pour endormir la galerie. Cela m'apprendra à ouvrir bien grand mes yeux devant ces photos pour comprendre l'évidence des messages qu'il en résulte.
Mille excuses, à ses gens que je respecte et dont je partage leur peine, si je me suis mal exprimé.
Cette terrible catastrophe a laissé une plaie bien trop profonde aux Aquilani, pour que je puisse prendre celà à la légère. S'il y a des leçons de moralité, de courage, d'exemplarité dans la cohésion et d'humilité, c'est bien de ce peuple Aquilani qu'elles viennent.
Quand allons-nous mettre un frein à cette frénésie boursière mondiale qui profite à une poignée de nantis ?
Quand allons-nous partager enfin les richesses du monde, pour aider ceux qui ont subi des catastrophes naturelles ou des guerres et qui se retrouvent dans la marge de la longue marche du monde ?
Re: Un an après à l'Aquila
Pierre, le fait est que les gens qui fréquentent le web lisent de moins en moins mais demandent de plus en plus à "voir" car c'est plus facile. Ce qui entraîne la mise on-line d'un nombre toujours plus grand de photos et de vidéos.
Le problème, cependant, c'est qu'on oublie volontiers que ce type d'information visuelle est tout aussi subjectif (si ce n'est plus) qu'un récit écrit, de la part de celui qui la publie comme de la part de ceux qui la regardent. Cette série de photo sur L'Aquila en est la preuve.
"Il centro" a fait ce montage et l'a mis on-line en partant du principe que ses lecteurs sont au courant de la situation, sans réaliser que ce message aseptique allait trahir la vérité des faits dès qu'il toucherait un public non averti. Je vais enlever ce lien et le remplacer par un autre, plus réaliste.
Quand au monde, je ne sais pas quoi te répondre. Je ne reprends espoir qu'à chaque fois que mon chemin croise une réalité, même petite, pleine d'une sagesse enthousiaste, les véritables résistants d'aujourd'hui qui, même au sein de la société, refusent de se laisser conditionner par les fausses obligations et ont repris la vie de leur communauté en main. Mais est-ce que ces gens-là seront assez nombreux et assez forts pour changer les choses ?
Quand je pense à L'Aquila des années à venir, je l'imagine avec un aspect identique, mais reconstruite selon les critères de l'énergie renouvelable. Au point de délabrement où en sont les immeubles à l'intérieur et vu que bonne partie des infrastructures est à refaire, ce ne devrait pas être trop difficile.
Encore une fois, tout comme les Aquilani, je ne comprends pas le pourquoi de l'immobilisme dont on frappe leur ville, surtout quand on pense à toutes les villes gothiques allemandes ou même à Varsovie, par exemple, complètement détruites durant la seconde guerre mondiale, mais qu'on a reconstruites de façon identique jusque dans les moindres détails. Mais vu qu'il y a déjà eu spéculation au niveau de la construction des HLM-dortoirs payés beaucoup plus chers qu'ils auraient dû l'être selon les experts, je ne vois qu'une raison à ce retard : la préparation d'une nouvelle spéculation ?
Un an après, bel hommage à l'Aquila
Difficile d'ajouter un post après toutes ces infos et ces émotions collectives, d'un peuple qui défend ses racines.
Le premier lien à voir: L'Aquila, dal sisma a oggi (photos) , est positif pour un quidame non averti, est-ce un site Bernouscoop ?
La révolte et les brouettes est déjà un scénario en soit pour un prochain film, en espérant que les acteurs seront sortis du pétrin et qu'ils ne seront que des figurants.