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Tremblement de terre à L’Aquila (13) : L’erreur d’Obama

Faut rigoler : Obama avec le Président de la région des Abruzzes, la Présidente de la province de L'Aquila et le maire de L'AquilaAvant d’y arriver et vu que cette erreur a pour cadre le Sommet du G8 terminé depuis deux jours, est-il négligeable de faire un bilan ? Tout d'abord, du côté de Berlusconi-entrepreneur, la réussite est incontestable, tout a filé comme un gant, à part pour la gestion du centre de presse qui a fait beaucoup de mécontents, et le traitement des hôtesses à qui on avait promis 150 € par jour pour 14 heures de travail, mais qui, les feux de la rampe éteints, ont été déclassées au rang de « volontaires » et devront probablement se contenter de 5 € de l'heure. Il ne reste plus qu’à attendre pour voir si le brio dont il a fait preuve en tant que maître des lieux suffira à lui redonner un peu de crédibilité sur le plan international. Ensuite, du côté du G8 et de ce qu’on en attendait, le résultat est mitigé : « Le G8 sort la tête haute mais ses jours sont comptés » titre le bilan très sérieux qu’en fait Jeune Afrique. Et, pour finir, du côté des Aquilani de L'Aquila, ceux du tremblement de terre du 6 avril, les grands absents de ce Sommet, qu’en est-il ? C’est là que le bât blesse, et terriblement.

 

Car s’ils savaient déjà que Berlusconi, la Protection civile et les forces de l’ordre allaient faire tout le possible pour les tenir à l’écart, pour eux, le seul espoir de comparaître sur la scène s'identifiait à la venue d’Obama. Ce Barack Obama qui, arrivé au faîte de la planète et à la différence des puissants du monde actuel, semblait ne pas avoir oublié les plus humbles et les déshérités, ceux que la crise économique a écrasé aux Etats-Unis tout comme ceux qui, de par le monde, sont victimes des tyrannies, des régimes corrompus, du racisme et du sexisme (son discours du Caire). Ce Sommet terminé, Obama s'est directement rendu au Ghana après avoir précisé que son choix avait été déterminé par le fait que c'est l'unique pays du continent noir à avoir une démocratie robuste, profitant ensuite de l'occasion, alors qu'il était sur place, pour dénoncer le génocide du Darfour

 

A L'Aquila, par contre, non plus seul protagoniste mais plongé dans le tas des décideurs, il semble qu'il ait été incapable de s'intéresser, à 500 mètres de là, à l'envers humain de la médaille tragique qu'on lui mettait sous les yeux : 70.000 personnes déportées depuis plus de trois mois et réduites au silence. Sur quelles bases d'information s'est-il répandu en éloges sur la gestion de l'après-séismes ? « Obama, ma chi l’ha visto ? »(1), répétait-on dans les tendopoli. Pour lui comme pour les autres puissants et leurs épouses - même si Mme Merkel s’est montrée à Onna (surtout pour des raisons spécifiques au massacre perpétré par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale) et que Carla Bruni-Sarkozy a préféré un show à part qu’elle aurait pu faire bien avant vu sa nationalité italienne -, l’intéressement s’est borné à des ruines désertées, au milieu d’une foule d'autorités, gardes du corps, forces de l’ordre et poignées de main en tous points identiques à celles qui les entourent quand ils visitent Palmyre, Petra ou la Rome antique.

Comment se fait-il qu’Obama, lui qui se veut différent, n’ait pas fait le moindre geste pour se démarquer d’un chef de gouvernement dont la vie dissolue au mépris des droits des femmes a fait le tour du monde, dont le gouvernement au comportement raciste et aux nouvelles lois sécuritaires douteuses n’a pris aucune mesure sérieuse pour combattre la crise économique qu’il va jusqu’à nier, et qui, pour sa gloire personnelle, a sciemment retardé le relogement de près de 70.000 personnes ? S’il est plus qu’évident qu’il ne pouvait pas se transformer en donneur de leçon ou en redresseur de tort, et que, comme il l’a rappelé dans son discours de Moscou, les Etats-Unis, à travers sa personne, ont désormais pris l’engagement de ne plus s’immiscer dans les affaires internes d’un gouvernement national arrivé légitimement au pouvoir, à L’Aquila cependant, le moins qu’il devait faire pour ne pas démentir sa ligne de conduite, son sens des valeurs, c’était de prétendre une visite improvisée dans une ou deux tendopoli, tellement blindées et contrôlées que les risques y étaient sans aucun doute négligeables. Pour les Aquilani, cela aurait fait une grande différence.

