Entre mer et maquis - Tremblement de terre à L’Aquila (8) : Là aussi on vote…. malgré tout.

Tremblement de terre à L’Aquila (8) : Là aussi on vote…. malgré tout.

--> Quand des sinistrés font tout pour aller voter, comment, dans le reste de l'UE, a-t-on l'indécence de jouer à l'abstentionnisme ?

Hier, ça faisait juste deux mois. Une éternité pour toutes les personnes de L'Aquila et environs dont la vie a été complètement bouleversée ou carrément détruite la nuit du 6 avril 2009 ; une éternité pour les 65.000 personnes déplacées ; une éternité pour les 26.155 personnes qui se trouvent encore dans les 160 tendopoli, entre promiscuité, froid, pieds dans l’eau, ou chaleur étouffante ; une éternité d’angoisse pour ceux qui ont perdu absolument tous leurs points de repères ; une éternité pour tous ceux qui ont l’impression que le gouvernement se moque d’eux ; une éternité pour les exclus d’une ville interdite qui, malgré les nombreux étayages mis en place par les pompiers, continue à s’écrouler sous l’action commune, acharnée, des secousses dont la fréquence refuse de diminuer et des périodes de pluie continue. Une éternité de tracas, souffrances, inquiétudes… Et pourtant, depuis hier à 15 heures, à L’Aquila on vote, comme dans tous les pays de l’Union européenne, mais sous la tente. Dans quel esprit se demandera-t-on ? Voilà ce qu’écrivait hier Miss Kappa.

« Que faire ?

« On vote, même à L’Aquila, malgré tout. Ça semble drôle, même pour moi qui vais toujours voter, et qui considère que c’est un devoir absolu. Mais, quand on vit une vie aussi différente, en dehors de tous les schémas logiques, en dehors de tout ce qu’on peut imaginer, une vie qui a des priorités différentes de celles de la totalité des citoyens européens, on a une autre vision des choses. Tout à fait ! Et quand tu n’as pas la moindre idée à propos du lendemain, que tu te sens à la merci de ceux qui ont la prétention de décider à ta place, et que, pour une question de survie, il faut que tu t’occupes des besoins minimum et impérieux, eh bien, tu as l’impression qu’entrer dans un bureau de vote est quelque chose de complètement absurde. J’irai voter, ne vous en faites pas. J’irai demain matin. Je ne sais vraiment pas à qui je pourrais bien donner ma voix. Je n’ai rien suivi, et incapable du moindre raisonnement, je ne suis arrivée à aucune conclusion. Ce dont je suis sûre, cependant, c’est que vous aussi vous vous sentez dépaysés. Je doute que vos convictions de vote soient très fermes, et c’est la raison pour laquelle je ne vous demanderai aucune aide. Demain, je prendrai ma décision toute seule, dans le bureau de vote improvisé sous une tente, sans certificat électoral parce que le mien est resté sous les décombres et qu’à la mairie on n’a ni le temps ni les moyens de m’en donner un nouveau ».
(Traduction de l'italien par ImpasseSud)

A propos de l’évolution de la situation sur place, j’aurais encore tant et tant de choses à relater, mais pour aujourd’hui, à tous les citoyens européens qui passent par ici, à ceux qui ont un toit, un logement, un travail, une famille, des services publiques à disposition et ne serait-ce que l’ombre d’un avenir devant eux, en somme à tous ceux qui ont ce qu'on entend habituellement par une vie normale, je tiens à répéter : Allez voter ! Et non pas pour un robot quelconque qui appuiera pendant cinq ans sur le bouton qu’on lui indiquera, non pas pour quelqu’un qui cherche à vous vendre une sécurité fictive ou une promesse quelconque mais dont l’unique programme est d'avoir plus d'élus pour favoriser une élite restreinte, mais pour une personne honnête et responsable, décidée à faire sa part pour améliorer la vie de chacun des 497.198.700 habitants de l'UE.
Car si L’Aquila a eu autant de morts, si L’Aquila a été si férocement détruite, ce n’est pas à cause du tremblement de terre, mais à cause de l’incurie ignoble, de l’indifférence quand il ne s’agit pas carrément de corruption, d’une suite de gouvernements, députés, sénateurs et hommes politiques marrons, incompétents ou malhonnêtes, qui, dans ce pays extrêmement sismique, n’ont pas rempli les fonctions de contrôle et de prévention que les électeurs leur avaient confiées. Chez vous la terre est peut-être ferme, mais existe-t-il un pays qui n’ait pas son talon d’Achille ?

Tous mes billets sur le Tremblement de terre du 6 avril 2009 à L'Aquila

1 : Jour de Pâques... qui suit le tremblement de terre de L'Aquila

2 : Les risques de la reconstruction

3 : Les lieux communs

4 : Avant et après

5 : Sur la scène et dans les coulisses

6 : L'éclosion des petits malins

7 : La parole aux blogueurs

9 : Ce qu'aucun JT italien ne raconte

10 : Les Aquilani en colère vont protester à Rome

11 : A trois mois du séisme vers le Sommet du G8

12 : La parade du G8 à son apogée et les réponses des Aquilani