« Et les enfants ? » a quand même demandé Michelle, rejoignant d’un seul coup la foule des gens qui, même sincèrement, veulent donner l’impression de faire preuve d’une plus grande sensibilité. Comme si les enfants ne dépendaient pas avant tout du sort qu’on réserve à leurs parents ! Les enfants ? Et bien, à L’Aquila, sous la tente il n’y en a plus beaucoup, l’absence de leur cris et de leurs rires se fait même sentir vu que leurs parents ont préféré les envoyer ailleurs, pour qu'ils vivent dans de meilleures conditions tout du moins pendant les vacances, raconte-t-on ici en illustrant les grandes disparités de traitements, photos à l'appui. Par contre, à la rentrée, se demande-t-on un peu partout, y aura-t-il des écoles où les inscrire, où les envoyer ?

 

Paradoxalement, au cours de ce G8 voulu explicitement sur une terre martyrisée, les seuls qui se soient occupés des Aquilani évacués ou désespérés derrière les grillages et check-points des tendopoli, ce sont les no-global et les syndicats de bases, qui ont défilé de Paganica à la Villa communale de L’Aquila.
« J’ai suivi le cortège des no-global jusquà Sant’Elia », raconte Giustino Parisse, le journaliste de Il Centro qui a perdu ses deux enfants sous les décombres le 6 avril. « Tout s’est passé tranquillement. Petite tension au passage devant le chantier du projet C.A.S.E (2) à Bazzano, avec déploiement de la police et des carabiniers, mais rien de grave. Certains ouvriers ont même salué les participants, tout comme certaines personnes à Sant’Elia. Puis, tout à coup, mes jambes se sont dérobées, il y avait si longtemps que je n’avais pas marché autant. Mais ça valait la peine. Les Aquilani étaient peu nombreux, mais, somme toute, ce cortège a servi la cause de la reconstruction. Maintenant il faut regarder en avant. »

« Pour nous, Aquilani », raconte de son côté Miss Kappa qui y était aussi, « la manifestation des no-global a été comme une embrassade chaleureuse et fraternelle. Solidarité et marques d'affection. Compréhension. Les habitants de L’Aquila n’étaient pas là, freinés par la peur diffusée par les médias et par celle de l’exploitation que Mister B tenait déjà au frais, lui et ses serfs. Les manifestants, arrivés de toute l’Italie, n'ont parlé et hurlé que pour nous. Ils ne se sont occupés que de nos instances. Nous étions nombreux, 7.000 à mon avis. Le cortège a eu lieu sur huit kilomètres, en passant à côté des nombreux bourgs détruits, et devant les tentes. Comme en prison derrières les grillages, nos concitadins nous regardaient, silencieux. Quelques-uns ont applaudi. Nombreux sont ceux qui ont déjà perdu tout espoir. Visages tristes, voix éteintes.

« On est passés devant un des chantiers des C.A.S.E. et on a vu l’horreur. L’horreur qui fait plus mal que les décombres qui ont blessé tout le monde à l’entrée de la ville, quand le silence est tombé pour faire place à la douleur. Douleur véritable, que j’ai vu sur les visages des camarades, hommes et femmes qui veulent nous aider, maintenant plus que jamais. Tandis que les "grands" et leurs laidies quittent L’Aquila sans avoir eu le moindre contact avec les désespérés des camps, eux, nos camarades, ce contact ils auraient voulu l’avoir, mais on ne le leur a pas permis… »

 

Aux yeux du monde entier, Barack Obama est sans autre l’image de l’intégrité, de la rigueur, de l’ouverture d’esprit et de l’affabilité. Alors, pourquoi cette grossière erreur ? Il y a des petits manquements, apparemment infimes et inutiles, qui pèsent bien plus lourd qu’un beau geste ou de grands dicours, qui vous transforment presque en complices par omission. Aujourd’hui à L’Aquila, le rideau retombé, il semble qu'il y ait encore plus d’amertume. Mr. President, is there somebody who will tell it to you ?


En attendant, et vu qu’il faut toujours mieux aller de l’avant, Berlusconi a annoncé que pour le mois d’août, il cherche (!) un logement à L’Aquila, pour suivre les travaux de plus près car « rien ne vaut l’œil du patron », a-t-il ajouté. Du patron ?


(1) "Obama ? Quelqu'un l'a vu ?"
(2) C.A.S.E. sigle qui a repris le mot italien "case" = maison, et qui désigne le consortium qui s'occupera de la construction des new-town.

 

Tous mes billets sur le Tremblement de terre du 6 avril 2009 à L'Aquila 

1 : Jour de Pâques... qui suit le tremblement de terre de L'Aquila

2 : Les risques de la reconstruction

3 : Les lieux communs

4 : Avant et après

5 : Sur la scène et dans les coulisses

6 : L'éclosion des petits malins

7 : La parole aux blogueurs

8 : Là aussi on vote... malgré tout

9 : Ce qu'aucun JT italien ne raconte

10 : Les Aquilani en colère vont protester à Rome
11 : A trois mois du séisme vers le Sommet du G8

12 : La parade du G8 à son apogée et les réponses des Aquilani

14 : Les Aquilani plus isolés que jamais

15 : Vu de loin

16 : La grande confusion

17 : 6 mois après, cahin-caha, mais toujours en dépit du bon sens

18 : Après une longue mise sous tutelle, les Aquilani reprennent possession de leur ville que le gouvernement laisse mourir
19 : Manoeuvres électorales sur Wikipédia
20 : Un dimanche après l'autre et à la barbe des instrumentalisations, le tissu social de la ville se reconstitue

21 : 1 an après !
22 : Un an après, le bilan

23 : Deux films qui racontent l'horrible réalité du post-séisme
24 : Vers une Union européenne de sinistrés ?

25 : 15 mois après, les Aquilani sont toujours sinistrés, abandonnés leur sort et... matraqués

26, 27, etc... toute la suite ici

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 12 Juillet 2009, 15:13 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

sarah-k
13-07-09 à 17:44

Les images qui nous sont parvenues faisaient très ballade à Pompéi.
Toutefois, j'ai aperçu une image de colline où il y avait une énorme pancarte (genre Hollywood) où il était inscrit,
Yes! We camp!
J'ai trouvé que les gens avaient encore de l'humour.
En espérant que les puissants ont mis la main au porte-monnaie valablement.

 
ImpasseSud
14-07-09 à 08:05

Re:

Tu es déjà de retour ? :-) A moins que cette année tu n'aies mis ton PC dans tes bagages :-).

Le "Yes ! We camp!" a été monté à pied et en bravant les interdictions. C'est bien vrai que dans les situations tragiques, l'humour reste parfois la seule façon de se donner une visibilité. La vidéo que j'ai mise en lien avec mon 12ème billet l'illustre bien, ainsi que tous les slogans du défilé des "Last Ladies" organisé par le Comité 3e32 (l'heure du séisme, sous lequel se sont réunies la plupart des associations nées après le 6 avril), a mis sur pied en opposition à celui des First ladies.
Le problème, c'est que quand, en haut lieu, on décide qu'on ne doit ni te voir, ni te regarder, faire semblant que tu n'existes pas et que les médias ne font rien ou si peu de choses pour t'aider... Moi, durant ce G8, je n'ai pratiquement pas regardé la télé ni lu la grande presse qui, sauf pour de brefs spots... humoristiques justement, se sont occupé presque exclusivement du succès de l'organisation et des ronds de jambe des épouses des puissants, chez le pape, à Rome, en promenade dans les ruines, sur le simulateur de secousses, et même dans le privé, au restaurant. On était en plein gossip.
En ce qui concerne la main au porte-monnaie, personnellement, je pense que les puisants la mettront, tout du moins ceux qui se sont engagés pour la restauration d'un bien culturel en particulier.  Il se peut même que Mme Merkel fasse un peu plus à Onna, vu le contexte douloureux qui lie ce village à l'Allemagne nazie et vu qu'elle n'a pas attendu le G8 pour envoyer quelqu'un sur les lieux. Mais le patrimoine qui a été gravement endommagé ou détruit est énorme, plus de 1.300 entre églises, châteaux, théâtres, palais, monuments, etc...
Quant à la population sinistrée, ce G8 ne lui aura pas apporté grand chose si ce n'est un aéroport et une ou deux routes pratiquement inutiles, et les quelques 700 logements construits pour les délégations étrangères au sein de la caserne, qui pourraient accueillir près de 2.500 personnes, à condition qu'on les distribue rapidement comme promis. Mais sur quels critères ?

 
sarah-k
14-07-09 à 19:10

Ah! Il me manquait assurément la lecture de ce douzième billet.
Oui! Déja de retour, il y avait du travail pour Ded et nous ne sommes plus en mesure de refuser , les temps sont assez durs.
On repartira en août sur le chemin de la route.